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Samedi 6 septembre
Nous avons quitté l'aéroport
d'Ourghentch à 8H30. C'est la capitale de la province du Khorezm, qui a
détrôné Khiva.
Il y a une trentaine de kilomètres à parcourir.
Khiva est rapidement en vue.
A 9H45, nous arrivons près de vestiges de la seconde ceinture de fortifications
de la ville, puis nous longeons un moment l'imposante première enceinte de 2,2
kilomètres dont l'origine remonte au Ve siècle, renforcée au XVIIe, et qui
englobe le chakhristan, le cœur de la ville couvrant 26 hectares. Sur
l'énorme talus qui appuie les remparts, on peut apercevoir de petites
constructions qui sont en fait des tombeaux. En effet, dans la tradition, si
quelqu'un mourrait hors des murs, il ne pouvait pas être inhumé à l'intérieur de
l'enceinte.
1 - Madrassas Mohammed Amin Khan
(1851-1853)
et Matiniaz Divanbegi (1871), Porte ouest (Ota Darvoza)
Les monuments de la vieille
ville de KHIVA sont
classés au patrimoine mondial par l'UNESCO
depuis 1990.
Notre découverte de la
vieille ville de Khiva commence avec notre hôtel de caractère, l'Orient Star, situé près de
la porte ouest.
En fait,
ce superbe hôtel de charme est une ancienne madrassa (ou médersa),
c'est-à-dire une ancienne école coranique, la Madrassa Mohammed Amin Khan. Elle
porte le nom d'un puissant khan qui après une série de conquêtes au Karakoum
(Turkménistan actuel) dut affronter l'hostilité des peuples conquis réunis, ce
qui aboutit à sa décapitation en 1855, tandis que la ville subit 70 ans de
pillage turkmène.
Le titre de khan était
un des nombreux titres utilisés
par les sultans de
l'empire
ottoman
ainsi que par les grands chefs mongol
et par les dynasties turques seldjoukides pour désigner le dirigeant
de plusieurs tribus, clans ou nations.
Après avoir pris possession
de notre chambre, il est 10H et il est bien temps de penser à un petit déjeuner
tardif. L'hôtel n'a pas de salle de restaurant et c'est dans une madrassa
voisine transformée que nous nous rendons. Le Restaurant Khiva résulte de
la transformation de la Madrassa Matiniaz Divanbegi construite en 1871.
Nous apprécions, mais la
transformation de ces deux monuments en hôtel et en restaurant n'est pourtant
pas du goût de l'UNESCO.
Nous poursuivons jusqu'au
pied d'un grand panneau disgracieux mais pédagogique qui présente la carte de la
Route de la Soie, ou plus exactement DES routes.
Le Khwarezm (Xorazm en ouzbek), également appelé Kharezm, Kharism, Khorezm,
ou encore Khwarizm (noms issus du vieux perse signifiant "pays du soleil", est
une région historique située au sud de la mer d'Aral, entre
Ouzbékistan, Turkménistan et Iran. On y trouve notamment les villes historiques
de Kounya-Ourguentch et de Khiva. Le Khwarezm était le fief de la dynastie des Khwârezm-Shahs,
appelés parfois Khorezmiens, entre 1077 et 1231.
La fondation de Khiva est née d'une légende: Sem, le fils de Noé,
s'arrêta son chemin, fit un somme et rêva d'un puits et de 300 torches allumées.
Immédiatement, il fit creuser sur place et l'eau jaillit. Khiva est née
autour de ce puits appelé Keivah. La région particulièrement aride a
développé un système d'irrigation complexe à partir du IIe millénaire av. J-C.
et a été visitée par différents
conquérants: Perses, Grecs,Arabes, Mongols, Ouzbeks. Khiva fut, du XVIe siècle
jusqu'au début du XXe siècle, la capitale d'un khanat, longtemps vassal
de la Perse, et un important marché aux esclaves. Le khanat de Khiva (1512-1920) était l'un des trois
khanats ouzbeks issus de la dislocation du khanat de Djaghataï, avec ceux
de Boukhara (qui englobait Samarcande) et de Kokand. La Russie établit
un protectorat du khanat de Khiva en 1873 avec le traité de paix de Guendema.
