BOUKHARA
 


 


UNE FÊTE MAJEURE:
LE MARIAGE TRADITIONNEL

En Ouzbékistan, on peut citer trois rituels festifs marquant des étapes importantes de la vie.

Beshik Tuy ou Bechikh Toy correspond à la célébration de la naissance (on attend 40 jours après pour présenter l'enfant à la famille, des fois où il ne survivrait pas).
Pour les garçons, la fête Sunnat Tuy est celle de la circoncision qui se pratique à 3, 5 ou 7 ans et marque leur initiation à l'Islam.

Nous allons décrire en détail un autre rituel, le plus important, Nikoh Tuy, le mariage traditionnel auquel sont associés divers arts de la culture: peinture, poésie, musique, danse et théâtre. Evidemment, chaque région possède ses particularismes.
Du fait de la jeunesse de la population (45% a moins de 25 ans), nous croiserons des mariages à plusieurs reprises dans les villes car la fin de l'été est la grande période traditionnelle des mariages. Nous verrons la partie occidentalisée du cérémonial, soit dans des lieux de pèlerinage, soit à l'occasion de séances photos. Les mariés que nous avons vus, étaient en costumes pour les hommes et  en robe blanche  pour les femmes. De la tradition subsiste seulement le port de tête baissée des mariées derrière le voile tandis que les hommes semblent bien empruntés dans leur costume. Et ces jeunes couples n'affichent pas un grand bonheur...

Après la chute de l'URSS, le mariage religieux a fait un retour en force tandis que la polygamie peut de nouveau être pratiquée car l'Islam autorise un homme a prendre quatre épouses légitimes. Dans la pratique, le cas se présente rarement car il faut être riche pour avoir les moyens d'entretenir pareillement ces épouses.

A signaler que dans la tradition, c'est le fils cadet qui doit rester au domicile de ses parents dont il a la charge. Avec la mobilité et l'urbanisation, cela est remis en question, de même lorsque la famille n'a eu que des filles. Dans ce cas, c'est par une participation financière que les enfants soutiennent leurs vieux parents.

Le MARIAGE TRADITIONNEL est un évènement qui se déroule dans la durée, en trois temps.

1-
Avant le mariage vient une étape  que l'on peut qualifier de  fiançailles. Traditionnellement, lorsqu'un garçon venait à être en âge d'être marié, ses parents se mettaient à la recherche d'une épouse s'ils n'avaient pas déjà fait ce choix dès l'enfance de leur fils. A l'époque des grands parents de Lora, au milieu du XXe siècle,  les mariages étaient encore systématiquement arrangés. Ce fut le cas de sa grand mère "qui fut mariée" à l'âge de 13 ans. Il faut savoir qu'actuellement la pratique des mariages arrangés par les familles se rencontrent dans deux classes sociales: chez les riches afin de faire un mariage avec une fille qui soit au moins du même niveau social et chez les pauvres où l'on tente de faire épouser au garçon une fille d'une famille un peu plus aisée. Entre les deux, dans la classe moyenne, les mariages d'amour prédominent, correspondant au seul choix des jeunes, même si les parents rhabillent l'union sous les apparences des rituels traditionnels. Les parents du garçon faisaient conforter leur choix par un entremetteur.
Après quoi on rentre dans un enchaînement très ritualiste et codé. Tout d'abord, la mère du garçon, accompagnée de quelques (deux) autres femmes de la famille, se rend au domicile de la jeune fille choisie pour une première visite. Après de longues salutations, elle offre à l'autre mère des confiseries (des bonbons blancs) et un pain, enveloppés dans une nappe blanche. Autrefois, la mère du garçon commençait par balayer la route devant la maison de la jeune fille. Elle s'adresse à ses hôtes en ces termes "Nous avons quelque chose à vous proposer" ou encore de cette façon plus poétique "Dans votre jardin, il y a une jolie fleur et nous, nous avons un jardinier". Les visiteuses sont invitées à entrer pour une visite qui ne dépasse pas les 10 minutes à un quart d'heure. La mère de la jeune fille disparaît avec le paquet qui lui a été remis puis revient et rend la nappe. Si les présents y sont restés, la démarche pourra encore être renouvelée deux autres fois. Toujours pour gagner du temps mais plus directement, elle peut aussi dire qu'elle doit consulter son mari (à défaut le fils aîné) avant de donner une réponse. La réponse est donnée lors de la visite suivante qui a toujours lieu un Vendredi, le jour sacré de l'Islam.
S'il y a accord, cette fois ce sont quatre hommes de la famille du garçon qui participent au rumol-berdi, "la remise du mouchoir". Lors de la visite aux parents de la jeune fille, chacun reçoit un paquet contenant une chemise et quelques friandises, l'un des paquets contenant le mouchoir de la mariée, ce qui confirme le consentement.
Cela débouche sur l'engagement qui à lieu au domicile de la jeune fille où les deux familles et leurs proches se réunissent autour du dastarkhan (l'endroit où l'on dispose la nourriture, ce peut être simplement une nappe étalée sur le sol) où sont posées des plats garnis de gâteaux et friandises pour signifier le souhait d'une "douce vie" aux jeunes gens.
Un ou deux mois après cette rencontre d'engagement, la famille du garçon donne un dîner où l'on sert obligatoirement le plov (pilaf), le plat traditionnel à base de mouton ou de bœuf mais aussi d'œuf qui symbolise la fertilité. Il est accompagné de riz, de carottes jaunes et oranges en fines lamelles, d’oignons et enrichi grâce à de l’huile de graines de coton. Il est préparé dans un chaudron en fonte, chauffé par un feu de bois de préférence. Le plov est distribué aux amis et voisins afin de faire connaître la bonne nouvelle. Toutes ces rencontres se passent en l'absence des "promis".

