| ||||
|
Dimanche 7 septembre
Après le petit-déjeuner et un dernier regard sur la Kalta Minor et le quartier de la Porte Ouest de Khiva..
A 9H30 nous prenons la route pou un très long trajet de 450 km pour rejoindre Boukhara. Un trajet qui demande 6 longues heures en voiture (il faudrait une heure par la voie des airs), pauses non comprises... ce qui signifie pour nous plus de 9 heures en minibus !
1 -Trajet entre Khiva et Boukhara (450 km !)
Pour commencer, il faut
repasser par Ourguentch, la capitale administrative de la province de Khorezm,
une ville en plein développement si l'on en juge par les constructions en cours ou les immeubles
bas, bardées d'antennes paraboliques, qui jalonnent la voie rapide. 150 000
habitants probablement...
Modernité aussi avec le trolleybus qui vient en contraste avec les vieux
tracteurs soviétiques à trois roues (une seule roue à l'avant) et les petites
carrioles tirées par des bourricots. Mais n'étant pas spécialiste de l'espèce asine, peut-être
s'agit-il parfois d'hybrides, donc de mules, mulets et autres bardots... j'en
resterai au terme assez vague: "ânes".
Modernité encore avec la marée de véhicules récents de marque Chevrolet, berline
et minivans construits dans la vallée du Ferghana, tout à fait à l'est du pays
qui viennent faire pendant aux Ladas soviétiques hors d'âge.
L'omniprésence policière sur la route est un autre élément qui va se confirmer par
la suite.
Quittant l’oasis du Khorezm,
la route longe en partie le cours du fleuve Amou Darya et traverse les étendues
sablonneuses semi-désertiques du Kizil-Koum ("Sables Rouges").
Nous franchissons bientôt le
plus grand fleuve qui arrose la frontière sud du pays, l'Amou Daria. Long de près de 2600km,
il traverse le pays d'est en ouest, après avoir
traversé le Tadjikistan voisin où il prend naissance, dans le massif du Pamir, à
la frontière avec la Chine. Même s'il est encore large ici, c'est pourtant bien
en Ouzbékistan qu'il vient lamentablement mourir en mer d'Aral, vidé de son eau
prélevée pour l'irrigation du coton.
Après trois quarts d'heure de route, un premier arrêt devant les étals de
marchands de gros melons jaunes et de graines séchées de tournesol. Les premiers sont très
rafraîchissants et un peu sucrés et les secondes sont parfaites pour un agréable
grignotage.
Dans un paysage sans grande
végétation, la couleur est donnée par les buissons violets de tamaris en fleurs.
Paysage de campagne: champs de tournesol en fleur, élevage de dromadaires, gens
afférés à la récolte du coton, bien qu'il soit dimanche. Mais
malheureusement et curieusement, il est interdit de s'arrêter dans les champs au
moment de la cueillette.
Petites maisons basses, parfois avec un toit en
terrasse, faites de briques de terre crue, recouvertes d'un enduit de pisé ou
chaulées. Et sur la route, quelques camions et très peu de voitures
et toujours des ânes....
Par moment la route est passablement abîmée, ce dont les
passagers installés à l'arrière du bus sont les premières victimes.
Il est bientôt midi, cela
fait 2 heures et demie que l'on roule et le paysage prend un air désertique. Sur
le sable ne poussent que quelques touffes de plantes épineuses. Un paysage qui
fait penser à celui du Rajasthan. Seuls éléments incongrus: quelques
stations-service et minimarkets, des espèces de caravanes-roulottes rouillées et
comme abandonnées ou des tuyaux noirs destinés à la construction de gazoducs ou
d'oléoducs. Et au milieu de nulle part, un poste de police, avec chicane, où il
faut marquer l'arrêt même si notre bus et son chauffeur passent sans subir de
contrôle. Partout, on va retrouver ces postes de contrôle, tous les 50 à 80
kilomètres environ.
C'est donc une région aride, quasi désertique pourtant il s'y passe des choses puisque l'on
voit aussi des engins de génie civil: foreuses, niveleuses et bulldozers.
Avisant une belle dune sur
le côté droit de la route,
Lora ménage un petit arrêt de trois quarts d'heure
pour nous dégourdir car il est déjà 13H30 et une "pause technique" peut parfois
s'imposer même si "la réalisation" pose quelques problèmes...
Dans ce désert où pousse des tamaris et des acacias, vit aussi
une faune adaptée: sangliers, vautours, tortues, varans, serpents, lézards et
petites marmottes du désert au pelage couleur sable (la marmotte, ancêtre
de tous les rongeurs, est apparue en Asie Centrale il y a 60 militons d'années). Notre arrivée en fera
détaler une et plus tard, en
roulant, nous en apercevrons une autre fugitivement sur le bas-côté. Après une petite grimpette sur la
dune, nous avons l'occasion de voir de près un lézard qui a
tôt fait de se réfugier à l'ombre d'une branche afin de se rendre moins visible.
A propos de mimétisme, nous ne somme pas assez malins pour observer les "insectes brindilles", les
phasmes parfaitement mimétiques qui vivent dans les broussailles.
Une petite demi-heure de
route.
200 km parcourus et il est 14h15.
Nous nous arrêtons dans
un petit
restaurant, très local, posé au milieu de nulle part mais disposant sans doute
d'une source car quelques arbres poussent alentour. Repas bizarre ressemblant un
peu à un pique-nique puisque
Lora nous a fait apporter un panier avec les
crudités, les fruits et ...la vodka ! Le restaurant nous fournit 4 chaussons
farcis (sortes de pains mince ou de galettes repliées), 2 à la pomme de terre et
2 à la viande, puis un chachlik, brochette de mouton peu garnie puisque constituée de
trois morceaux de maigre et d'un morceau de gras placé au milieu. Bon, on
ne peut pas dire quand même que l'on soit mort de faim.
| ||||
14H15, il est temps de
repartir pour affronter les 250 km qui restent à parcourir aujourd'hui.