Khiva est située dans une oasis à 470 kilomètres de Boukhara et
à 40 kilomètres du fleuve Amou-Daria, au bord du canal Palvan-Yap, à un tout
petit peu plus de 100 mètres d'altitude. Au nord-ouest, elle confine à la région
de Kouchkoupir, au nord à la région d’Ourguentch, au nord-est à la région de Yanguiarik,
au sud-est au Turkménistan. La partie sud de la ville est limitrophe du désert
du Karakoum. Le climat est continental, marqué par la chaleur d'un long été, la
rigueur de l’hiver court et la rareté des précipitations. La température moyenne
est 4,5° au mois de janvier et 27,5° en juin, mais elle peut atteindre 44°. La
quantité de précipitations annuelles s'élève à 90-100 mm. La population de
Khiva, dont le territoire est de 883 hectares, dépasse 55 000 habitants dont
2000 qui sont revenus s'installer dans la vieille ville.
La générosité que les khans montrent pour la chose religieuse à travers la
construction de madrassas (ou médersas) n'était pas qu'une marque de piété
désintéressée car les familles des étudiants (sauf les plus démunis) devaient
acquitter des frais de scolarité qui parfois rentabilisaient largement leur
investissement.
Cette école coranique
(établissement islamique sunnite d'enseignement supérieur à vocation
principalement théologique) construite sur deux niveaux au milieu du XIXe (1851-53)
est la plus vaste que comptait la ville puisqu'elle pouvait accueillir 250
étudiants, à raison de 2 par cellule, et aujourd'hui elle peut accueillir 138
touristes. Pour la construire, il avait fallu détruire une partie des
fortifications. Fait inhabituel, les cellules ont des ouvertures sur l'extérieur, celle de notre chambre ouvre sur un balcon donnant sur la porte ouest et la
statue d'al-Khorezmi. Le coté nord du quadrilatère formé par les bâtiments de la
madrassa est pratiquement adossé au Kalta
Minor, "le minaret inachevé" dont nous reparlerons.
Lora, notre accompagnatrice,
nous confie pour la journée à Samira,
une guide locale,
une guide qui doit encore travailler sa pratique du français car elle a un débit
extrêmement lent et même haché. Ses phrases sont correctes mais au prix d'une
grande lenteur due au fait qu'elle cherche ses mots ou les tournures qui
concviennet.
Nous nous rendons à
la Porte ouest ou Ota Darvoza. La porte du XVIIe siècle
avait été détruite en 1920 afin de faciliter la circulation des
automobiles. Sacrilège et grossière erreur car pour redonner un semblant
d'authenticité, il a fallu en reconstruire une vague copie il y a une
quarantaine d'années (1975).
Arrivés, hors les murs, on a une vue sur
l'imposante fortification d'une dizaine
de mètres de hauteur, faite de briques recouvertes de pisé.
En longeant la
façade ouest de l'hôtel, nous arrivons au pied de la statue d'al-Khorezmi
(Abou Abdallah Muhammad Ben Mūsa 'al-Khuwārizmī), célèbre personnage natif de la
ville qui a vécu de la fin du VIIIe au milieu du IXe siècle, à l'âge d'Or de
l'Islam ouvert à la science. Ce célèbre
mathématicien khorezmien, surnommé "le père de l'algèbre" était
aussi géographe, astrologue et astronome à la Cour Perse et membre de la Maison
de la Sagesse de Bagdad. Son nom est à
l’origine du mot algorithme. Il fut le premier à répertorier et à classer les
méthodes de résolution d'équations. Le titre de l'un de ses autres ouvrages est à
l'origine du mot algèbre ("Kitâb al-jabr wa al-muqâbala",
"Le livre du rajout et de l'équilibre") publié vers 825). Par ailleurs, l'utilisation des chiffres
arabes et leur diffusion dans le Moyen-Orient et en Europe sont dues à l'un de
ses autres livres qui traite des mathématiques et de l'arithmétique
indiennes (ce livre porte d'ailleurs le titre "Hisab Al-Hind").
A partir de Cordoue, Gerbert d'Aurillac, futur pape Sylvestre II diffuse
ses méthodes en Occident afin de remplacer les archaïques techniques de calcul à
l'aide d'abaques et de jetons. Rapidement les marchands vénitiens en tirent partie et
le mathématicien Pisan Fibonacci en perfectionne les applications (calcul du profit des
transactions, conversion entre monnaies... et ses travaux sont toujours très
utilisés en finances de marché). Ces algorithmes s'imposent définitivement à la
fin du XVIe siècle ,puisque intégrés au corpus d'enseignement des Jésuites..