2 - L'étape centrale et la plus importante est évidemment le mariage proprement dit, Katta Tuy qui se déroule sur deux ou trois jours.
Cela commence par un rituel religieux appelé Nikoh ukish au cours duquel un imam récite une prière destinée à sanctifier le mariage.
Le marié entouré d'un groupe d'amis qui le masquent ainsi à la vue des gens, se rend au domicile des parents de son épouse où la table est dressée pour y servir neuf plats différents, une poitrine de mouton étant spécialement réservée au marié. Une bande de tissu blanc est étendue à partir du seuil. Le marié s'avance sur cette bande de tissu puis la coupe en deux en gage de stabilité de l'union. Après avoir bu un peu de thé dans un bol, les invités doivent y mettre de l’argent pour aider le couple tandis que la mère de la mariée a apporté des oeufs cuits et des morceaux de sucre qu’elle met dans les poches du marié. Après les signatures, le mariage est enregistré ce jour-là.
A l'issue de ce rituel, le marié rentre chez ses parents. Modernité oblige, aujourd'hui, c'est aussi le moment où le jeune couple se fait dresser le portrait (photo et vidéo).
Le jour suivant, cela commence très tôt par un plov préparé à l'initiative de la famille du marié par le oshpaz, un cuisinier qualifié dans cet art. Ce repas n'est destiné qu'aux hommes et peut en rassembler plusieurs centaines, au son des flûtes (karnai et surnai) et des tambourins (dayereh). Le plov doit être prêt pour la fin de la première prière, aux environs de 5H30, de sorte que le repas soit fini avant que commence la journée de travail. Pour respecter le sarpoykiydi (la mise traditionnelle), les invités les plus importants ont revêtu leur manteau matelassé (chapan). Cela se termine par une prière de l'imam pour indiquer aux yeux de toute la communauté (mahalla) que le mari est désormais responsable de son épouse. Après quoi les invités retournent vaquer à leurs occupations. Pendant ce temps, les femmes festoient de leur côté, chez les parents de la mariée, avec les ingrédients pour le plov apportés par la famille du marié. Dans certaines régions, le plov déjà préparé est apporté dans une grande marmite.
Le soir venu, la maison du marié est envahie de proches et d'amis qui attendent la cérémonie de la "conduite du marié". Une procession s'organise avec des porte-flambeaux munis de torches accrochées à des perches qui forment une escorte au marié tandis que ses amis l'accompagnent en chantant au son des instruments de musique et en avançant doucement vers la maison des parents de son épouse. On voit ici une survivance zoroastrienne qui fait un écho lointain au culte du feu. Le marié vêtu du manteau matelassé (chapan) à ceinture (turma) et portant un turban
(chalma) ou une calotte à coins carrés (dobpa ou dopa ou encore doppe), chaussé de bottes souples (kavich),  avance les yeux baissés en signe d'humilité, une qualité qui prévaut sur les autres. Pendant ce temps, la famille de la mariée a préparé un grand feu devant la porte de la maison pour qu'il luise lorsque le cortège du marié apparaît. Si le feu se trouvait alors être complètement consumé, ce serait un mauvais présage. Avant de franchir le seuil de la maison, le marié doit alors faire trois fois le tour du feu dans le sens solaire, c'est-à-dire, le sens inverse des aiguilles d'une montre. C'est alors que commence le rituel de l'isolement appelé chimildik. Pour cela, un rideau est tendu dans un coin de la maison afin que les jeunes mariés échappent aux regards des autres personnes. Deux chandelles sont allumées pour symboliser deux âmes qui se sont trouvées pour ne plus en former qu'une. La mariée en habits traditionnels arrive dans la pièce habillée du costume traditionnel puis est conduite vers ce coin, entourée de proches et précédée par la femme la plus âgée de sa famille qui chante des versets souhaitant le bonheur aux époux. En fait, il s'agit d'anciens textes zoroastriens traduits en arabe. Pendant cette courte procession, deux tranches de pain sont brandies au-dessus de la tête de la mariée. Puis c'est au tour du marié d'être conduit de la même façon. Le but de ce rituel est de savoir lequel des époux "portera la culotte", autrement dit, qui sera le chef. Pour cela, les jeunes mariés dissimulés derrière le rideau doivent essayé de marcher sur les pieds de l'autre pendant qu'un proche passe une bougie allumée au dessus de la tête des mariés en mouvements circulaires. Le premier qui y parvient sera le chef du foyer. On devine que les filles  ne font pas grand chose pour l'emporter. Après quoi, revenus avec les autres personnes, on leur présente un bol de lait qui symbolise la richesse. Le garçon boit en premier. Puis on leur présente une coupe d'eau sucrée pour leur assurer une vie douce. Les jeunes célibataires présents, garçons et filles, boivent également de cette eau sucrée. Après ces rituels, le garçon retourne chez lui.
Le lendemain, vient le moment solennel, où l'épouse quitte la maison de ses parents, le visage dissimulé derrière un voile léger (on a gardé le nom de paranja mais cela n'a rien à voir avec le vêtement traditionnel porté il y a encore un siècle et qui était similaire au tchador et à la burka), conduite par son père ou à défaut son frère aîné, en apportant la dot. Elle touche trois fois le genou de son père pour indiquer que désormais elle ne fait plus partie de sa famille de naissance. Autrefois, outre des présents en or, la dot était placée dans un joli coffre de bois rempli de vêtements et de choses utiles au jeune ménage. Les housses des matelas, couvertures et coussins sont faites en suzani. Souvent la mère de la mariée a commencé à réunir la dot lorsque sa fille était encore toute jeune. Dans beaucoup de régions c'est la jeune fille elle-même qui exécute ces broderies de suzani pour prouver ses compétences et son éducation et révéler ses talents artistiques, son imagination ou sa fantaisie. A Tachkent, l'usage est que sa famille équipe deux ou trois pièces avec tout ce qui est nécessaire: meubles et appareils ménagers, tapis, rideaux, draps, vaisselle... sans oublier les 40 robes car  la jeune mariée doit changer de robe tous les jours pendant 40 jours. La dot est exposée à la vue des  deux ou trois cents invités, très rarement moins de cinquante, venant des deux familles. La fête se déroule
le plus souvent en soirée, désormais . Au son de la musique, le marié vêtu des habits traditionnels et la mariée qui tient les yeux baissés, dissimulée derrière son voile semi transparent, s'installent à la place d'honneur tandis que la fête bat son plein. A ce stade du cérémonial, dans les villes, on voit se généraliser le port par les mariées de robes blanches de type occidental. Dans les villes, aujourd'hui, la fête doit se terminer à 22H (ou 23?). A la fin de la fête, après s'être inclinés trois fois pour saluer les invités après avoir reçu les veux des invités, les époux gagnent la maison où les accueillent des proches de la famille qui ont allumé un autre feu devant la maison. Le mari doit en faire trois fois le tour en portant son épouse dans les bras avant d'entrer. Dans la pièce, un rideau est tendu dans un coin (chimildik) pour protéger l'intimité des jeunes mariés tandis que les proches jettent par dessus le rideaux des bonbons et de la monnaie. Dans ce coin, le lit nuptial a été préparé par les tantes et proches des familles après un simulacre de bataille entre les familles.  Dans plusieurs régions, au bout de deux nuits, le jeune couple doit donner une preuve de la virginité de l'épouse. La tradition veut que les draps tachés soient exhibés pendant 40 jours à la vue de tout le monde. Cela fait écho aux 40 jours que dure le deuil et à la quarantaine des femmes après l'accouchement. Si la femme avait perdu sa virginité avec son futur mari avant le mariage, souvent un poulet prévu à cet effet sera sacrifié pour sauver les apparences. Dans d'autres situations plus délicates, les jeunes citadines recourent à une réfection de l'hymen.

3- Selon les régions, entre un à trois jours après le mariage, la jeune femme est reçue de bon matin en tant qu'invitée par ses beaux-parents, pour le rituel des vœux à l'épouse (kelin salomi). La cour de la maison est remplie de parents, proches, amis et voisins tandis qu'une musicienne chante en s'accompagnant d'un tambourin (dayereh). La mariée vêtue d'une belle robe et le visage dissimulé par un voile va à la rencontre des invités qui lui offrent leurs vœux de bonheur et lui remettent des cadeaux ou de l'argent, tandis qu'en retour, elle leur remet un mouchoir blanc ou une serviette, car c'est la tradition d'échanger ainsi des cadeaux dans plusieurs régions du pays. Cela peut durer des heures au cours desquelles la mariée change plusieurs fois de toilette. Lorsque c'est fini, un garçon arrive avec un rameau d'abricotier ou de pommier à la main et il relève le voile de la mariée pour indiquer qu'elle est admise dans sa nouvelle famille et son nouveau voisinage. Les hommes de deux familles recommencent à festoyer.


Les festivités se terminent par une réception des jeunes mariés chez les parents de l'épouse, au bout d'une semaine ou plus. A Tachkent, seules les femmes y participent tandis que dans d'autres régions, hommes et femmes sont concernés mais réunis dans des pièces séparées. Il y a encore échange de cadeaux comme il se doit. Le jeune couple peut se contenter d'offrir une boîte de chocolats ou de bonbons tandis qu'il se voit offrir des choses de plus grande valeur (tapis, appareils ménagers, etc).

La jeune épouse installée chez ses beaux-parents ne devient la maîtresse de maison qu'à la naissance du premier enfant. On attendra 40 jours pour présenter l'enfant à la famille, des fois où il ne survivrait pas.

d'après "The inimitable colouration of the uzbek wedding" par Iroda TURDIYEVA publié dans Uzbekistan Airways Inflight Magazine n °2/2014 et grâce aux  explications de Lora.

 


LA CULTURE DU COTON

La plante et sa culture

Le coton est une fibre végétale de couleur blanche qui entoure les graines des espèces communément cultivées de cotonniers  (Gossypium), une plante  herbacée de la famille des Malvacées (à laquelle appartiennent également hibiscus, roses trémières, mauves et guimauves ainsi que les espèces arbustives et vivaces de cotonniers sauvages) qui ne supporte pas le gel. Cette fibre naturelle, la plus répandue dans le monde, est transformée en fil  pour fabriquer des tissus. Son utilisation remonte à plusieurs millénaires tant en Amérique (Mexique, Pérou) qu'en Inde.
La culture du coton s'est répandue dans les régions tropicales humides (plus de 500 mm de précipitations par an) à la fin du XVIe siècle. Elle s'est amplifiée à partir de la Révolution Industrielle du XIXe en se développant même dans des zones plus sèches grâce à l'irrigation. Ainsi, les Soviétiques sont à l'origine des 147 000 km de canaux créés en Ouzbékistan, au détriment de  la Mer d'Aral.

La culture du cotonnier nécessite une saison végétative longue, beaucoup de soleil et un total de 120 jours arrosés pour assurer la croissance. Lora nous précise que cet arrosage est effectué 7/7 jours et 24/24H jusqu'à ce que la plante atteigne 25 cm puis, à nouveau, pendant 3-4 jours lorsque les capsules sont formées.
La culture intensive du coton (comme celles du soja ou du maïs) a parfois vidé le sol d’une partie de sa matière organique.
Une mauvaise gestion de l’irrigation et une utilisation abusive d’engrais et de pesticides ont conduit à la salinisation des sols et à la désertification
d’immenses étendues dans la région. La qualité des eaux souterraines s'est également dégradée et le niveau des nappes phréatiques a fortement baissé.
En effet, mal conduite, l’irrigation peut avoir des conséquences dramatiques sur les sols, surtout dans les régions au climat sec et chaud. En effet, si elle n'est pas drainée, l'eau stagne et s’évapore lentement, laissant des dépôts de sels dissous qu’elle contient, stérilisant progressivement les terres.

Un temps sec, ce qui n'est pas un problème avec le climat d'ici,  est indispensable en fin de cycle végétatif pour permettre la déhiscence des capsules et éviter le pourrissement de la fibre.
Pour lutter contre les parasites du cotonnier, et pour défaner chimiquement le cotonnier avant récolte, on utilise des pesticides souvent à base d'arsenic qui polluent et dégradent les sols.
 

"La fleur" et la récolte

Un pied de coton porte des fleurs à cinq pétales, sans odeur, parfois de trois couleurs différentes sur la même plante: blanc, jaune et violet pâle. Ensuite des capsules aux parois épaisses et rigides se développent. Lorsqu'elles s'ouvrent, apparaissent des graines et des bourres de coton blanches (certaines anciennes variétés sud-américaines, au Pérou notamment, ont des nuances qui vont du noir au blanc, en passant par le marron, l'orange et le jaune). Une capsule à maturité pèse 2 ou 3 grammes. Il faut savoir que les cueilleurs arrivent à en ramasser de 40 à 200 kg par jour. Lora ajoute qu'à l'époque soviétique les étudiants et même les écoliers ou collégiens, dès l'âge de 13 ans, étaient astreints à la cueillette qui commençait en  septembre et se prolongeait parfois pendant trois mois, alors que la neige était tombée. Aujourd'hui, seuls les étudiants y sont encore astreints mais 10% d'entre eux parviennent à être "dispensés" de cette corvée moyennant des relations ou le versement de bakchich (500 $)... On a vu au cours de notre circuit plusieurs de ces imposants convois de jeunes cueilleurs...
A noter que la mécanisation semble se développer à en juger par l'apparition de convois de machines flambant neuves. Des machines tractées comme on le verra sur le trajet vers Nourata ou des machines automotrices que l'on verra sur la route à l'approche de Tachkent. .