Un
chantier d'élargissement de la route pour en faire une voie rapide est en cours
et la présence des Chinois est visible notamment au travers de l'utilisation
d'engins et de camions chinois. La modernisation de l'infrastructure
routière est en cours, avec la construction de ces nouvelles autoroutes,
pouvant résister aux grands écarts de températures caractéristiques de ce pays
au climat très continental. Espérons qu'elles seront réalisées conformément à ce
projet et non pas bâclées comme celles que les Italiens réalisent actuellement
en Afghanistan.
Toujours les étendues sablonneuses dont la caractéristique est l'aridité, ce qui fait hésiter entre un classement en désert ou en steppe car, à quelques kilomètres de distance, le paysage varie constamment. Il faut préciser que le terme "steppe" a trouvé son origine en Asie centrale (provenant du russe : степь, [step]). Des lignes de plantations courent parallèlement à la route afin de lutter contre son ensablement tandis que l'on retrouve une autre section de route en grands travaux. Puis ce sont encore des constructions rudimentaires (abris de bergers sans doute), des gazoducs, des relais de téléphonie hertzienne et peut-être aussi des "grandes oreilles".
Nous avons dépassé la petite bourgade de Gazli. Le paysage reverdit peu à peu et des zones de cultures font leur apparition: vergers, arachide (?), maïs, coton. Tout cela bien sûr avec les inévitables ânes tirant des carrioles de fourrage qui est ensuite amoncelé près des fermes près desquels ont voit des troupeaux de vaches regagnant leur étable. Des canaux d'irrigation plus ou moins envahis de végétation spontanée parcourent la plaine. Certaines parcelles de coton sont en cours de cueillette. Le transport se fait en vrac, par camion mais aussi dans des remorques aménagées à cet effet, simples ou doubles, tirées par des tracteurs ou plus modestement sous forme de ballots convoyé par un équipage asinien.
Ce sont enfin les faubourgs
modernes ou plutôt la banlieue de Boukhara, avec son lot de maisons et de petits
immeubles en construction. Une ville située à 230 mètres d'altitude et peuplée de
250 000 habitants selon Wikipédia et de 350 000 habitants selon
Lora... Les
Boukhariotes sont turcophones de langue ouzbèke, comme dans la majorité du pays,
mais il en est aussi de langue tadjike (variante du persan). On compte également
une communauté juive, autrefois importante, aujourd'hui presque disparue.
Historique sommaire de BOUKHARA
La légende attribue la fondation de Boukhara à l'antique roi-héros iranien
Syāvouch. Fondateur malheureux car sa mère adoptive en étant tombée amoureuse,
il dut s'enfuir dans la steppe. Le nom de la cité vient du sogdien Buqaraq
(pensez à baraka) qui signifierait "lieu fortuné" ou du sanskrit Vihara qui
désigne un monastère bouddhiste. En 1220, Gengis Khan s'empara de la ville qu'il saccagea en grande partie. Avec Tamerlan, la ville fut intégrée à l'empire des Timourides en 1370 et perdit de son importance politique au profit de Samarcande mais en 1506, la dynastie des Chaybanides s'empara de Boukhara et, dans la seconde moitié du XVIe, Abdullah Khan fit de la ville le centre politique du khanat de Boukhara. Le khanat de Boukhara (1599-1920), qui englobait Samarcande, fut l'un des trois khanats ouzbeks issus de la dislocation du khanat de Djaghataï, avec ceux de Khiva et de Kokand. À partir de 1599, une nouvelle dynastie commença à régner, les Astrakhanides, bientôt secouée par des querelles internes. Puis, en 1740, le roi de Perse Nâdir Shâh envahit le khanat de Boukhara, nomma comme gouverneur Muhammed-Rakhim-Khan. Ce dernier se proclama émir, fonda une nouvelle dynastie, les Manghit (1753-1920). En 1848, la ville ne comptait pas moins de 38 caravansérails, 6 arcades commerçantes, 16 bains publics et 45 bazars.
Pourtant cette période amorce le déclin de
Boukhara. Boukhara tombe sous le régime du protectorat russe en 1868, avant de
perdre définitivement son indépendance avec la prise de la ville par l'Armée
Rouge le 2 septembre 1920 et son rattachement à la Russie bolchevique. Elle
fera partie de la République socialiste soviétique
d'Ouzbékistan dans le cadre de l'URSS sous Staline. Faïzoulla Khodjaïev
(1896-1938), natif de Boukhara, le premier dirigeant
de cette république socialiste soviétique d'Ouzbékistan sera d'ailleurs exécuté lors des purges
staliniennes. |
Nous pénétrons dans la ville
dont on gagne les anciens quartiers situés au sud, l'ancien quartier juif aux
rues défoncées et poussiéreuses et aux bâtiments à l'aspect lépreux. Rien
d'engageant en apparence et pourtant c'est là que l'on nous dépose, près
d'un poteau électrique planté au milieu d'un carrefour. 50 mètres à
remonter sur la rue Arabon et nous voici devant l'entrée du Komil B&B où nous
allons dormir trois nuits.
A 18H40, nous franchissons
la belle porte en bois sculpté du Komil,
sur le montant de laquelle on peut
apercevoir le motif du svastika, pour se retrouver dans un hall vestibule où
est installée la réception. Au-delà, nous arrivons dans une belle cour de
détente, entourée de bâtiments de 3 étages, construits dans le style ouzbek.
Notre chambre récente mais dans le style traditionnel se trouve au
rez-de-chaussée de cette première cour. D'autres collègues sont dispersés dans
des bâtiments situés sur d'autres cours, dans les étages, dans des chambres plus
ou moins anciennes et au confort très variable. Les chambres sont dotées de
portes sculptées et de décors en stuc (étagères) sculptés et peints à la main.
Manifestement l'établissement s'est développé en grignotant les maisons
voisines. C'est donc un agréable dédale et même si l'établissement est dans une
classe de confort bien moyenne, il possède un charme indéniable. La maison
construite au XIXe (selon
Lora, certaines parties anciennes remontent aux
XVIIe-XVIIe siècles) appartenait à une famille juive qui l'a vendue il y a une
cinquantaine d'années avant d'émigrer en Israël. Sa transformation en
Bed
and Break remonte à l'an 2000. L'établissement a une certaine cote puisque
le TO Asia le choisit pour ses voyageurs en circuit privatisé comme on le
constate.