On voit clairement que l'Ouzbékistan, la Bactriane il y a deux millénaires, se
trouvait au milieu du réseau en X qui reliait l'Extrême-Orient à l'Europe par
des itinéraires caravaniers, en passant par Samarcande et Boukhara. Khiva, se
trouvait sur le rameau partant vers le nord-ouest, via le contournement de la
mer d'Aral, en direction de l'Ukraine, des Balkans et de l'Europe du sud.
2 - Kalta Minor, "le minaret court" (1852-1855) ***
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Revenus dans la ville ancienne, sur la rue principale ouest est, Palvan Oori, nous nous intéressons au Kalta Minor, le "minaret court", haut de 26 mètres, puisque inachevé du fait du la mort du Khan Mohammed Amin en 1855.
Le monument commencé en 1852 devait être
le plus haut minaret du monde musulman en s'élevant à plus de 70 mètres.
La légende dit que son architecte aurait trahi le khan en ayant accepté
secrètement de construire un minaret encore plus élevé pour l'émir de Boukhara.
En raison de cette trahison, la légende dit que le traître fut précipité du haut
du minaret lorsque le khan en fut informé.
Une variante dit que le khan avait
prévu de l'assassiner de cette façon mais seulement une fois la dernière pierre
mais l’architecte ayant appris ce qu'on lui réservait se serait enfuit laissant
la tour inachevée...
C'est une magnifique tour conique revêtue de céramique d'une douce couleur vert
jade, le vert étant une couleur que l'on retrouve souvent à Khiva.
Sur la rue, les marchands ont installé leurs étals: marchands de vestes et
toques en fourrure, de jouets en terre cuite représentant des scènes
de la vie quotidienne, de sifflets en forme d’animaux mythiques...
Parmi les badauds, ils n'y a pas que des touristes étrangers comme nous mais
aussi des touristes autochtones qui portent leurs tenues traditionnelles:
hommes coiffés d'un calotte carrée de couleur foncée, femmes en ample robe
longue à manches courtes portée sur un pantalon arrivant au-dessus de la
cheville et fichu fleuri noué derrière la tête recouvre leurs cheveux.
Tous arborant un plus ou moins grand nombre de dents dorées dans les sourires
dont ils ne sont pas avares.
Nous croisons un couple de jeunes mariés en tenues occidentales: costume et robe
blanche. Nous en verrons plusieurs autres dans les villes en cours de circuit.
Ici, la mariée n'a pas adopté le traditionnel port de tête baissée avec le
voile baissé comme on le verra dans les autres cas. Il est vrai que nous tombons
en pleine "saison des mariages", après les canicules estivales et juste avant la
récolte du coton et les temps de froidure.
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A PROPOS DE MINARETS...
La construction de minarets (dérivé du turc ottoman manâra signifiant
"phare"), ce type d'architecture à vocation religieuse est bien antérieur à
l'Islam. On peut évoquer les ziggourats (de l'akkadien signifiant "très haute")
en Mésopotamie à partir du IIIe millénaire avant l'ère chrétienne. Les tours à
feu servaient de point de repère aux caravaniers dans le désert et aux marins en
Méditerranée (Phare d'Alexandrie) et aussi pour y élever des idoles. Bien plus
tard, les premières églises chrétiennes syriaques s'en sont inspirées. |
Avant de visiter la
citadelle, un petit tour par le Zindan, la prison, un édifice de 1910. On
y voit menottes, fers et autres instruments de torture ainsi que des gravures
explicitant les divers châtiments (bastonnade, exposition au soleil...).
Le condamné est conduit au palais du khan et la sentence s’exécute à la porte
de ce palais, ou devant la salle du conseil.
En ce qui concerne les exécutions,
elles ont parfois lieu dans les carrefours et les marchés.
S'il s'agit
d'exécution par pendaison, le corps du supplicié reste pendant plusieurs jours
attaché à la potence et exposé à la vue du peuple avant d'être remis à sa
famille pour être enterré. Variante: les criminels sont quelquefois pendus par les
pieds et laissés ainsi jusqu’à ce qu’ils expirent.
Autre exécution-supplice, l'empalement. Le pal est un pieu à pointe peu
effilée, afin qu’il ne tue pas sur-le-champ let s'enfonce lentement dans le
corps du condamné dont on a d'abord liés les bras et les jambes en croix.