Avant d'être expédié pour le tissage, le coton est débarrassé des restes de sa capsule et des 8 graines produites par chaque fleur. Ces graines sont utilisées à 80% pour la production d'huile, le reste servant de semence pour la récolte suivante.

La culture du coton en Ouzbékistan est un monopole d'Etat, lequel détermine la production et le prix d'achat. Précisons que l'Etat est aussi  propriétaire du sol.
L'Ouzbékistan est le cinquième (ou le sixième ?) producteur mondial avec environ 1 million de tonnes, après la Chine (7 millions de tonnes), l'Inde, les Etats-Unis, le Brésil...
L'Ouzbékistan est  le troisième exportateur (ou second ou quatrième ?)   de coton du monde avec 800 000 tonnes par an, après les Etats-Unis (3 millions de tonnes) et l'Inde.
L'Ouzbékistan exporte l'essentiel de sa production vers la Corée du sud, par voie aérienne (avions cargos) !

 

 

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Etape suivante: NOURATA
 

Dimanche 7 septembre

Après le petit-déjeuner et un dernier regard sur la Kalta Minor et le quartier de la Porte Ouest de Khiva..

A 9H30 nous prenons la route pou un très long  trajet de 450 km pour rejoindre Boukhara. Un trajet qui demande 6 longues heures en voiture (il faudrait une heure par la voie des airs), pauses non comprises... ce qui signifie pour nous plus de 9 heures en minibus !

1 -Trajet entre Khiva et Boukhara (450 km !)

Pour commencer, il faut repasser par Ourguentch, la capitale administrative de la province de Khorezm, une ville en plein développement si l'on en juge  par les constructions en cours ou les immeubles bas, bardées d'antennes paraboliques, qui jalonnent la voie rapide. 150 000 habitants probablement...

Modernité aussi avec le trolleybus qui vient en contraste avec les vieux tracteurs soviétiques à trois roues (une seule roue à l'avant) et les petites carrioles tirées par des bourricots. Mais n'étant pas spécialiste de l'espèce asine, peut-être s'agit-il parfois d'hybrides, donc de mules, mulets et autres bardots... j'en resterai au terme assez vague: "ânes".
Modernité encore avec la marée de véhicules récents de marque Chevrolet, berline et minivans construits dans la vallée du Ferghana, tout à fait à l'est du pays qui viennent faire pendant aux Ladas soviétiques hors d'âge.
L'omniprésence policière sur la route est un autre élément qui va se confirmer par la suite.

Quittant l’oasis du Khorezm, la route longe en partie le cours du fleuve Amou Darya et traverse les étendues sablonneuses semi-désertiques du Kizil-Koum ("Sables Rouges").

Nous franchissons bientôt le plus grand fleuve qui arrose la frontière sud du pays, l'Amou Daria. Long de près de 2600km, il traverse le pays d'est en ouest, après avoir traversé le Tadjikistan voisin où il prend naissance, dans le massif du Pamir, à la frontière avec la Chine. Même s'il est encore large ici, c'est pourtant bien en Ouzbékistan qu'il vient lamentablement mourir en mer d'Aral, vidé de son eau prélevée pour l'irrigation du coton.

Après trois quarts d'heure de route, un premier arrêt devant les étals de marchands de gros melons jaunes et de graines séchées de tournesol. Les premiers sont très rafraîchissants et un peu sucrés et les secondes sont parfaites pour un agréable grignotage.

Dans un paysage sans grande végétation, la couleur est donnée par les buissons violets de tamaris en fleurs. Paysage de campagne: champs de tournesol en fleur, élevage de dromadaires, gens afférés à la récolte du coton, bien qu'il soit dimanche. Mais malheureusement et curieusement, il est interdit de s'arrêter dans les champs au moment de la cueillette.
Petites  maisons basses, parfois avec un toit en terrasse, faites de briques de terre crue, recouvertes d'un enduit de pisé ou chaulées.  Et sur la route, quelques camions et très  peu de voitures et toujours des ânes....
Par moment la route est passablement abîmée, ce dont les  passagers installés à l'arrière du bus sont les premières victimes.

Il est bientôt midi, cela fait 2 heures et demie que l'on roule et le paysage prend un air désertique. Sur le sable ne poussent que quelques touffes de plantes épineuses. Un paysage qui fait penser à celui du Rajasthan. Seuls éléments incongrus: quelques stations-service et minimarkets, des espèces de caravanes-roulottes rouillées et comme abandonnées ou des tuyaux noirs destinés à la construction de gazoducs ou d'oléoducs. Et au milieu de nulle part, un poste de police, avec chicane, où il faut marquer l'arrêt même si notre bus et son chauffeur passent sans subir de contrôle. Partout, on va retrouver ces postes de contrôle, tous les 50 à 80 kilomètres environ.

 C'est donc une région aride, quasi désertique pourtant  il s'y passe des choses puisque l'on voit aussi des engins de génie civil: foreuses, niveleuses et bulldozers.

 

Avisant une belle dune sur le côté droit de la route, Lora ménage un petit arrêt de trois quarts d'heure pour nous dégourdir car il est déjà 13H30 et une "pause technique" peut parfois s'imposer même si "la réalisation" pose quelques problèmes... 
Dans ce désert où pousse des tamaris et des acacias, vit aussi une faune adaptée: sangliers, vautours, tortues, varans, serpents, lézards et petites  marmottes du désert au pelage couleur sable (la marmotte, ancêtre de tous les rongeurs, est apparue en Asie Centrale il y a 60 militons d'années). Notre arrivée en fera détaler une et plus tard, en roulant, nous en apercevrons une autre fugitivement sur le bas-côté. Après une petite grimpette sur la dune, nous avons l'occasion de voir de  près un lézard qui a  tôt fait de se réfugier à l'ombre d'une branche afin de se rendre moins visible. A propos de mimétisme, nous ne somme pas assez malins pour observer les "insectes brindilles", les phasmes  parfaitement mimétiques qui vivent dans les broussailles.

 

 

Une petite demi-heure de route.
200 km parcourus
et il est 14h15.


Nous nous arrêtons dans un petit restaurant, très local, posé au milieu de nulle part mais disposant sans doute d'une source car quelques arbres poussent alentour. Repas bizarre ressemblant un peu à un pique-nique puisque Lora nous a fait apporter un panier avec les crudités, les fruits et ...la vodka ! Le restaurant nous fournit 4 chaussons farcis (sortes de pains mince ou de galettes repliées), 2 à la pomme de terre et 2 à la viande, puis un chachlik, brochette de mouton peu garnie puisque constituée de trois morceaux de maigre et d'un morceau de gras placé au milieu.  Bon, on ne peut pas dire quand même que l'on soit  mort de faim.

 

14H15, il est temps de repartir pour affronter les 250 km qui restent à parcourir aujourd'hui.
Un chantier d'élargissement de la route pour en faire une voie rapide est en cours et la présence des Chinois est visible notamment au travers de l'utilisation d'engins et de camions chinois. La modernisation  de l'infrastructure routière est en cours,  avec la construction de ces nouvelles autoroutes, pouvant résister aux grands écarts de températures caractéristiques de ce pays au climat très continental. Espérons qu'elles seront réalisées conformément à ce projet et non pas bâclées comme celles que les Italiens réalisent actuellement en Afghanistan.
 
Tiens, quelque chose de peu banal. Un routard chevelu et barbu à vélo qui comme nous se dirige vers l'est. Un peu fou sous ce soleil ardent, en l'absence de villages et avec les risques liés aux "nids d'éléphants" qui amènent à faire des écarts. De plus, porte-bagages et sacoches sont lourdement chargés avec tente, matelas en mousse et duvet, car les nuits dans le désert sont fraîches. Nous imagions qu'il va mettre de semaines à faire un parcours ressemblant au nôtre. Grosse erreur. Nous le redépasserons à la fin de notre circuit, peu avant Tachkent. Mais Lora précise qu'il y a encore plus fada, car certains voyageurs traversent le pays à pied... Après tout, cela doit donner une petite idée de ce qu'était la Route de la Soie il y a mille ans, sauf que les caravansérails ont disparu.

Toujours les étendues sablonneuses dont la caractéristique est l'aridité, ce qui fait hésiter entre un classement en désert ou en steppe car, à quelques kilomètres de distance, le paysage varie constamment. Il faut préciser que le terme "steppe" a trouvé son origine en Asie centrale (provenant du russe : степь, [step]). Des lignes de plantations courent parallèlement à la route afin de lutter contre son ensablement tandis que l'on retrouve une autre section de route en grands travaux. Puis ce sont encore des constructions rudimentaires (abris de bergers sans doute), des gazoducs, des relais de téléphonie hertzienne et peut-être aussi des "grandes oreilles".

Nous avons dépassé la petite bourgade de Gazli. Le paysage reverdit  peu à peu et des zones de cultures font leur apparition: vergers, arachide (?), maïs, coton. Tout cela bien sûr avec les inévitables ânes tirant des carrioles de fourrage qui est ensuite amoncelé près des fermes près desquels ont voit des troupeaux de vaches regagnant leur étable. Des canaux d'irrigation plus ou moins envahis de végétation spontanée parcourent la plaine. Certaines parcelles de coton sont en cours de cueillette. Le transport se fait en vrac, par camion mais aussi dans des remorques aménagées à cet effet, simples ou doubles, tirées par des tracteurs ou plus modestement sous forme de ballots convoyé par un équipage asinien.