Une heure plus tard, nous
quittons l'hôtel à pied pour gagner le centre de la ville, après avoir traversé
l'ancien bazar des changeurs (tim Tok-i-Sarrafon) où maintenant,
abrités sous d'imposantes coupoles, toutes sortes de
vendeurs tiennent leur commerce, parfois à côté de tombeaux. La convivialité
touristique s'organise autour du bassin et de la place animée de Liab-i-Haouz,
entourés de madrassas aux façades illuminées, d'hôtels et de restaurant.
L'endroit est passablement kitsch avec ses chameaux en résine disposés sur la
terrasse des cafés, au bord du bassin.
| ||||
Nous dînons en terrasse de
la tchaïkhana, sur le côté
nord du bassin, au pied de vieux mûriers plantés en 1477. Le lieu serait plaisant s'il n'y avait pas non loin de là une
animation musicale qui n'a rien de traditionnel.
Repas copieux: assortiment de
crudités (chou-fleur, chou rouge et autres légumes), potage chourpa un peu gras à la
sauce tomate et aux légumes complété d'un peu de fromage râpé, deux boulettes de
viande en forme de paupiettes accompagnées de frites. Comme nous avions été pris
au dépourvu en apprenant l'anniversaire d'Amina la veille,
Lora s'est rattrapée
en commandant à un pâtissier un énorme gâteau d'anniversaire recouvert de crème
et de gelée...
Après cela, une petite marche digestive pour rentrer à l'hôtel ne sera pas superflue.
Lundi 8 septembre
Il
fait bon dehors, 15° déjà.
Le petit-déjeuner est
l'occasion de découvrir la superbe salle à manger du Komil restée dans son état
d'origine. En revanche, on peut moins apprécier l'organisation du service et la
parcimonie du buffet.
Après le petit-déjeuner,
nous avons un petit moment libre qui nous permet de découvrir dans un coin de
l'hôtel Komil l'un de ces fameux berceaux à fond percé. Nous en
approfondirons l'utilisation en cours d'après-midi...après la visite de
la Mosquée Kalon...
En regagnant la place Liab-i-Haouz petit coup d'œil par les
interstices d'une palissade qui condamne l'entrée dans les vestiges du
caravansérail Jourabek qui mériterait pourtant d'être restauré, tout comme
certaines maisons voisines qui ont encore de beaux restes...
Après avoir traversé le bazar, nous rejoignons notre minibus garé près de la place Liab-i-Haouz car notre première excursion nous conduit à l'est de la vieille ville, à
environ 2 km du centre. Encore faut-il laisser passer avant nous un important
convoi d'autocars escortés de policiers emmenant les étudiants à la campagne
pour récolter le coton. Des camions chargés des affaires des étudiant et même de
mobilier font également partie de cette transhumance.
2.1-Tchor
Minor (1807)
Des ruines de la madrassa subsistent les fondations
sur la droite, près d'un bassin (haouz), et quelques cellules accolées au
corps de garde, sur un seul niveau. La mosquée se situe au sud du corps de
garde.
En face, une boutique de
souvenirs présentent des oripeaux sortis de vieux stocks militaires soviétiques:
uniformes avec imposantes casquettes et médailles à ne savoir qu'en faire.
Nous reprenons le minibus,
cette fois-ci pour sortir de la ville, en nous dirigeant à 4 km, vers le nord.
Le Tchor Minor (1807), dont le nom vient du persan "quatre minarets", ferait penser qu'il s'agit d'une étrange
petite mosquée à l'aspect d'une chaise
renversée, alors que c'était le corps de garde (darvozakhana) ou le pavillon d'entrée très
particulier d'une madrassa construite avec les fonds d'un riche marchand
turcoman, Khalif Niazkhoul. Actuellement, le rez-de-chaussée est occupé par une
boutique de souvenirs.
Aux angles du corps de garde, trois des quatre tours sont purement décorative tandis que la quatrième dispose d'un escalier qui
conduisait à une bibliothèque et non pas à une galerie pour appeler à la prière
puisque ce n'est pas une mosquée. Encadrant un dôme central, chaque
tour couronnée d'une coupole turquoise est décorée de façon différente et symbolise quatre villes (La
Mecque, Ourguentch, Termez et Denaou). Elles
ont été restaurées récemment comme on peut le voir sur les deux tours les plus
proches où les briques vernissées portent les dates 1968 et 1997. L'édifice dont
le sol avait été rehaussé souffre de remontées salines (salpêtre) malgré le
bassin voisin qui a été dégagé et est sensé abaisser le niveau de la nappe
phréatique.
Etrange monument moderne à la sortie de la ville: un premier groupe de trois
femmes en soulève trois autres à bout de bras, ces dernières soulevant une
couronne. Plus loin, sur la gauche ont aperçoit une grosse sphère blanche posée
sur un trône tronqué, près du bâtiment moderne de l'Opéra.
2.2 -
Palais d'été Sitoraï-Makhi-Khosa (1911)
Le
Sitoraï-Makhi-Khosa est le Palais d'Eté que les Russes ont construit en 1911
pour Alim Kha, le dernier Émir de Boukhara. C'était une façon de le mettre à
l'écart en l'incitant à quitter l'Ark, la forteresse située dans la ville. Il
lui arrivait de se rendre à Saint Pétersbourg ou dans une datcha sur la côte de
Crimée, d'où ce mélange d'influences culturelles qui se lit dans le style brouillon de la
résidence, "pont entre deux mondes ou prison entre deux époques".