Introduit dans le "fondement", le pal pénètre dans les entrailles puis on
délie les membres du supplicié afin d’augmenter les souffrances par les
mouvements spontanés qu'il fait. Le condamné meurt à petit feu, le supplice
pouvant durer quelquefois jusqu’à 48 heures, la mort ne survenant parfois
que lorsque le pieu ressort à l’extérieur, au niveau des épaules, de
la nuque ou du dos...
Méthode plus expéditive, moins raffinée et donc moins cruelle, le coupable est précipité du haut
d'un minaret. Pour une femme, on peut faire preuve d'un grand raffinement de
cruauté: on l'enferme dans un sac avec un chat puis on frappe le tout avec un
bâton. Bien plus que le bâton, ce sont les griffes du chat qui défigurent la
coupable.
Cela est décrit au temps présent mais, évidemment et heureusement, cela se
déroulait de la sorte dans un passé bien révolu.
3 - Koukhna Ark, la
forteresse (Ve-XIXe siècles)
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Face à la madrassa Mohammed
Amin, sur l'autre côté de la rue principale, s'élève un mur aveugle de la
forteresse, Koukhna Ark. Elle remonte aux origines de la ville, au Ve
siècle et les différents khan l'ont agrandie et transformée jusqu'au XIXe
siècle.
Son accès se fait sur la façade est.
Nous commençons par
la mosquée d'été (1838) aux carreaux de céramique bleus et
blancs, aux motifs en arabesques, et aux écritures coraniques en style coufique.
Le bleu est souvent dans les tons turquoise, "la couleur des Turcs".
Les motifs floraux du plafond en marqueterie introduisent des coloris plus chauds. On
distingue les céramiques d'origine de celles qui ont été restaurées par une
différence de coloris, les pièces anciennes sont plus pâles et portent une
numérotation.
Au fond de la cour, l'ancien Hôtel des Monnaies est devenu un musée où sont
exposées diverses collections: pièces, médailles, billets en soie, maquette de
forge où l'on frappait la monnaie.
Majoliques de Khiva et mosaïques de Boukhara et de Samarcande
La majolique est un assemblage de carreaux de céramique,
souvent de l'ordre de 3 cm d'épaisseur,
qui était
utilisée ici, à Khiva, au XIXe siècle.
C'est une technique postérieure à celle de la mosaïque (et plus simple) que l'on verra sur les édifices
plus anciens à Boukhara et Samarcande.
Ici, chaque carreau a été peint, numéroté et et recouvert d'un émail qui a été
vitrifié lors de la cuisson. Pour la pose, chaque carreau doit être fixé sur le
mur support avec un clou en son
centre. Elles ont tenu jusqu'à nos jours. Elles sont l'œuvre d'un artisan doué,
dont on connaît le nom: Abdullah Djinn. Il utilisait trois couleurs : le blanc,
le bleu et le vert. L'ocre est arrivée plus tard. Les motifs sont floraux (des
pétales, des feuilles, des tiges qui s'enroulent en spirale), appelés
islimi
(qui a été traduit en Europe en "arabesque"), ou géométriques (étoiles,
svastikas, dessins en "S", losanges à crochets) et dans ce cas le motif
s'appelle
ghirih
(d'un mot arabe qui signifie "nœud"). Ces motifs sont
d'origine perse et on les retrouve dans toute la décoration y compris sur les
tapis et les tissus. L'artisanat était subventionné par le gouverneur, et les
artisans bénéficiaient d'ateliers ou kitabkhana où
ils pouvaient former leurs élèves et chercher des innovations techniques ou
artistiques. Les artisans voyageaient et pouvaient être appelés à travailler
pour d'autres mécènes. L'art musulman de ce fait est assez homogène dans toute
l'Asie centrale.
On peut voir les parties restaurées par une différence de nuance de couleur, en
partie volontaire et aussi en partie du fait que les anciens artisans
protégeaient jalousement leurs secrets.
A Boukhara et Samarcande, sur des édifices plus anciens, aux XVe-XVIIe siècles,
la technique utilisée de
mo'arraq était très différente et plus complexe. Il s'agissait de
réaliser des
mosaïques à partir de fragments de faïence ou tesselles
de différentes couleurs qui sont taillés à la demande
et assemblés comme un puzzle
sur un lit de mortier pour former des panneaux aux motifs complexes. On retrouve cette technique
dans les zelliges au Maroc.