Ce sont enfin les faubourgs modernes ou plutôt la banlieue de Boukhara, avec son lot de maisons et de petits immeubles en construction. Une ville située à 230 mètres d'altitude et peuplée de 250 000 habitants selon Wikipédia et de 350 000 habitants selon Lora... Les Boukhariotes sont turcophones de langue ouzbèke, comme dans la majorité du pays, mais il en est aussi de langue tadjike (variante du persan). On compte également une communauté juive, autrefois importante, aujourd'hui presque disparue.

  Historique sommaire de BOUKHARA

La légende attribue la fondation de Boukhara à l'antique roi-héros iranien Syāvouch. Fondateur malheureux car sa mère adoptive en étant tombée amoureuse, il dut s'enfuir dans la steppe. Le nom de la cité vient du  sogdien Buqaraq (pensez à baraka) qui signifierait "lieu fortuné" ou du sanskrit  Vihara  qui désigne un monastère bouddhiste.

Boukhara est située au centre-sud de l'Ouzbékistan, sur le cours inférieur de la rivière Zarafshan, au milieu d'une oasis, à la limite orientale du désert de Kyzyl Kum. Elle était reliée par voies caravanières à Merv et aux vallées des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria. Avec Samarcande, Boukhara se trouvait au croisement de divers itinéraires caravaniers de la Route de la Soie et au milieu de ce gigantesque axe de communication entre l'Orient et l'Occident.
L'oasis de Boukhara, active dès l'antiquité, a très tôt attiré la convoitise des États voisins: déjà au VIe siècle avant J-C, les rois de Perse dont, plus tard, Darius, l'avaient envahie. En 329 avant J-C, après l'invasion de l'Iran par Alexandre le Grand, le territoire de Sogdiane, dont faisait partie Boukhara, devint une possession grecque jusqu'au IIe siècle avant J-C. Entre la fin du Ier siècle avant  J-C et la moitié du IVe siècle, Boukhara fit partie du royaume de Kushan fondé par les nomades Yuezhi, originaires du nord de la Chine. C'est au début de cette époque que commence à s'établir un commerce avec les pays d'Occident et ceux d'Orient.

Boukhara a été occupée en 710 par les troupes arabo-islamiques durant le califat des Omeyyades: le général Qutayba ben Muslim y établit son autorité sur un prince local. L'héritier du trône de Boukhara, Tougchada, se rallia rapidement à l'Islam  et la ville devint un grand centre culturel, faisant alors partie de la province du Khorassan, dont le chef-lieu était Merv (dans l'actuel Turkménistan). À cette époque, la ville occupait une superficie d'environ 30 à 35 hectares et était entourée d'un rempart percé de  sept portes. Les rues étaient orientées selon les points cardinaux et s'organisaient comme un échiquier. C'est la cinquième ville sainte de l'Islam, après La Mecque, Médine, Jérusalem et Hébron.

Au IXe siècle, la ville devient la capitale de la dynastie persane des Samanides
(875-999) et son aspect  fut à nouveau modifié: on compte alors  onze portes d'accès, le rabad  (faubourg) s'étend autour de la ville close (chakhristan) et la structure de la ville correspond à une répartition socioprofessionnelle des lieux de résidence, tandis que de nombreux mausolées et mosquées sont édifiés Des savants, poètes, écrivains résidaient à Boukhara au Xe siècle comme le grand médecin et philosophe Avicenne (Abu Ali Ibn Sînâ),   le savant encyclopédiste al-Biruni (mathématicien, physicien, astronome, historien). Citons encore al-Boukhârî (810-870), un important compilateur de hadiths (recueils de paroles attribuées à Mahomet).

En 999, la ville fut envahie par les Qarakhanides, un peuple turc venu de l'ouest de la Chine. À cette époque, des monuments, encore visibles aujourd'hui, furent édifiés: le minaret d'Arslan-Khana (minaret de Kalian), la mosquée de Magoki-Attari, la mosquée de Namezgokh, le mausolée de Tchachma-Ayoub ("la source de Job"). 

En 1220, Gengis Khan s'empara de la ville qu'il saccagea en grande partie. Avec Tamerlan, la ville fut intégrée à l'empire des Timourides en 1370 et perdit de son importance politique au profit de Samarcande mais en 1506, la dynastie des Chaybanides s'empara de Boukhara et, dans la seconde moitié du XVIe, Abdullah Khan fit de la ville le centre politique du khanat de Boukhara.

Le khanat de Boukhara (1599-1920), qui englobait Samarcande, fut l'un des trois khanats ouzbeks issus de la dislocation du khanat de Djaghataï, avec ceux de Khiva et de Kokand. À partir de 1599, une nouvelle dynastie commença à régner, les Astrakhanides, bientôt secouée par des querelles internes. Puis, en 1740, le roi de Perse Nâdir Shâh envahit le khanat de Boukhara, nomma comme gouverneur Muhammed-Rakhim-Khan. Ce dernier se proclama émir, fonda une nouvelle dynastie, les Manghit (1753-1920). En 1848, la ville  ne comptait pas moins de 38 caravansérails, 6 arcades commerçantes, 16 bains publics et 45 bazars.

Pourtant cette période amorce le déclin de Boukhara. Boukhara tombe sous le régime du protectorat russe en 1868, avant de perdre définitivement son indépendance avec la prise de la ville par l'Armée Rouge le 2 septembre 1920 et son rattachement à la Russie bolchevique. Elle fera partie de la République socialiste soviétique d'Ouzbékistan dans le cadre de l'URSS sous Staline. Faïzoulla Khodjaïev (1896-1938), natif de Boukhara, le premier dirigeant de cette république socialiste soviétique d'Ouzbékistan sera d'ailleurs exécuté lors des purges staliniennes.
 



Il y aura tant de choses à voir ici, dans une ville qui dit-on,  au début du XXe siècle,  comptait 237 madrassas actives et de mosquées qu'il y a de jours de l'année. On peut aussi lire que la ville a compté un millier d'édifices religieux de divers types.

140 monuments sont inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1993, sur la ville proprement dite ou dans ses environs.
 

Nous pénétrons dans la ville dont on gagne les anciens quartiers situés au sud, l'ancien quartier juif aux rues défoncées et poussiéreuses et aux bâtiments à l'aspect lépreux. Rien d'engageant en apparence et pourtant c'est là que l'on  nous dépose, près d'un poteau électrique planté au milieu d'un carrefour.  50 mètres à remonter sur la rue Arabon et nous voici devant l'entrée du Komil B&B où nous allons dormir trois nuits.
 


A 18H40, nous franchissons la belle porte en bois sculpté du Komil, sur le montant de laquelle on peut apercevoir le motif du svastika, pour se retrouver dans un hall vestibule où est installée la réception. Au-delà, nous arrivons dans une belle cour de détente, entourée de bâtiments de 3 étages, construits dans le style ouzbek. Notre chambre récente mais dans le style traditionnel se trouve au rez-de-chaussée de cette première cour. D'autres collègues sont dispersés dans des bâtiments situés sur d'autres cours, dans les étages, dans des chambres plus ou moins anciennes et au confort très variable. Les chambres sont dotées de portes sculptées et de décors en stuc (étagères) sculptés et peints à la main.
Manifestement l'établissement s'est développé en grignotant les maisons voisines. C'est donc un agréable dédale et même si l'établissement est dans une classe de confort bien moyenne, il possède un charme indéniable. La maison construite au XIXe (selon Lora, certaines parties anciennes remontent aux XVIIe-XVIIe siècles) appartenait à une famille juive qui l'a vendue il y a une cinquantaine d'années avant d'émigrer en Israël. Sa transformation en  Bed and Break remonte à l'an 2000.  L'établissement a une certaine cote puisque le TO Asia le choisit pour ses voyageurs en circuit privatisé comme on le constate.

Une heure plus tard, nous quittons l'hôtel à pied pour gagner le centre de la ville, après avoir traversé l'ancien bazar des changeurs (tim Tok-i-Sarrafon) où maintenant,  abrités sous d'imposantes coupoles, toutes sortes de vendeurs tiennent leur commerce, parfois à côté de tombeaux. La convivialité touristique s'organise autour du bassin et de la place animée de Liab-i-Haouz, entourés de madrassas aux façades illuminées, d'hôtels et de restaurant. L'endroit est passablement kitsch avec ses chameaux en résine disposés sur la terrasse des cafés, au bord du bassin.
 

   
   
 

Nous dînons en terrasse de la tchaïkhana, sur le côté nord du bassin, au pied de vieux mûriers plantés en 1477. Le lieu serait plaisant s'il n'y avait pas non loin de là une animation musicale qui n'a rien de traditionnel.
Repas copieux: assortiment de crudités (chou-fleur, chou rouge et autres légumes), potage chourpa un peu gras à la sauce tomate et aux légumes complété d'un peu de fromage râpé, deux boulettes de viande en forme de paupiettes accompagnées de frites. Comme nous avions été pris au dépourvu en apprenant l'anniversaire d'Amina la veille, Lora s'est rattrapée en commandant à un pâtissier un énorme gâteau d'anniversaire recouvert de crème et de gelée...
Après cela, une petite marche digestive pour rentrer à l'hôtel ne sera pas superflue.