La résidence ne fut pas utilisée très longtemps et le premier Congrès du Soviet
de Boukhara s'y déroula en 1920. Les locaux accueillent un Musée des Arts
Décoratifs.
| ||||
Témoin d'une fin d'époque, le portail d'entrée est assez disgracieux avec ses majoliques simplistes et mélangeant des bleus et rouges discordants. Nous traversons des jardins où des paons en liberté nous accueillent
La cour intérieure (daroum) de la résidence bordée de constructions sur trois côtés est plus intéressante. Sur la droite, au nord-ouest, l'iwan soutenu par 6 colonnes donnait accès aux appartements privés de l'émir. Le fond de la cour est occupé par un bâtiment blanc qui peut faire penser au Palais de l'Ermitage de Saint Petersbourg. C'était le salon de réception qui à cause de son décor d'albâtre incrusté de miroirs est appelé le Salon Blanc. Sur le coté gauche, si l'on part de l'angle au fond, on traverse une enfilade de pièces: un assez joli couloir à niches aux décor floral, une salle de jeux, une salle à manger, un secrétariat et enfin une véranda fermée qui servait de salon de thé. On a un peu l'impression de se retrouver dans une brocante, du moins dans les premières pièces: tapis de prière, calendrier mécanique, miroir grossissant, antiques réfrigérateurs, cheminées en faïence, lampes à pétrole, horloge comtoise, portraits photographiquees des derniers émirs ... La collection de plats et de vases chinois et japonais en porcelaine présentés dans le salon de thé bien éclairé par ses grandes baies vitrées est plus plaisante.
Après être sorti de ce palais et être passés près de la statue de Moradov qui fut le maître d'œuvre de la décoration de la résidence, on poursuit la visite avec le Palais Octogonal qui sert de Musée national du Costume: vêtements de l'émir, de ses épouses et de concubines, dont certains brodés d'or. Des toques, calottes et turbans (chalma), des bottes, des babouches ainsi que des robes de mariées sont également présentés plus loin. Justement, puisque ce palais est consacré au costume traditionnel, un groupe de jeunes filles accompagnées de leurs professeures présentent à l'extérieur, au milieu des paons, leurs créations très colorées, inspirées des costumes traditionnels avec tunique et pantalon. Elles ont souvent utilisé l'ikat, un tissu fait de fils de soie et de coton. Mais la soie ikatée tend à être remplacée par des tissus synthétiques imprimés d'origine chinoise...
| ||||
Nous poursuivons la visite du site, en passant au
Harem, transformé en Musée des
Travaux d'aiguille puisque l'on y voit des suzaines ou suzani (du persan
souzan qui signifie "aiguille"). Ce sont des tissus brodés avec le
plus souvent des motifs de disques solaire et lunaire, de fleurs (surtout
tulipes, œillets et iris), de feuilles et les vignes ou de fruits
(principalement les grenades). Ils sont souvent faits de plusieurs morceaux,
cousus ensemble par la suite. Par la même occasion, on peut voir un berceau
traditionnel (bechik) recouvert de ce type d'ouvrage.
Les suzanis étaient traditionnellement brodés par les futures mariées d'Asie
centrale dans le cadre de leur dot et étaient présentés au marié le jour du
mariage. Lora nous confirme que la tradition perdurait encore il y a quelques
années. Elle-même, n'ayant pas réalisé son suzani, avait dû sauver les apparences
en en achetant discrètement une pièce sur le marché. Sa belle-mère encore
plus soucieuse des apparences lui avait fait l'affront de la doubler avec un
suzani plus conséquent qu'elle présentait comme étant l'œuvre de Lora.
Plus tard, Lora
a su que, tout comme elle-même, sa belle-mère était allée l'acheter sur un
marché...
A l'extérieur, on peut voir des jeunes femmes se livrant justement à la broderie de suzani
près de leur boutique. Autres artisanat en plein air, peintre de miniatures et
ciseleur de laiton (dont les pièces sont également ornées de peinture).
Ici, jolie photo à faire, celle du harem se reflétant dans le bassin voisin où l'on dit que
les concubines venaient se baigner, donnant tout loisir à l'émir installé sur la
terrasse couverte de choisir l'élue du jour qu'il désignait en lui lançant une
pomme. Plus pieusement, ce petit pavillon de bois est surmonté d'une petite
mosquée qui communique avec le minaret voisin, fait du même matériau.
| ||||
2.3 - Complexe du mausolée Bahaouddin Naqshbandi (1544)
11H30, nous nous écartons
encore un peu plus de Boukhara, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la
ville vers Kasri Orifon.
Le mausolée du Saint Bahaouddin Naqshbandi (ou Bakhauddin Nakshbandi) est
considéré comme La Mecque d’Asie centrale et le site le plus sacré de Boukhara,
bien que situé en dehors de la ville.
Bahaouddin Naqshbandi (1317-1388 ou
1318-1389) dont le prénom signifie "Ornement de la Religion", est un grand
maître de l'islam mystique à l’origine de la création de l’ordre soufi de la Naqshbandiyya. Après des années passées au service du neveu de Tamerlan, il
aurait été tour à tour soigneur d'animaux puis cantonnier. Il appelait à
l'obéissance et au renoncement. Sa philosophie se résumait au principe "Dieu
dans le cœur et le travail dans les mains" et se précisait à travers onze règles
de conduite.
| ||||
| ||||
Nous quittons le site à
12H45 et une quinzaine de minutes plus tard, nous retrouvons au centre de
Boukhara pour déjeuner.
Après avoir traversé le bazar des chapeliers (Tim
Tok-i-Tipak Furuchon), rue Khakhikat (ou Kakikat) conduisant au bazar des
joailliers, nous arrivons au restaurant Dolon où l'on
nous sert notamment les habituelles crudités, suivies d'un potage à base de
carottes, tomates, oignons et complété de raviolis. On a également des somsa
ou samoussas
carrés
fourrés à la viande hachée et à la courge, accompagnés de tranches de fromage, puis un
chachlik, brochette de morceaux de poulet avec la peau,
malheureusement trop gras et insuffisamment grillés.
| ||||
3 - Po-i-Kalon: minaret
(1127), mosquée (1514)
et madrassa Mir-i-Arab (1535)
A 14H15, nous commençons une
visite de la ville, trajet pédestre cette fois. Après avoir retraversé une
nouvelle fois le bazar des
chapeliers (Tim
Tok-i-Tipak Furuchon), nous remontons la rue Khakhikat et
traversons le bazar des joailliers (Tim Tok-i-Zargaron).
| ||||
| ||||
A droite, au pied du
minaret, on entre dans la Mosquée Kalon, qui fait face de la médersa Mir-i Arab.