Nous poursuivons par la Kourinich Khana (1804-1806), la salle du trône où le khan accordait des
audiences. Sur le côté nord, se trouve un iwan ouvert, typique de l'architecture turco-moghole (on en trouve aussi dans les palais moghols du nord
de l'Inde) supporté par des piliers
de bois dur sculpté (noyer, orme...) et aux murs ornés de céramiques où il
s'installait en été, à l'abri de la chaleur. Une plate-forme circulaire
en maçonnerie de brique construite dans la cour supportait une yourte où
se déroulaient les audiences en hiver. Dans la salle contiguë, on peut voir un
mihrab et une copie du trône en bois recouvert d'argent (l'original de 1816
dérobé par les Russes au XIXe siècle se trouve à Saint Petersbourg, au Musée de
l'Hermitage).
De la cour, un accès (tarif 1€) par un escalier raide conduit à une tour, le bastion Akchikh-Bobo, appuyé aux fortifications ouest de la ville. C'est l'édifice de la
ville dont l'origine est la plus ancienne (antérieure à l'ère chrétienne): tout
à tour ermitage, tour de garde ou arsenal. La plate-forme aménagée à son sommet
offre une belle vue panoramique sur le nord et l'est de la ville.
De retour dans le quartier, on peut voir des fours en terre cuite tandyr
ou tandoor, en forme de jarre, servant à la cuisson du pain ouzbek.
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4 - Madrassa Mohammed Rakhim Khan (1871)
La madrassa Mohammed Rakhim Kan, tout comme la Madrassa Matiniaz Divanbegi, a été construite en 1871. Elle est dotée de lourdes tours d'angle coiffées de céramiques vertes. La façade a été restaurée il y a 20 ans à l'occasion du 150e anniversaire de Mohammed Rakhim Khan (1864-1910). Ce khan, monarque cultivé, poète et compositeur à ses heures, était connu sous le nom de plume de Ferouz. Dans le musée qui y est aménagé, on peut voir des collections de coiffes et vêtements princiers ainsi que des portraits photographiques qui datent d'un siècle.
En ressortant, on se trouve
face à l'entrée austère de la Madrassa Arab Mohammed Khan.
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14H, il est bien temps de
penser à manger mais il est vrai que le petit-déjeuner n'a été pris qu'à 10H !
Nous déjeunons, non pas chez l'habitant comme indiqué sur le programme, mais
dans
une tchaikhana, la Tea House Farrukh dont la cour est occupée par
des yourtes. C'est donc touristique mais on y sert des plats traditionnels. Pour
notre part, le repas est servi dans une salle. Premier repas avec des salades de
légumes bien appétissantes et on prend donc le risque mais
Lora nous dit qu'en
buvant du thé pendant le repas durant une petite période d'acclimatation, on
peut éviter les ennuis digestifs. On aura également un ragoût de légumes.
Bien sûr, on fera aussi connaissance avec le fameux pain ouzbek, célèbre en Asie
centrale. Le non ou nân (comme en Inde) ou naan (khlièb en russe)
est un pain plat et rond, en forme de grande galette, fait d'une pâte à base de farine
de blé et sans levure, orné au centre d'un motif propre à chaque boulanger et
imprimé avant cuisson à l'aide d'un tampon de bois munis de petites broches
serrées, avant d'être enfournées et
collées aux parois chaudes du four tandyr (ou tandoor) Traditionnellement, ce
pain était servi dans les tchaikhanas,
des maisons de thé, qui mettaient leurs cuisines à la disposition du client,
chacun y apportant sa viande ou ses légumes. Ces maisons de thé que l'on trouve
dans les bazars et au bord des routes sont aujourd'hui
devenues le plus souvent des restaurants comme c'est le cas ici. Les menus y
sont toujours les mêmes, mais l’éventail des spécialités d’Asie centrale est
suffisamment important pour permettre de varier les plaisirs.
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5 - Palais Tach Khaouli (1830-34)
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Nous commençons la visite par le côté sud, avec la salle de réception, Ichrat Khaouli (1832-1834) avec son iwan au plafond soutenu par des piliers de bois sculptés et aux murs recouverts de céramiques et au plafond richement peint où le khan s'installait pendant la saison chaude. Dans la cour, une plate-forme circulaire servait à y installer une confortable yourte pour les banquets ou les audiences en hiver. A l'étage des chambres étaient destinées aux invités.