 

Lundi 8 septembre

Il fait bon dehors, 15° déjà.
Le petit-déjeuner est l'occasion de découvrir la superbe salle à manger du Komil restée dans son état d'origine. En revanche, on peut moins apprécier l'organisation du service et la parcimonie du buffet.
 Après le petit-déjeuner, nous avons un petit moment libre qui nous permet de découvrir dans un coin de l'hôtel Komil l'un de ces fameux berceaux à fond percéNous en approfondirons l'utilisation en cours d'après-midi...après la visite de la Mosquée Kalon...

En  regagnant la place  Liab-i-Haouz petit coup d'œil par les interstices d'une palissade qui condamne l'entrée dans les vestiges du caravansérail Jourabek qui mériterait pourtant d'être restauré, tout comme certaines maisons voisines qui ont encore de beaux restes...

Après avoir traversé le bazar, nous rejoignons notre minibus garé près de la place  Liab-i-Haouz car notre première excursion nous conduit à l'est de la vieille ville, à environ 2 km du centre. Encore faut-il laisser passer avant nous un important convoi d'autocars escortés de policiers emmenant les étudiants à la campagne pour récolter le coton. Des camions chargés des affaires des étudiant et même de mobilier font également partie de cette transhumance.
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2.1-Tchor Minor (1807)

  

Le Tchor Minor (1807), dont le nom vient du persan   "quatre minarets", ferait penser qu'il s'agit d'une étrange petite mosquée à l'aspect d'une chaise renversée, alors que c'était le corps de garde (darvozakhana) ou le pavillon d'entrée très particulier d'une madrassa construite avec les fonds d'un riche marchand turcoman, Khalif Niazkhoul. Actuellement, le rez-de-chaussée est occupé par une boutique de souvenirs.
 

Des ruines de la madrassa subsistent les fondations sur la droite, près d'un bassin (haouz), et quelques cellules accolées au corps de garde, sur un seul niveau. La mosquée se situe au sud du corps de garde.
Aux angles du corps de garde, trois des quatre  tours  sont purement décorative tandis que la quatrième dispose d'un escalier qui conduisait à une bibliothèque et non pas à une galerie pour appeler à la prière puisque ce n'est pas  une mosquée.  Encadrant un dôme central, chaque tour couronnée d'une coupole turquoise est décorée de façon différente et symbolise quatre villes (La Mecque, Ourguentch, Termez et Denaou).  Elles ont été restaurées récemment comme on peut le voir sur les deux tours les plus proches où les briques vernissées portent les dates 1968 et 1997. L'édifice dont le sol avait été rehaussé souffre de remontées salines (salpêtre) malgré le bassin voisin qui a été dégagé et est sensé abaisser le niveau de la nappe phréatique.

En face, une boutique de souvenirs présentent des oripeaux sortis de vieux stocks militaires soviétiques: uniformes avec imposantes casquettes et  médailles à ne savoir qu'en faire.
 

Nous reprenons le minibus, cette fois-ci pour sortir de la ville, en nous dirigeant à 4 km, vers le nord.
Etrange monument moderne à la sortie de la ville: un premier groupe de trois femmes en soulève  trois autres à bout de bras, ces dernières soulevant une couronne. Plus loin, sur la gauche ont aperçoit une grosse sphère blanche posée sur un trône tronqué, près du bâtiment moderne de l'Opéra.
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2.2 - Palais d'été Sitoraï-Makhi-Khosa (1911)

Le Sitoraï-Makhi-Khosa est le Palais d'Eté que les Russes ont construit en 1911 pour Alim Kha, le dernier Émir de Boukhara. C'était une façon de le mettre à l'écart en l'incitant à quitter l'Ark, la forteresse située dans la ville. Il lui arrivait de se rendre à Saint Pétersbourg ou dans une datcha sur la côte de Crimée, d'où ce mélange d'influences culturelles qui se lit dans le style brouillon de la résidence, "pont entre deux mondes ou prison entre deux époques".
La résidence ne fut pas utilisée très longtemps et le premier Congrès du Soviet de Boukhara s'y déroula en 1920. Les locaux accueillent un Musée des Arts Décoratifs.
 

 



 
 

Témoin d'une fin d'époque, le portail d'entrée est assez disgracieux avec ses majoliques simplistes et mélangeant des bleus et rouges discordants. Nous traversons des jardins où des paons en liberté nous accueillent
La cour intérieure (daroum) de la résidence bordée de constructions sur trois côtés est plus intéressante. Sur la droite, au nord-ouest, l'iwan soutenu par 6 colonnes donnait accès aux appartements privés de l'émir. Le fond de la cour est occupé par un bâtiment blanc qui peut faire penser au Palais de l'Ermitage de Saint Petersbourg. C'était le salon de réception qui à cause de son décor d'albâtre incrusté de miroirs est appelé le Salon Blanc. Sur le coté gauche, si l'on part de l'angle au fond, on traverse une enfilade de pièces: un assez joli couloir à niches aux décor floral, une salle de jeux, une salle à manger, un secrétariat et enfin une véranda fermée qui servait de salon de  thé. On a un peu l'impression de se retrouver dans une brocante, du moins dans les premières pièces: tapis de prière, calendrier mécanique, miroir grossissant, antiques réfrigérateurs, cheminées en faïence, lampes à pétrole, horloge comtoise, portraits photographiquees des derniers émirs ... La collection de plats et de vases chinois et japonais en porcelaine présentés dans le salon de thé bien éclairé par ses grandes baies vitrées est  plus plaisante.

Après être sorti de ce palais et être passés près de la statue de Moradov qui fut le maître d'œuvre de la décoration de la résidence, on poursuit la visite avec le Palais Octogonal qui sert de Musée national du Costume: vêtements de l'émir, de ses épouses et de concubines, dont certains brodés d'or. Des toques, calottes et turbans (chalma), des bottes, des babouches ainsi que des robes de mariées sont également présentés plus loin. Justement, puisque ce palais est consacré au costume traditionnel, un groupe de jeunes filles accompagnées de leurs professeures  présentent à l'extérieur, au milieu des paons, leurs créations très colorées, inspirées des costumes traditionnels avec tunique et pantalon. Elles ont souvent utilisé l'ikat, un tissu fait de fils de soie et de coton. Mais la soie ikatée tend à être remplacée par des tissus synthétiques imprimés d'origine chinoise...



L’ikat (de l'indonésien signifiant "attacher, nouer") est un procédé de teinture et de tissage dans lequel le dessin est créé  dès le stade de la teinture sur le fil de trame ou le fil de chaîne. Toutes les couleurs qui vont y figurer sont disposées à des intervalles très précis, de sorte qu'au moment du tissage les éléments du dessin se créent par la juxtaposition des parties du fil de la couleur appropriée. En teignant le fil, les parties qu'on veut préserver d'une certaine couleur de teinture sont cachées par un nœud avant de le plonger dans la teinture.
A côté des classiques motifs de grenade, tulipe ou arbre de vie brodés des suzanis, on trouve en Ouzbékistan, dans la vallée Zarafashan (nord de Boukhara) et à Samarcande, le motif flou appelé  abr (en persan cela signifie "nuage") parce que, comme les nuages, les motifs des textiles ikat semblent flotter sans limite, leurs bords se mélangeant doucement avec les couleurs voisines.

 


Nous poursuivons la visite du site, en passant au Harem, transformé en Musée des Travaux d'aiguille puisque l'on y voit des suzaines ou suzani (du persan  souzan  qui signifie "aiguille"). Ce sont des tissus brodés  avec le plus souvent des motifs de disques solaire et lunaire, de fleurs (surtout tulipes, œillets et iris), de feuilles et les vignes ou de fruits (principalement les grenades). Ils sont souvent faits de plusieurs morceaux, cousus ensemble par la suite. Par la même occasion, on peut voir un berceau traditionnel (bechik) recouvert de ce type d'ouvrage.
Les suzanis étaient traditionnellement brodés par les futures mariées d'Asie centrale dans le cadre de leur dot et étaient présentés au marié le jour du mariage. Lora nous confirme que la tradition perdurait encore il y a quelques années. Elle-même, n'ayant pas réalisé son suzani, avait dû sauver les apparences en en achetant discrètement une pièce sur le marché. Sa belle-mère encore plus soucieuse des apparences lui avait fait l'affront de la doubler avec un suzani plus conséquent qu'elle présentait comme étant l'œuvre de Lora. Plus tard, Lora   a su que, tout comme elle-même, sa belle-mère était allée l'acheter sur un marché...
A l'extérieur, on peut voir des jeunes femmes se livrant justement à la broderie de suzani  près de leur boutique. Autres artisanat en plein air, peintre de miniatures et ciseleur de laiton (dont les pièces sont également ornées de peinture).
Ici, jolie photo à faire, celle du harem se reflétant dans le bassin voisin où l'on dit que les concubines venaient se baigner, donnant tout loisir à l'émir installé sur la terrasse couverte de choisir l'élue du jour qu'il désignait en lui lançant une pomme. Plus pieusement, ce petit pavillon de bois est surmonté d'une petite mosquée qui communique avec le minaret voisin, fait du même matériau.

 


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2.3 - Complexe du mausolée Bahaouddin Naqshbandi (1544)

11H30, nous nous écartons encore un peu plus de Boukhara, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la ville vers Kasri Orifon.


Le mausolée du Saint Bahaouddin Naqshbandi (ou Bakhauddin Nakshbandi) est considéré comme La Mecque d’Asie centrale et le site le plus sacré de Boukhara, bien que situé en dehors de la ville.
Bahaouddin Naqshbandi (1317-1388 ou 1318-1389) dont le prénom signifie "Ornement de la Religion", est un grand maître de l'islam mystique à l’origine de la création de l’ordre soufi de la Naqshbandiyya. Après des années passées au service du neveu de Tamerlan, il aurait été tour à tour soigneur d'animaux puis cantonnier. Il appelait à l'obéissance et au renoncement. Sa philosophie se résumait au principe "Dieu dans le cœur et le travail dans les mains" et se précisait à travers onze règles de conduite.
 