A son emplacement, la première mosquée fut édifiée en 795, puis agrandie par
Ismaïl Samani. Elle subit deux effondrements, fut incendiée en 1068 et détruite
par les Mongols en 1219 car Gengis Khan n'eut pas les mêmes égards que pour le
minaret voisin: il déchira le Coran et le foula aux pieds, transforma les lutrins en
mangeoires pour ses chevaux et finit par faire incendier la mosquée puis par
la raser.
La structure visible
aujourd’hui a été achevée en 1514, le mihrab a été embelli en 1541, sous les Chaybanides. C'est l'ancienne mosquée principale de Boukhara puisqu'elle
devait pouvoir accueillir toute la population mâle lors de la Grande Prière du
Vendredi, soit dix ou douze milles personnes. C'est donc l'une des plus vastes
mosquées d’Asie centrale, avec des dimensions imposantes: 180x80 m (ou selon
d'autres
sources 130x80
ou 127x78), après celle plus ancienne
(1399-1404)
de Bibi-Khanoum à Samarcande.
Désaffectée au culte en 1924, elle est
maintenant
remise en usage bien que
les fidèles y soient peu nombreux.
Une différence majeure à souligner par rapport aux édifices de Khiva, c'est que les décors des portails ne sont plus faits de carreaux de céramique ou majolique (faïence émaillée) mais de mosaïques et parfois de zelliges (carreaux préfabriqués formés d'un assemblage géométrique des tesselles de mosaïques reproduisant un décor).
La mosquée possède 7 portes
ouvrant sur différentes directions. La cour comporte quatre iwans et est
entourée d'une galerie de 208 colonnes supportant 288 coupoles qui apportent de
la fraîcheur. Un grand dôme bleu (Kok Goumbaz) surmonte le mihrab à
mosaïque dorée.
L'ouverture du portail de ce
pavillon est encadrée par des colonnes travaillées et représentant un superbe
travail de mosaïstes.
Au fond de la cour, le pavillon octogonal qui fait face au mihrab est un ajout tardif,
de 1915. Il
marquerait l'emplacement de la sépulture d'un des premiers imams de cette
mosquée à moins que ce soit l'emplacement d'un puits d'ablutions ou qu'il eût
servi d'abri à l'émir ou encore de relais à un imam pour transmettre le prêche.
Lora nous fait remarquer qu'un peu partout on peut observer des
regroupements par paires de briques vernissées une carrée et une rectangulaire, symbolisant les
syllabes "al" "lah". D'autres motifs évoquent le svastika,
un motif que l'on a déjà vu à Khiva et ici, à Boukhara.
Revenus sur la place, petit
moment "connaissance du monde" avec un vieux monsieur qui présente sur son petit étal divers
objets insolites. Lora lance un jeu de devinettes... Propositions: pipes et
flûtes.
Tout faux ! Rien qui ne se porte à la bouche. Ces accessoires complètent
le berceau traditionnel que nous avons découvert ce matin au Komil. Ce sont, pourrait-on dire,
des urinals pour bébés, lesquels traditionnellement ne portent pas de couches en
Asie centrale. Ces petits tubes placés là où il faut au niveau des orifices
naturels conduisent l'urine dans un pot en terre placé sous le berceau.
Astucieux car ainsi, le bébé
reste au sec sans trop exiger de disponibilité (de la maman, évidemment) mais a
l'inconvénient d'exiger que le bébé soit emmailloté serré et ne puisse
guère bouger. Dans deux jours, lors d'un arrêt à Vobkent, lorsque
nous quitterons Boukhara en direction de Nourata, nous aurons l'occasion de voir
que cette façon de faire est toujours employée au moins dans les campagnes mais
que modernité oblige, ces petits instruments ne sont plus en bois mais en
plastique et, sans doute, "Made in China"....
| ||||
4 - Les madrassas koch (paire): Ouloug Beg (1417-20) et Abdoul Aziz Khan (1651-52), les bazars ou coupoles marchandes (XVIe s.) et mosquée Mogok-i-Attari (XIIe s.)
Après cela, nous voici
devant le portail de la madrassa Abdoul Aziz Khan, ayant devant nous, de l'autre
côté de la rue, celui de la madrassa d'Ouloug Beg. Dans ce type d'architecture
que nous avons déjà découverte à Khiva,
pour désigner deux bâtiments se faisant face et allant par paire on utilise le
terme koch qui signifie "double".
| ||||
| ||||
La madrasa d'Abdoul Aziz Khan (1651-1652) n'a pas été achevée du fait du coup
d'État destituant le Khan en 1652. C'est pourtant un sommet de l'art
architectural d'Asie centrale.
Deux lourdes tours marquent les extrémités de la
façade. La niche polygonale du portail est recouverte de stalactites joliment
peintes. De nombreux éléments de décor en mosaïques manquent, en particulier
dans la partie supérieure. Sinon, on peut admirer, contrairement à la tradition
architecturale islamique, des représentations figurées et un plus grand réalisme
du décor floral et végétal: de jolis entrelacs de
feuillages en mosaïque mêlant le bleu et le jaune doré (ce jaune lumineux
étant utilisé pour la première fois à Boukhara), d'étonnants et inhabituels motifs de
vases du bonheur éternel remplis de fleurs ou des paysages à la chinoise. La cour
maintenant occupée par des marchands (brodeuses, tailleurs, ciseleurs...) révèle
un état d'inachèvement et un manque de restauration.
Nous tombons mal car l'ancienne mosquée d'hiver de la madrassa n'est pas ouverte
aujourd'hui. Pour compléter la visite, nous reviendrons demain après-midi (9 septembre) pendant que nous aurons quartier libre. C'est
une jolie
petite mosquée bien que non restaurée. Les murs et plafonds sont ornés de décors
peints dans des tons inhabituels, brun rouille, gris bleu, ocre. Des pendentifs
ornent la jolie coupole et les absides à voûte en cul de four de l'entrée et, en
face, du mihrab.