Nous poursuivons par la cour du harem (1830-1832). Sur la gauche, au sud, cinq iwans servaient de demeure au Khan et à ses quatre épouses légitimes. On peut voir des détails intéressants au niveau de la base des piliers des iwans, avec des socles en marbre parfois ornés du svastika et avec un épais disque de feutre en poil de chameau intercalé entre le poteau de bois et le socle. Ce dernier dispositif est destiné à amortir les variations de dilatation des matériaux (forte amplitude thermique) et les ondes de chocs des tremblements de terre.
A propos de Svastika
Le (plutôt
que "la" comme on est tenté de dire) svastika dextrogyre
(pointant vers la droite mais tournant vers la gauche) représente le char solaire,
symbole religieux
panthéiste d'origine aryenne et
indo-européenne (voire chinoise?) omniprésent dans l'hindouisme où il est
associé au dieu-éléphant Ganesh. Il est repris dans la symbolique jaïne et
bouddhique (signe présent sur le thorax du Bouddha) pour signifier également la
prospérité, la chance (en Chine pour symboliser l'éternité). Il s'est répandu de
l'Extrême-Orient à l'Europe qui en ont fait un porte-bonheur et même des Musulmans
imprégnés de zoroastrisme ont représenté
ce symbole solaire comme on le voit ici. La réputation de ed symbole est entachée depuis le siècle
dernier lorsqu'il fut détourné et adopté par les nazis sous le nom de croix
gammée.
Sur le côté nord de la cour, s'alignent les 47 appartements plus modestes destinés aux servantes et aux concubines. La partie basse est quasiment aveugle,
à part quelques portes et fenêtres à moucharabieh, tandis que l'étage
présente une alternance de loggias et de parties pleines.
C'est un symbole cosmique autour duquel gravitent de nombreuses interprétations.
Evoquant le mouvement perpétuel de rotation autour d'un point fixe, celui de
l'univers, cette croix représente le développement dans le multiple, en partant
du point central représentant l'unité cosmique et ses 4 branches rappellent les
quatre éléments sacrés (eau, terre, feu et air) vénérés par les Zoroastriens, les quatre domaines dans lesquels
l'homme peut renaître: le monde animal ou végétal, l'enfer, la terre et le
monde de l'esprit. Elles pointent aussi vers les quatre points cardinaux et leur
forme coudée évoque le monde en mouvement tout en signifiant que la vérité,
l'absolu, ne sont pas faciles d'accès et qu'il faut déjouer les illusions pour
atteindre la réalisation. Pour les Hindous, les branches aux extrémités
incurvées et les quatre points ajoutés près du centre évoquent aussi les quatre
étapes de la vie (jeunesse, activité, retraite et renoncement) et les quatre Vedas.
Une partie des salles a été transformée en musée. On peut notamment y voir un
carrosse en assez mauvais état qui avait été offert par le Tsar.
6 - Mosquée Ak (1838-42), Madrassas Koutloug Mourad Inak (1804-18) et Alla Khouli Khan (1834) et Mosquée Juma (1788)
Arrivés près de la porte
Est, sur notre droite on voit la petite Mosquée Ak ou Mosquée blanche
(1838-1842) aux portes finement ciselées.
Sur notre gauche, nous arrivons sur les plates-formes surélevées de madrassas
koch, donc en vis-à-vis, sans pour autant être symétriques, ce qui est
interdit par l'Islam.
A l'Ouest, avec son austère façade dans l'ombre à cette heure-ci,
la Madrassa
Koutloug Mourad Inak (1804-1818). Ses tourelles d'angle sont coiffées de
céramiques. C'est la première médersa de Khiva à posséder deux niveaux de
cellules. Une réserve d'eau (sardoba) a été aménagée sous sa cour
intérieure. A droite, l'enceinte du Palais voisin forme un angle surmonté d'une
tour (gulsasta) dans lesquelles sont fichées des perches destinées à
éloigner "le mauvais oeil". Une
venelle sépare ce mur du palais de celui du caravansérail et du bazar (tim)
Alla Kouli Khan.
La madrassa Alla Kouli Khan (1834) s'élève face à la précédente madrassa. Son
haut portail (pishtak), le plus haut de la ville, est décoré
classiquement de majoliques de couleurs dominantes bleu et blanc. Cette
madrassa royale comptait 99 cellules et sa construction avait nécessité la
démolition partielle des fortifications (comme près de la porte ouest avec la
madrassa Mohammed Amin Khan, notre hôtel). Elle est due à l'un des plus
puissants khans de Khiva, fils de Mohammed Rakhim Khan.