 


Après avoir franchi le portail, l'énorme et austère khanagha (1544), l'auberge  construite en 1544, comme le tombeau, s'impose au regard avec ses 48 cellules disposées sur deux niveaux et son dôme. Au cœur du site, en plein air, on peut voir le tombeau du saint au-dessus duquel est dressé un mat portant un fanion triangulaire blanc. On trouve d'autres tombes sur le site, en particulier celles de descendants de Tamerlan et des khans.
La rénovation du site a été réalisée  en 1993 avec l'aide de la Turquie et du Pakistan et complétée en 2003.


 

 
La dévotion des pèlerins est fortement empreinte de superstition comme on le voit lorsqu'ils font 7 fois (le chiffre 7 est  un chiffre sacré pour les soufis) le tour, dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, du tronc mort d'un vieux mûrier qui aurait poussé à partir du bâton du saint homme. Ils ne se contentent pas de cela, ils baisent la relique ou la touchent des doigts, accrochant des chiffons ou des papiers portant des vœux, déposant des pièces de monnaie, ou essayant d'arracher quelques fibre de bois avec les ongles (il est interdit d'utiliser quelque outil que ce soit).

On est autorisé à pénétrer dans la mosquée des femmes Abdoul Faïz Khan (1720), notez que ce n'est pas encore l'heure de la prière (la prochaine sera à 1H10). Le seul décor intéressant à y voir est le plafond à caissons décorés de motifs végétaux et de nervures géométriques partant d'étoiles dodécagonales.

La présence de nombreux Ouzbeks sur le site est l'occasion de rencontres étonnantes avec la population. C'est ainsi qu'après un échange de sourires un jeune père de famille me met son rejeton de deux ans dans les bras. Plus loin, c'est un vieil homme et des femmes qui, sans aucune gêne, sourient de toutes leurs dents (je préférerais la traduction littérale de l'expression anglaise équivalente: "sourient d'une oreille à l'autre") afin de faire étalage de leur richesse, c'est-à-dire les peu discrètes dents en or jaune qu'ils se font poser sans nécessité médicale. Après tout, quel meilleur coffre-fort ? Bien sûr, il n'y aucune difficulté à photographier tout cela ou des groupes métissés mi-pèlerins et mi-voyageurs.


Nous quittons le site à 12H45 et une quinzaine de minutes plus tard, nous retrouvons au centre de Boukhara pour déjeuner.
 

Après avoir traversé le bazar des chapeliers (Tim Tok-i-Tipak Furuchon), rue Khakhikat (ou Kakikat) conduisant au bazar des joailliers, nous arrivons au restaurant Dolon où l'on nous sert notamment les habituelles crudités, suivies d'un potage à base de carottes, tomates, oignons et complété de raviolis. On a également des somsa ou samoussas carrés fourrés à la viande hachée et à la courge, accompagnés de tranches de fromage, puis un chachlik, brochette de morceaux de poulet avec la peau, malheureusement trop gras et insuffisamment grillés.
 
       


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3 - Po-i-Kalon: minaret (1127), mosquée (1514) et madrassa Mir-i-Arab (1535)

A 14H15, nous commençons une visite de la ville, trajet pédestre cette fois. Après avoir retraversé une nouvelle fois le bazar des chapeliers (Tim Tok-i-Tipak Furuchon), nous remontons la rue Khakhikat et traversons le bazar des joailliers (Tim Tok-i-Zargaron).

 


Après quoi, nous tournons à gauche sur la partie ouest de la rue Khodja Nouroubod, en longeant le haut mur de la madrassa Mir-i-Arab, à l'ombre duquel sont installées des vendeuses de tissus suzanis et de récipients divers en terre cuite émaillée.

Encore à gauche, une sorte de place autour de laquelle s'organise le complexe Po-i-Kalon ("piédestal du Très-Haut"). La place  est écrasée sous le soleil car il fait au moins 35°  à l'ombre et par l'imposant minaret qui s'y dresse.
 

 

  

Au fond de la palce se dresse le minaret Kalon ("Grand") dit d'Arslan Khan, qui domine la ville du haut de ses 48 mètres (il dépasse de 3 mètres le minaret Islam Khodja de Khiva) et qui fut longtemps la plus haute tour du monde. Construit à partit de 1127 pour la seconde grande mosquée, c'est le troisième minaret édifié à cet endroit. Le premier fut bâti au début du Xe siècle. Il dura à peine un siècle et fut remplacé par un minaret de bois qui s'effondra quelques années après.
Celui-ci a pu défier le temps, reposant sur une assise de 9 mètres de diamètre et des fondations profondes de 13 mètres. Sa lanterne à 16 fenêtres  a servi non seulement au muezzin pour l'appel à la prière mais c'était aussi une tour de guet et un véritable "phare" pour les caravaniers. Un usage plus morbide consistait à précipiter de son sommet les criminels enfermés dans un sac. Il a retrouvé sa grandeur initiale en 1964, après l'évacuation des deux mètres de terre et de sable qui s'étaient accumulés à sa base.
La construction dut impressionner Gengis Khan qui dans sa fureur destructrice l'épargna... Il se serait même prosterné au pied du monument.
Le minaret aurait traversé les siècles indemne si un obus de l'Armée Rouge n'avait pas traversé une lucarne de la lanterne (quand même bravo pour l'adresse de l'artilleur) pendant la guerre civile en 1920. Il faut rapidement réparé, dès 1924. La fin du XXe siècle a également porté atteinte à son intégrité par le tremblement de terre de 1976.

En arrière du minaret, on aperçoit le dôme de l'austère  madrassa Alim Khan (XIVe siècle).

A droite, au pied du minaret, on entre dans la Mosquée Kalon, qui fait face de la médersa Mir-i Arab.
A son emplacement, la première mosquée fut édifiée en 795, puis agrandie par Ismaïl Samani. Elle subit deux effondrements, fut incendiée en 1068 et détruite par les Mongols en 1219 car Gengis Khan n'eut pas les mêmes égards que pour le minaret voisin: il déchira le Coran et le foula aux pieds, transforma les lutrins en mangeoires pour ses chevaux et finit par faire incendier la mosquée puis par la raser.

La structure visible aujourd’hui a été achevée en 1514, le mihrab a été embelli en 1541, sous les Chaybanides.  C'est l'ancienne mosquée principale de Boukhara puisqu'elle devait pouvoir accueillir toute la population mâle lors de la Grande Prière du Vendredi, soit dix ou douze milles personnes. C'est donc l'une des plus vastes mosquées d’Asie centrale, avec des dimensions imposantes: 180x80 m (ou selon d'autres sources 130x80 ou 127x78), après celle plus ancienne (1399-1404) de Bibi-Khanoum  à Samarcande.
Désaffectée au culte en 1924, elle est maintenant  remise en usage bien que les fidèles y soient peu nombreux.

Une différence majeure à souligner par rapport aux édifices de Khiva, c'est que les décors des portails ne sont plus faits de carreaux de céramique ou majolique (faïence émaillée) mais de mosaïques et parfois de zelliges (carreaux préfabriqués formés d'un assemblage géométrique des tesselles de mosaïques reproduisant un décor).

 

La mosquée possède 7 portes ouvrant sur différentes directions. La cour comporte quatre iwans et est entourée d'une galerie de 208 colonnes supportant 288 coupoles qui apportent de la fraîcheur. Un grand dôme bleu (Kok Goumbaz) surmonte le mihrab à mosaïque dorée.  L'ouverture du portail de ce pavillon est encadrée par des colonnes travaillées et représentant un superbe travail de mosaïstes.
Au fond de la cour, le pavillon octogonal qui fait face au mihrab est un ajout tardif, de 1915. Il marquerait l'emplacement de la sépulture d'un des premiers imams de cette mosquée à moins que ce soit l'emplacement d'un puits d'ablutions ou qu'il eût servi d'abri à l'émir ou encore de relais à un imam pour transmettre le prêche.
Lora nous fait remarquer qu'un peu partout on peut  observer des regroupements par paires de briques vernissées une carrée  et une rectangulaire, symbolisant les syllabes "al" "lah". D'autres motifs évoquent le svastika, un motif que l'on a déjà vu à Khiva et ici, à Boukhara.

Revenus sur la place, petit moment "connaissance du monde"  avec un vieux monsieur qui présente sur son petit étal divers objets insolites. Lora lance un jeu de devinettes... Propositions: pipes et flûtes.
Tout faux ! Rien qui ne se porte à la bouche. Ces accessoires complètent le berceau traditionnel que nous avons découvert ce matin au Komil. Ce sont, pourrait-on dire, des urinals pour bébés, lesquels traditionnellement ne portent pas de couches en Asie centrale. Ces petits tubes placés là où il faut au niveau des orifices naturels conduisent l'urine dans un pot en terre placé sous le berceau. Astucieux car ainsi, le bébé reste au sec sans trop exiger de disponibilité (de la maman, évidemment) mais a l'inconvénient d'exiger que le bébé soit  emmailloté serré et ne puisse guère bouger. Dans deux jours, lors d'un arrêt à Vobkent, lorsque  nous quitterons Boukhara en direction de Nourata, nous aurons l'occasion de voir que cette façon de faire est toujours employée au moins dans les campagnes mais que modernité oblige, ces petits instruments ne sont plus en bois mais en plastique et, sans doute, "Made in China"....