Nous profitons de ce second passage pour aller visiter
une cellule située dans l'angle au fond et à droite de la cour. Elle était
organisée sur deux niveaux, disposant d'une cheminée au rez-de-chaussée tandis
que la pièce de l'étage est très agréable avec sa voûte peinte et ses
nombreuses niches. Plus loin, nous entrerons également dans une cellule
reconvertie en boutique de marchand de miniatures.
Nous regagnons le centre de
la vieille ville en traversant les trois tim principaux, les bazars édifiés au XVIe
siècle.
Une nouvelle fois le bazar des joailliers (Tim Tok-i-Zargaron). Arrêt devant l'atelier d'un coutelier qui nous présente de
jolis ciseaux en forme de becs d'oiseaux (possibilité d'y faire graver son nom).
Puis c'est le bazar des chapeliers (Tok-i-Tilpak Furuchon) et le
bazar des changeurs (Tok-i-Sarrafon).
De là, nous allons visiter l'ancienne mosquée Magok-i-Attari
("attar" fait
référence aux marchands d'herbes médicinales) qui a été construite sur les vestiges
de très anciens autels païens, d'un temple bouddhiste et d’un temple
zoroastrien: deux milles ans d'histoire révélés par l'archéologue soviétique Chichkine en 1935. Ce qui explique qu'elle soit située en dénivelé, semi enterrée
ou à demi déterrée si l'on préfère.
C’est la mosquée la plus ancienne de Boukhara. Une première mosquée à quatre
piliers avait été édifiée à cet endroit mais elle a été détruite par un incendie
en 937. La façade sud de l’actuelle mosquée date du XIIe siècle. Elle est
caractéristique des techniques de décoration utilisées à cette époque: brique
polie, carreaux en terre cuite sculptés, bandeau épigraphique émaillé, mosaïque.
Le syncrétisme intégrant le zoroastrisme est marqué par certains motifs
symboliques résultant de la disposition des briques. Le portail Est avait été construit au milieu du XVIe siècle pour permettre
l'accès. Désaffectée au culte, la mosquée abrite aujourd’hui un musée du tapis.
5 -
Liab-i-Haouz:
khanagha Nadir Divan Begi (1619-20) et madrassas Koukeldach (1568) et Nadir
Divan Begi (1622) et tour dans le quartier juif
Après cela, direction le
centre, le Liab-i-Haouz.
Le mot haouz désigne le
bassin qui occupe le centre de ce vaste espace animé. Ce réservoir, le plus
grand de la ville, a été creusé en 1620 et était alimenté par un canal. C'était
devenu rapidement un égout à ciel ouvert même si les porteurs d'eau venaient y
remplir leurs outres. La réalisation du bassin avait heureusement ménagé les
mûriers plantés en 1477 qui apportent ombre et fraîcheur sur la place. Le bassin
a été remis en état il y a une bonne quarantaine d'années.
A l'ouest, un premier édifice construit en même temps que le bassin vient s'y
refléter, il s'agit du Khanagha Nadir Divan-Begi (1619-20). Sur deux étages, cette auberge
comprend une mosquée cruciforme entourée de cellules ou chambres qui étaient
destinées au logement des derviches itinérants.
Puis au nord du bassin, c'est
la madrassa Koukeldach (1568), construite par le général de ce nom
(1568). C'est la plus grande d'Asie centrale (80x60 mètres). Sa façade est assez
austère avec peu d'ornementation du portail. Par contre, les deux étages de
portiques à ogives, de part de d’autre du portail d’entrée, sont surmontés de
céramiques bleues et blanches. Le monument héberge actuellement des magasins de
souvenirs. De jeunes mariés en tenues occidentales profitent de la lumière sinon du décor, pour se
faire photographier au pied de l'édifice. Nous reviendrons la visiter demain
pendant le temps libre de l'après-midi.
Poursuivant notre tour, tout comme les mariés, nous arrivons à l'est de la
place, devant la madrassa Nadir Divan-Begi (1622) dont la façade commence a être
plongée dans l'ombre. Elle est presque contemporaine du bassin et du Kahangha qui lui fait face. Le
divan-begi était un prince, chef de clan (le
terme mongol beg vient du turc bey signifiant "gouverneur") en charge d'une administration (divan ou
diwan).
Il destinait cet édifice à servir de caravansérail et en espérait de bons profits mais
il dut en changer de fonction lorsque l'émir Kouli Khan qui l'inaugurait
remercia son ministre en le félicitant pour sa foi et pour cette
"merveilleuse madrassa". De ce fait, c'est une madrassa "pas très
catholique", ne respectant pas les canons de l'Islam pour ce genre d'édifice. Même si le
portail fut reconstruit et des tours d'angle rajoutées, on n'y trouve ni mosquée
ni bibliothèque. Mais surtout le portail, orné de mosaïques, présente un tympan où l'on peut
admirer deux oiseaux fabuleux et colorés, de type simurgh ou simorgh
(oiseau de la mythologie persane) s'affrontant sous un soleil (symbole
zoroastrien) à visage anthropomorphe.
Les cellules servent maintenant de
boutiques et un restaurant en plein air occupe le pourtour de la cour, au centre
de laquelle des danseurs et de musiciens se produisent le soir. C'est d'ailleurs
ici que l'on va revenir deux heures plus tard pour dîner.
Retour sur la place et passage devant
la statue de Nasr-Eddin Hodja perché sur
son âne. Ce personnage serait un ouléma (théologien) mythique de la culture
musulmane. Célèbre dans tout l'Asie (et même jusqu'en Europe
méridionale, autrefois ottomane), c'est un ingénu, faux-naïf et même bouffon,
prodiguant au-delà du rire des enseignements au travers de devinettes ou de
petits contes moraux. Certains le croient né en Irak au VIIe siècle tandis que
d'autres voient en lui un Turc du XIIIe siècle. La statue est prisée des
photographes amateurs et des acrobates qui grimpent sur le baudet et sont
souvent fort embarrassés pour descendre de leur monture qui est à l'échelle 2/1.
Lora nous laisse libres à
17H15 sur la place.