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Une atmosphère
apaisante y règne comme dans une grotte. La pénombre est seulement percée par
deux puits de jour. Bien que très différente, cette mosquée me fait penser à la cathédrale-mosquée de Cordoue par cette pénombre et par la forêt de colonnes,
ici 313 (ou 218 ou 221, selon d'autres sources) piliers en orme sculptés. Quatre
de ces piliers ont plus de mille ans puisque provenant de Kath, l'ancienne
capitale du Khorezm au Xe siècle. D'autres ont également été récupérés à
différentes époques (Xe, XIe, XIVe, XVe siècles). Elles s'appuient généralement
sur des socles en marbre. Le travail de sculpture a parfois fait appel à des
artisans indiens qui ont apporté une touche syncrétique discrète puisque sur un
pilier, là où l'on pense voir un feuillage, ce serait en fait une silhouette du
Bouddha...
Dans cette atmosphère naturellement religieuse, on ne songe même pas à chercher
le discret mihrab. Au pied de la mosquée est érigé un minaret de 33 mètres.
7 - Minaret (1910) et madrassa Islam Khodja (1908), Mausolée Pakhlavan Mahmoud (1810-1835)
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La madrassa Islam Khodja est l'un des plus importants et récents monuments de Khiva est dû au Grand Vizir Islam Khodja , au service des khans Mohammed Rakhim puis de son fils Isfandyar, devenu khan par la suite. Il fit réaliser sur ses deniers personnels non seulement cette école coranique et le minaret mais aussi de grands équipements (filatures, dispensaires, poste et télégraphe) et impulsa des réformes notamment en développant des écoles publiques. Ce dernier volet de son action fut mal vu des religieux qui, avec l'assentiment du khan, le firent assassiner en 1911 par le Ministre de la Guerre Nazar Beg. Isfandyar fit complètement le ménage en faisant enterrer vivant l'architecte d'Islam Khodja...
La madrassa
qui
compte 42 cellules date de 1908 et sert de musée de Arts Appliqués.
Quant au minaret construit en 1910, c'est le plus haut de la ville
avec ses 45 mètres. Sur son tronc conique des bandes de céramiques
bleues et blanches alternent avec des briques de couleur ocre. Outre
sa fonction religieuse, il servait de tour de garde pour parer à
d'éventuelles attaques des Turkmènes, en quête d'esclaves, et il a
aussi servi de tour radio par les occupants soviétiques assiégés en
1924.
L'édifice que nous visitons ensuite est un mausolée célèbre, celui de Pakhlavan Mahmoud. A l'est de l'édifice monumental, près d'un ancien ossuaire zoroastrien, on peut voir une série de sépultures voûtées en brique et superposées sur plusieurs niveaux. En effet, bien que la région soit désertique, la nappe phréatique est peu profonde et les défunts ne sont pas enterrés afin de ne pas la polluer. Cela est un souci qui fait écho à l'ancien culte des quatre éléments par les Zoroastriens: eau, terre, air et feu.
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Le personnage
vénéré ici comme Saint Patron de la ville est nimbé de légende
puisqu'il a vécu aux XIIe-XIIIe siècles. Pakhlavan Mahmoud était un
fourreur, lutteur, guerrier et poète en langue perse. Il a aussi
introduit le soufisme dans cette cité. Un premier
mausolée fut édifié sur l'emplacement de son atelier et ses
disciples ont été "enterrés" près de là du XIVe au XIXe siècle.
Entre 1810 et 1835, Mohammed Rahim Khan Ier et son fils Allakouli
Khan ont été à l'origine de l'édifice actuel.
Le portail situé au sud (1701) donne accès à une cour. Du côté gauche
se situent des cellules (hujra). Au fond, se trouvent l'auberge des pèlerins (khanagha) et
les mausolées. Sur la droite, se trouve la mosquée ainsi qu'un puits
où les jeunes filles en quête de mari ou encore les jeunes couples en mal d'enfant viennent boire.
Le dôme turquoise qui surmonte l'édifice a été restauré suite aux
dégâts provoqués par les tempêtes de neige de 1993. La grande salle
carrée surmontée d’une haute coupole couverte de carreaux bleu
vernissés abrite les sarcophages de trois khans, deux du XVIe (Abulghazi
Bahadur et de son fils et successeur Anoucha), et ceux d'Alla
Khouli et de Mohammed Rakhim qui ont régné au XIXe
siècle. Le sarcophage du dernier cité est placé dans une niche.