 

Revenons à des choses plus sérieuses, la Madrassa Mir-i-Arab ("bien immobilier de l'Arabe") qui fait face à la mosquée, sur le côté gauche de la place.
La madrasa Mir-i-Arab (1535-1536) va servir de modèle à la plupart des madrasas ultérieures de la ville et était l'une des plus prestigieuses d'Asie centrale. Elle a été construite à l'initiative du chef religieux soufi d'origine yéménite et guide spirituel de l'émir de Boukhara, Oubaïd Oulla Khan (1487-1540). La cour carrée intérieure est entourée de deux niveaux de cellules (cent onze au total). La madrasa Mir-i-Arab ("bien de l'Arabe") fut la seule, avec celle de Tachkent, à diffuser un enseignement religieux (sous contrôle) à l'époque soviétique à partir de 1945 après des décennies d'interdiction. La madrasa aujourd'hui encore en activité accueille une centaine d'étudiants (et souvent futurs imams) et ne peut donc pas  être visitée.
Son imposante façade comporte un haut portail (pishtak) à iwan  flanqué de tours massives (gouldasta) terminées par des dômes hémisphériques de couleur turquoise. Les façades des côtés du portail sont ouvertes par des loggias sur deux niveaux. Nous ne pouvons pas pénétrer plus loin que dans le vestibule et un gardien est là pour faire appliquer le règlement. C'est au travers d'une grille que l'on peut voir la cour et l'iwan qui fait face au portail. Lora nous fait remarquer que certaines briques foncées de la voûte du vestibule sont disposées en svastikas.


Une fois ressortis, nous tombons sur un groupe de garçonnets, un peu inquiets, voire tristes, malgré leur tenue de petits princes avec manteaux brodés, babouches dorées, turbans et sceptre ! Ils vont subir la circoncision traditionnelle qui se pratique à 3, 5 ou 7 ans.


 

Nous traversons le tim (bazar) des joailliers (Tok-i-Zargaron) pour aller visiter d'autres madrassas situées à l'est de la rue Khodja Nourobod. Les activités des bazars ne correspondent  plus tout à fait ce que dit leur nom. Arrêt devant la boutique d'un jovial marchand  d'épices et tisanes. Des couleurs plein les yeux. Des senteurs plein les narines. Si le client le désire, les produits sont placés dans des courges oblongues séchées. Par la même occasion,  Lora nous présente un berceau traditionnel emprunté au marchand ainsi qu'un poster montrant l'utilisation des "passe-pipi" que l'on a découverts il y a un petit moment au pied du Kalon..
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4 - Les madrassas koch (paire): Ouloug Beg (1417-20) et Abdoul Aziz Khan (1651-52), les bazars ou coupoles marchandes (XVIe s.) et mosquée Mogok-i-Attari (XIIe s.)

Après cela, nous voici devant le portail de la madrassa Abdoul Aziz Khan, ayant devant nous, de l'autre côté de la rue, celui de la madrassa d'Ouloug Beg. Dans ce type d'architecture que nous avons déjà découverte à Khiva, pour désigner deux bâtiments se faisant face et allant par paire on utilise le terme koch qui signifie "double".
 

 

 

  
La madrassa d'Ouloug Beg (1417-1420) ou Ulugh Beg,  est l’une des madrasas les plus anciennes d’Asie centrale, avec celles de Samarcande et de Gichduwan, construites également sous Ouloug Beg. La façade restaurée en 1994 (600e anniversaire d'Ouloug Beg) présente une caractéristique qui sera reprise ultérieurement au XVIe siècle et XVIIe siècle. Elle s’articule en deux étages de portiques à ogives, de part de d’autre du portail d’entrée. Les colonnes torsadées de style iranien qui encadrent le portail sont particulièrement remarquables du fait que leur réalisation demandait une grande maîtrise. Les motifs évoquent l'astronomie (étoiles), la passion du souverain.  La madrassa accueille une exposition permanente sur la restauration de la ville.

La madrasa d'Abdoul Aziz Khan (1651-1652) n'a pas été achevée du fait du coup d'État destituant le Khan en 1652. C'est pourtant un sommet de l'art architectural d'Asie centrale.
Deux lourdes tours marquent les extrémités de la façade. La niche polygonale du portail est recouverte de stalactites joliment peintes. De nombreux éléments de décor en mosaïques manquent, en particulier dans la partie supérieure. Sinon, on peut admirer, contrairement à la tradition architecturale islamique, des représentations figurées et un plus grand réalisme du décor floral et végétal: de jolis entrelacs de feuillages en  mosaïque mêlant le bleu et le jaune doré (ce jaune lumineux étant utilisé pour la première fois à Boukhara), d'étonnants et inhabituels  motifs de vases du bonheur éternel remplis de fleurs ou  des paysages à la chinoise. La cour maintenant occupée par des marchands (brodeuses, tailleurs, ciseleurs...) révèle un état d'inachèvement et un manque de restauration.
Nous tombons mal car l'ancienne mosquée  d'hiver de la madrassa n'est pas ouverte aujourd'hui. Pour compléter la visite, nous reviendrons demain après-midi (9 septembre) pendant que nous aurons quartier libre. C'est une jolie petite mosquée bien que non restaurée. Les murs et plafonds sont ornés de décors peints dans des tons inhabituels, brun rouille, gris bleu, ocre. Des pendentifs ornent la jolie coupole et les absides à voûte en cul de four de l'entrée et, en face,  du mihrab.
Nous profitons de ce second passage pour aller visiter une cellule située dans l'angle au fond et à droite de la cour. Elle était organisée sur deux niveaux, disposant d'une cheminée au rez-de-chaussée tandis que la pièce de  l'étage est très agréable avec sa voûte peinte et ses nombreuses niches. Plus loin, nous entrerons également dans une cellule reconvertie en boutique de marchand de miniatures.

 


Nous regagnons le centre de la vieille ville en traversant les trois tim principaux, les bazars édifiés au XVIe siècle.
Une nouvelle fois le bazar des joailliers (Tim Tok-i-Zargaron). Arrêt devant l'atelier d'un coutelier qui nous présente de jolis ciseaux en forme de becs d'oiseaux (possibilité d'y faire graver son nom). Puis c'est le bazar  des chapeliers (Tok-i-Tilpak Furuchon) et le bazar des changeurs (Tok-i-Sarrafon).

 

De là, nous allons visiter l'ancienne mosquée Magok-i-Attari ("attar" fait référence aux marchands d'herbes médicinales) qui a été construite sur les vestiges de très anciens autels païens, d'un temple bouddhiste et d’un temple zoroastrien: deux milles ans d'histoire révélés par l'archéologue soviétique Chichkine en 1935. Ce qui explique qu'elle soit située en dénivelé, semi enterrée ou à demi déterrée si l'on préfère.
C’est la mosquée la plus ancienne de Boukhara. Une première mosquée à quatre piliers avait été édifiée à cet endroit mais elle a été détruite par un incendie en 937. La façade sud de l’actuelle mosquée date du XIIe siècle. Elle est caractéristique des techniques de décoration utilisées à cette époque: brique polie, carreaux en terre cuite sculptés, bandeau épigraphique émaillé, mosaïque. Le syncrétisme intégrant le zoroastrisme est marqué par certains motifs symboliques résultant de la disposition des briques. Le portail Est avait été construit au milieu du XVIe siècle pour permettre l'accès. Désaffectée au culte, la mosquée abrite aujourd’hui un musée du tapis.
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5 - Liab-i-Haouz: khanagha Nadir Divan Begi (1619-20) et madrassas Koukeldach (1568) et Nadir Divan Begi (1622) et tour dans le quartier juif

Après cela, direction le centre, le Liab-i-Haouz.
Le mot haouz désigne le bassin qui occupe le centre de ce vaste espace animé. Ce réservoir, le plus grand de la ville, a été creusé en 1620 et était alimenté par un canal. C'était devenu rapidement un égout à ciel ouvert même si les porteurs d'eau venaient y remplir leurs outres. La réalisation du bassin avait heureusement ménagé les mûriers plantés en 1477 qui apportent ombre et fraîcheur sur la place. Le bassin a été remis en état il y a une bonne quarantaine d'années.

A l'ouest, un premier édifice construit en même temps que le bassin vient s'y refléter, il s'agit du Khanagha Nadir Divan-Begi (1619-20). Sur deux étages, cette auberge comprend une mosquée cruciforme entourée de cellules ou chambres qui étaient destinées au logement des derviches itinérants.


 
Puis au nord du bassin, c'est la madrassa Koukeldach (1568), construite par le général de ce nom (1568). C'est la plus grande d'Asie centrale (80x60 mètres). Sa façade est assez austère avec peu d'ornementation du portail. Par contre, les deux étages de portiques à ogives, de part de d’autre du portail d’entrée, sont surmontés de céramiques bleues et blanches. Le monument héberge actuellement des magasins de souvenirs. De jeunes mariés en tenues occidentales profitent de la lumière sinon du décor, pour se faire photographier au pied de l'édifice. Nous reviendrons la visiter demain pendant le temps libre de l'après-midi.