Pour notre part, nous effectuons le retour à l'hôtel en traversant l'ancien
quartier juif, un ghetto ou "mahala", au sud de la place. Nous en
profitons pour jeter un coup d'œil dans la plus ancienne synagogue de la ville,
unique jusqu'en 1840 et dont l'origine remonterait au VIe siècle. Deux personnes
nous accueillent aimablement mais en parlant ouzbek ou russe. Je suis surpris
d'être dispensé de la kippa. On nous montre les rouleaux de la torah exposés
dans une vitrine cadenassée. La ville ne comptait plus qu'un millier de Juifs en
2006 contre 4000 en 1832 et plus de 25000 quelque siècles plus tôt.
Actuellement, les Juifs ne seraient plus que 280.
Puis nous passons devant la madrassa Eshoni Pir (XIXe siècle) transformée en
centre d'artisanat textile (teinturiers).
Après un passage bienvenu à
l'hôtel, retour au Liab-i-Haouz pour dîner à la madrassa Nadir Divan-Begi. Au
menu, quatre plats de crudités (tomates, concombres, aubergines), salade de riz
mélangés de petits légumes, beignets de légumes, fromage. On aura même des
frites... tout cela servi dans un très jolie vaisselle dans les bleu et
blanc, rehaussée d'entrelacs dorés.
Mais on n'est pas là que pour manger puisqu'il s'agit d'un "dîner-spectacle-présentation
de mode". En alternance, les danseuses accompagnées d'un groupe d'exécutants de
musiques traditionnelles cèdent la place à des mannequins de la boutique de mode
"Ovatsiya" qui défilent en présentant des modèles de la créatrice Irina
Sharipova: vêtements en tissus traditionnels ("khan atlas" en soie et "adras" en
soie et coton) et robes de soirées "zardouzi" en soie brodée d'or.
Portefeuilles
et cartes bancaires peuvent se soulager après le spectacle.
Marche digestive pour revenir à l'hôtel...
6 - Mausolées d'Ismaïl Samani (Xe s.) et de Tchachma Ayoub (1380), monument de Mouhammad al-Boukhari et grand marché
Mardi 9 septembre
Passage au centre ville pour rejoindre le minibus qui va nos conduire dans les
quartiers ouest où se trouve l'un des monument les plus remarquable du pays, le
plus ancien de Boukhara, conservé dans état d'origine.
Le
mazar ou mausolée d'Ismaïl Samani ou mausolée des Samanides (dynastie
iranienne de la période 875-999) se trouve malheureusement inclus dans un jardin
(le parc Kirov) comportant un petit parc d'attractions (grande roue notamment).
Il date du début du Xe siècle, ce qui en le plus ancien édifice de Boukhara.
C'est le tombeau d'Ismaïl Ier qui a régné sur la la Transoxiane et le Khorassan,
de 892 à 907, et avait choisit Boukhara comme capitale. Y sont également inhumés
des membres de sa famille. Comme la mosquée Magok-i-Attari vue hier,
l'édifice enfoui sous terre a été découvert par l'archéologue russe Chichine en
1934. Cela avait au moins eu l'avantage de le préserver du pillage et de la
destruction lors de l'invasion mongole.
Tout près de là, nous allons
encore visiter un autre mausolée, celui de Tchachma Ayoub ("la source de
Job"). En totale opposition de style avec le précédent: austérité et absence de
tout décor...
En face du mausolée a été
érigé un monument moderne en l'honneur de la personnalité la plus célèbre de la
ville, Mouhammad al-Boukhari (810-870). Le mémorial honore cet érudit musulman
sunnite né ici, à Boukhara, dans le Khorassan, alors province perse. Le monument
représente sous la forme d'un grand livre entouré d'un croissant. Pendant sa
vie, il a parcouru l'Orient rassemblant les hadiths (son recueil le plus célèbre
en compte près de dix mille et est admis à la fois par les sunnites et par
les chiites), les paroles et les actes que l'on prête à Mahomet et à ses
compagnons.
Passage dans les rayons des fruits: pommes, raisins blancs et rouges aux grains
oblongs, pêches, prunes, figues, citrons, grenades, bananes (exotiques). Sans
oublier les légumes: grosses et courtes carottes rouges et jaunes, ail, piments,
poivrons et superbes cucurbitacées (courges, melons, pastèques, potirons), aubergines,
tomates, choux, ciboules, aneth ou fenouil. Nous poursuivons par un pavillon voisin consacré aux produits laitiers. Les
étals de fromages, où certains produits sont présentés sous forme de boulettes,
sont plus engageants que ceux qui vendent du beurre présenté en gros tas ou dans
des seaux. On peut aussi trouver du miel dans ces stands. Un peu plus loin, on
vend des morceaux de poulet et des monceaux de saucissons de toutes sortes.
Retour dans la halle principale en passant devant les étals d'épices, de
couleurs, de tisanes et plantes aromatiques et médicinales. On finit par plus
consistant, le riz de différentes qualités et couleurs. En ressortant, sur la
rue, c'est le coin des vendeurs d'huile de table. Tournesol pour certains bidons
ou certaines bouteilles. Peut-être d'autres avec de l'huile de coton... En quittant le site, nous
passons entre les madrassas koch (doubles) d'Abdoullah Khan, sur la droite, la petite Modar-i-Khan (1567) et
sur la gauche, celle dite d'Abdoullah Khan (1590). La première fut bâtie en l'honneur de la mère du khan (modar
signifie "mère").
C'est un cube de près de 11 mètres de côté, surmonté d'un dôme et de quatre
autres petits dômes placés au-dessus de chacun des angles, avec des murs
que l'on pense légers alors qu'il ont deux mètres d'épaisseur à la base. Les
quatre façades sont identiques. L'agencement très savant de la maçonnerie en
briques, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, est d'une grande richesse
esthétique et symbolique. Le syncrétisme s'y manifeste avec de nombreux symboles
zoroastriens plus ou moins explicites, même si le mausolée, par sa forme
cubique, rappelle la forme de la kaaba. Au-dessus des portails, on peut voir
une sorte de triangle qui est un faravahar ("ange gardien") à aux ailes
déployées et de chaque côté, un cercle contenu dans un carré symbolisant
l'univers et l'éternité. Par ailleurs, les nombreux cercles de brique sont
autant de symboles du soleil. Avant d'y pénétrer, il faut se concentrer un petit
moment sur les galeries situées à la base du dôme. Sur chaque façade, dix
fenêtres sont entourées de jeux de colonnes différents (symétriques par paire).