La pièce de gauche que l'on peut voir au travers d'un panneau
incrusté d'ivoire est somptueusement décorée de céramiques mordorées
est le saint des saints avec le tombeau de Pakhlavan Mahmoud.
Le mausolée
fut fermé par les Soviétiques en 1959 et transformé en musée
révolutionnaire...
Dans le quartier, on peut voir ces fameux fours à pain en terre
cuite tandyr en forme de jarre.
8 - Ateliers de tissage de tapis
et de fabrication de lutrins.
Un petit tour au crépuscule puis dîner en ville
Sur le chemin de retour
vers la porte ouest...
Ici,
les habiles menuisiers font des lutrins magiques, pouvant s'ouvrir
en 3,6, 9, voire 12 positions différentes. C'est un jeu astucieux d'emboîtements
que le maître réalise d'un coup de main magistral. Je ne vois pas d'utilité à ce
genre d'objet, malheureusement.
Et là, on teint le fil de
coton tandis que dans les salles entourant la cour, des jeunes femmes assises
côte à côte par 2 ou par 3, à ras de sol, fabriquent des tapis sans modèle sous
les yeux et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire font un double nœud
sur les fils de chaîne et coupent prestement le fil
Plus loin, nous pénétrons dans une petite cour où se trouve un atelier de
travail du bois pour la fabrication de petits objets utilitaires ou décoratifs:
dessous de plats, saladiers dépliables et les fameux lutrins qui servent à présenter le
Coran ou tout autre livre. Ils sont astucieusement taillés dans une seule pièce
de bois qui est sculptée. En fonction de la taille du lecteur et du livre,
ceux-ci peuvent être ouverts en 3, 6, 9 (et paraît-il jusqu'à 12 positions),
symétriques ou non. Selon la taille et la complexité, le prix peut aller de 10 à
50€
A 18H, nous sommes de
retour à l'hôtel où Samira nous quitte.
Il est bien trop tôt pour regagner notre chambre malgré la fatigue du voyage qui
se fait sentir. Il faut encore profiter du charme de cette petite ville à une
heure où les touristes la désertent tandis que les marchands des rues rangent
leurs étals.
On a alors l'impression de se promener presque seuls dans un musée à ciel ouvert
et l'on a peine à croire que 2000 habitants vivent intra-muros. Nous reparcourons
la rue principale éclairée par la chaude lumière du soleil couchant: de la Madrassa Mahommed Rakhim Khan à la Madrassa Alla Kouli Khan. Puis l'envie nous
vient de franchir la porte est, Palvan Darvoza ("porte orientale de la cité"
dite aussi "porte géante")
qui se présente sous la forme d'une longue voûte de 60 mètres de long où peuvent
passer de petits camions. Les niches sur les côtés, après voir servi de cachots
pour les esclaves ont été transformées en boutiques au XIXe siècle. Jadis, c'est
à cette porte que l'on faisait les annonces, et aussi là que les exécutions se déroulaient.
Au-delà de la porte, sur la droite est édifiée la Mosquée Saïd Niaz Cheliker Bey
(1842) avec ses neufs dômes et le minaret Palvan Kari. C'est maintenant la
mosquée principale (Jama Masjid) pour la grande prière du vendredi, en lieu et
place de l'ancienne Juma devenue musée dans la ville close.
Nous rentrons en suivant un itinéraire au sud de la rue principale: Mosquée Ak, madrassa et minaret Islam Khidja, Mausolée Pakhlavan Mahmoud, Mausolée Saïd Allauddin (XIV e), Kalta Minor et enfin à la porte ouest, la Madrassa Mahommed Amin Khan, notre hôtel...
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Nous dînons en ville, sur la terrasse du Toza Bogh Palace, avec un environnement de madrassas (Koubai Khidza, Chirgazi Khan). Délicieux repas traditionnel, arrosé d'un petit verre de vodka si l'on veut: 4 assortiments de salades, soupe tchutchvara tchorba avec des morceaux de légumes et de petites boulettes de viande, 4 raviolis (2 chuchvara à la courge et 2 manty à la viande) et un biscuit pour finir.
Fatigués et l'estomac ainsi
rempli, on va pouvoir dormir du sommeil du juste !
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