L'intérieur est superbement mis en valeur par l'éclairage indirect qu'apportent
quelques unes des petites fenêtres situées sous la coupole. Grâce à quatre arcades
d'angle, on passe du plan carré à un tambour à 8 puis 16 côtés pour finir par la
coupole hémisphérique. Sur chaque côté, les dispositions des briques offrent des
décors différents.
C'est un lieu où la dévotion se manifeste toujours, quelques personnes prient
assises sur un banc avant d'aller toucher et même embrasser le tombeau du saint
en en faisant trois fois le tour afin qu'un vœu soit exaucé.
Selon la tradition, longtemps avant l'ère chrétienne, le prophète Job passant
dans cette région où les gens mouraient de soif eut pitié d'eux en frappant le
sol pour en faire jaillir de l'eau.
C'est un édifice composite dont les parties
les plus anciennes remontent au règne karakhanide d'Arslan au XIIe siècle (comme
le minaret Kalon). Mais la partie la plus surprenante correspond à celle qui est
surmontée d'un "dôme conique" et qui fut édifiée en 1380 sous le règne de
Tamerlan. Sa forme évoquerait celle des tentes des anciens nomades du Khorezm
mais il dissimule un autre dôme hémisphérique visible de l'intérieur. Les trois
autres salles furent ajoutées au XVIe siècle. En dehors de la source sacrée,
l'édifice héberge un Musée de l'Eau (outres, maquette de noria, cartes des
bassins hydrographiques et du recul de la Mer d'Aral...). Derrière le mausolée,
on peut voir des tronçons des anciennes fortifications, aux limites du bazar.
Après cela , tout à côté,
notre visite se poursuit au grand marché de Boukhara.
Couleurs et senteurs des
bazars ouzbeks, avec une grande place accordées aux fruites secs (raisins,
abricots "très secs"), fruits à noix (noisettes) et à noyaux (amandes,
abricots). Beaux étals de pain. Les rayons de pâtisseries sont immanquables avec
leurs gâteaux dégoulinant de crème et de couleurs. Pour les grandes pièces, on ne
s'étonne pas d'en voir des ronds ou des carrés ou en forme de cœurs mais il y
en aussi en forme d'amande, de triangle, de poire... sans oublier les bûches
jaunes ou saumon ou des sortes de brioches nappées de chocolat ou encore des
gâteaux individuels surmonté d'une confiserie (crème ou meringue?) en forme de
rose rose !
7 - Registan: mosquée Bolo-Haouz (1712), citadelle de l'Ark (XVIe-XIXe s.)
Un trajet de moins d'un kilomètre pour se rendre au Registan et, pour commencer,
visite de la mosquée Bolo-Haouz ("près du bassin").
| ||||
| ||||
La mosquée Bolo-Haouz construite en 1712
était utilisée par l'Emir. Son superbe iwan de 12 mètres de haut, au plafond à
caissons finement décoré, est soutenu par vingt colonnes de bois sculpté,
avec des chapiteaux à muqarnas peints, c'est-à-dire en forme de nids
d'abeilles. Cette partie ouverte sert de mosquée d'été. En se plaçant en face,
sur l'autre bord du bassin, on ne sait ce qu'il faut admirer le plus, l'original ou
bien son
reflet sur le miroir d'eau.
La salle de prières d'hiver, en cours de
restauration, est une pièce à quatre colonnes avec plusieurs entrées
disposées sur un seul côté, dans le style du tournant du XIXe siècle et du XXe
siècle, avec des décors à motifs géométriques multicolores. Le petit minaret a
été construit en 1917. La mosquée est rouverte au culte depuis les années 1990.
Il suffit de traverser un petit jardin en passant près de la tour métallique
d'un château d'eau désaffecté pour se retrouver face à la forteresse, l'Ark.
On y rentre par un portail flanqué de deux tours entre lesquelles sont placées
une terrasse et une galerie couverte d'où l'émir assistait aux châtiments et aux
exécutions publiques qui avaient lieu sur le Registan ou Reghistan, la grande place. Un long
tunnel en pente, bordé de cachots, conduit au sommet de la petite colline.
| ||||
Une dizaine de minutes plus
tard, nous nous retrouvons au parking, près de la place Liab-i-Haouz. Puis, à
pied, un passage devenu familier sous le Tok-i-Sarrafon, afin de se rendre dans
une tchaïkhana du quartier juif. Au menu du déjeuner: plats de crudité, potage
genre chourpa, à la carotte
et au maïs dans un bouillon de poulet, poivrons garnis d'une farce à la
viande et au riz puis une part d'un délicieux gâteau.
Dans une vitrine, on peut
admirer deux livres écrits en arabe (mais peut être en langue persane) dont un
illustré.
| ||||
14H30, après-midi libre...
Personnellement, cela nous permettra de refaire un circuit entre les principaux
monuments du centre, dans un triangle compris entre Liab-i-Haouz et les sites de la
rue Khodja Nourobd, le complexe Pok-i-Kalon (avec le minaret et la madrassa Kalon) et
la madrassa Abdoul-Aziz. L'occasion également de faire quelques emplettes...
Dîner à 19H, non loin de notre hôtel Komil, toujours dans le quartier juif, à la tchaïkhana "Old House". Il y a une coupure d'électricité dans le quartier aussi une bonne partie du repas se fait aux chandelles. Nous allons y déguster le plat national, un excellent plov (peut-être un peu gras quand même), arrosé d'un vin rouge ouzbek. Nous avons pris tout notre temps puisque nous quittons l'établissement à 21H.
| ||||
Nuit reposante au Komil, établissement et quartier bien tranquilles...
Menu OUZBEKISTAN