Poursuivant notre tour, tout comme les mariés, nous arrivons à l'est de la place, devant la madrassa Nadir Divan-Begi (1622) dont la façade commence a être plongée dans l'ombre. Elle est presque contemporaine du bassin et du Kahangha qui lui fait face. Le divan-begi était un prince, chef de clan (le terme mongol beg vient du turc bey signifiant "gouverneur") en charge d'une administration (divan ou diwan).
Il destinait cet édifice à servir de caravansérail et en espérait de bons profits mais il dut en changer de fonction lorsque l'émir Kouli Khan qui l'inaugurait remercia son ministre en le félicitant pour sa foi et pour cette  "merveilleuse madrassa".  De ce fait, c'est une madrassa "pas très catholique", ne respectant pas les canons de l'Islam pour ce genre d'édifice. Même si le portail fut reconstruit et des tours d'angle rajoutées, on n'y trouve ni mosquée ni bibliothèque. Mais surtout le portail, orné de mosaïques, présente un tympan où l'on peut admirer deux oiseaux fabuleux et colorés, de type simurgh ou simorgh (oiseau de la mythologie persane) s'affrontant sous un soleil (symbole zoroastrien) à visage anthropomorphe.
Les cellules servent maintenant de boutiques et un restaurant en plein air occupe le pourtour de la cour, au centre de laquelle des danseurs et de musiciens se produisent le soir. C'est d'ailleurs ici que l'on va revenir deux heures plus tard pour dîner.


 

Retour sur la place et passage devant la statue de Nasr-Eddin Hodja perché sur son âne. Ce personnage serait un ouléma (théologien) mythique de la culture musulmane. Célèbre dans tout l'Asie (et même jusqu'en Europe méridionale, autrefois ottomane), c'est un ingénu, faux-naïf et même bouffon, prodiguant au-delà du rire des enseignements au travers de devinettes ou de petits contes moraux. Certains le croient né en Irak au VIIe siècle tandis que d'autres voient en lui un Turc du XIIIe siècle. La statue est prisée des photographes amateurs et des acrobates qui grimpent sur le baudet et sont souvent fort embarrassés pour descendre de leur monture qui est à l'échelle 2/1.

Lora nous laisse libres à 17H15 sur la place.

Pour notre part, nous effectuons le retour à l'hôtel en traversant l'ancien quartier juif, un ghetto ou "mahala", au sud de la place. Nous en profitons pour jeter un coup d'œil dans la plus ancienne synagogue de la ville, unique jusqu'en 1840 et dont l'origine remonterait au VIe siècle. Deux personnes nous accueillent aimablement mais en parlant ouzbek ou russe. Je suis surpris  d'être dispensé de la kippa. On nous montre les rouleaux de la torah exposés dans une vitrine cadenassée. La ville ne comptait plus qu'un millier de Juifs en 2006 contre 4000 en 1832 et plus de 25000 quelque siècles plus tôt. Actuellement, les Juifs ne seraient plus que 280.
Puis nous passons devant la madrassa Eshoni Pir (XIXe siècle) transformée en centre d'artisanat textile (teinturiers).

Après un passage bienvenu à l'hôtel, retour au Liab-i-Haouz pour dîner à la madrassa Nadir Divan-Begi. Au menu, quatre plats de crudités (tomates, concombres, aubergines), salade de riz mélangés de petits légumes, beignets de légumes, fromage. On aura même des frites... tout cela servi dans un très jolie  vaisselle dans les bleu et blanc, rehaussée d'entrelacs dorés.
Mais on n'est pas là que pour manger puisqu'il s'agit d'un "dîner-spectacle-présentation de mode". En alternance, les danseuses accompagnées d'un groupe d'exécutants de musiques traditionnelles cèdent la place à des mannequins de la boutique de mode "Ovatsiya" qui défilent en présentant des modèles de la créatrice Irina Sharipova: vêtements en tissus traditionnels ("khan atlas" en soie et "adras" en soie et coton) et robes de soirées "zardouzi" en soie brodée d'or.
Portefeuilles et cartes bancaires peuvent se soulager après le spectacle.

Marche digestive pour revenir à l'hôtel...
 

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6 - Mausolées d'Ismaïl Samani (Xe s.) et de Tchachma Ayoub (1380), monument de Mouhammad al-Boukhari et grand marché

Mardi 9 septembre

Passage au centre ville pour rejoindre le minibus qui va nos conduire dans les quartiers ouest où se trouve l'un des monument les plus remarquable du pays, le plus ancien de Boukhara, conservé dans état d'origine.
 

Le mazar ou mausolée d'Ismaïl Samani ou mausolée des Samanides (dynastie iranienne de la période 875-999) se trouve malheureusement inclus dans un jardin (le parc Kirov) comportant un petit parc d'attractions (grande roue notamment). Il date du début du Xe siècle, ce qui en le plus ancien édifice de Boukhara.  C'est le tombeau d'Ismaïl Ier qui a régné sur la la Transoxiane et le Khorassan, de 892 à 907, et avait choisit Boukhara comme capitale. Y sont également inhumés des membres de sa famille. Comme  la mosquée Magok-i-Attari  vue hier, l'édifice enfoui sous terre a été découvert par l'archéologue russe Chichine en 1934. Cela avait au moins eu l'avantage de le préserver du pillage et de la destruction lors de l'invasion mongole.

C'est un cube de près de 11 mètres de côté, surmonté d'un dôme et de quatre autres petits  dômes placés au-dessus de chacun des angles, avec des murs que l'on pense légers alors qu'il ont deux mètres d'épaisseur à la base. Les quatre façades sont identiques. L'agencement très savant de la maçonnerie en briques, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, est d'une grande richesse esthétique et symbolique. Le syncrétisme s'y manifeste avec de nombreux symboles zoroastriens plus ou moins explicites, même si le mausolée, par sa forme cubique, rappelle la forme de la kaaba. Au-dessus des portails, on peut voir une sorte de triangle qui est un faravahar ("ange gardien") à aux ailes déployées et de chaque côté, un cercle contenu dans un carré symbolisant l'univers et l'éternité. Par ailleurs, les nombreux cercles de brique sont autant de symboles du soleil. Avant d'y pénétrer, il faut se concentrer un petit moment sur les galeries situées à la base du dôme. Sur chaque façade, dix fenêtres sont entourées de jeux de colonnes différents (symétriques par paire).

L'intérieur est superbement mis en valeur par l'éclairage indirect qu'apportent quelques unes des petites fenêtres situées sous la coupole. Grâce à quatre arcades d'angle, on passe du plan carré à un tambour à 8 puis 16 côtés pour finir par la coupole hémisphérique. Sur chaque côté, les dispositions des briques offrent des décors différents.

C'est un lieu où la dévotion se manifeste toujours, quelques personnes prient assises sur un banc avant d'aller toucher et même embrasser le tombeau du saint en en faisant trois fois le tour afin qu'un vœu soit exaucé.

 

 
 

Tout près de là, nous allons encore  visiter un autre mausolée, celui de Tchachma Ayoub ("la source de Job"). En totale opposition de style avec le précédent: austérité et absence de tout décor...
Selon la tradition, longtemps avant l'ère chrétienne, le prophète Job passant dans cette région où les gens mouraient de soif eut pitié d'eux en frappant le sol pour en faire jaillir de l'eau.


C'est un édifice composite dont les parties les plus anciennes remontent au règne karakhanide d'Arslan au XIIe siècle (comme  le minaret Kalon). Mais la partie la plus surprenante correspond à celle qui est surmontée d'un "dôme conique" et qui fut édifiée en 1380 sous le règne de Tamerlan. Sa forme évoquerait celle des tentes des anciens nomades du Khorezm mais il dissimule un autre dôme hémisphérique visible de l'intérieur. Les trois autres salles furent ajoutées au XVIe siècle. En dehors de la source sacrée, l'édifice héberge un Musée de l'Eau (outres, maquette de noria, cartes des bassins hydrographiques et du recul de la Mer d'Aral...). Derrière le mausolée, on peut voir des tronçons des anciennes fortifications, aux limites du bazar.

En face du mausolée  a été érigé un monument moderne en l'honneur de la personnalité la plus célèbre de la ville, Mouhammad al-Boukhari (810-870). Le mémorial honore cet érudit musulman sunnite né ici, à Boukhara, dans le Khorassan, alors province perse. Le monument représente sous la forme d'un grand livre entouré d'un croissant. Pendant sa vie, il a parcouru l'Orient rassemblant les hadiths (son recueil le plus célèbre en compte près de dix  mille et est admis à la fois par les sunnites et par les chiites), les paroles et les actes que l'on prête à Mahomet et à ses compagnons.

 

Après cela , tout à côté, notre visite se poursuit au grand marché de Boukhara.
Couleurs et senteurs des bazars ouzbeks, avec une grande place accordées aux fruites secs (raisins, abricots "très secs"), fruits à noix (noisettes) et à noyaux (amandes, abricots). Beaux étals de pain. Les rayons de pâtisseries sont immanquables avec leurs gâteaux dégoulinant de crème et de couleurs. Pour les grandes pièces, on ne s'étonne pas d'en voir des ronds ou des carrés ou en forme de cœurs mais il y en aussi en forme d'amande, de triangle, de poire... sans oublier les bûches jaunes ou saumon ou des sortes de brioches nappées de chocolat ou encore des gâteaux individuels surmonté d'une confiserie (crème ou meringue?) en forme de rose rose !

Passage dans les rayons des fruits: pommes, raisins blancs et rouges aux grains oblongs, pêches, prunes, figues, citrons, grenades, bananes (exotiques). Sans oublier les légumes: grosses et courtes carottes rouges et jaunes, ail, piments, poivrons et superbes cucurbitacées (courges, melons, pastèques, potirons), aubergines, tomates, choux, ciboules, aneth ou fenouil.

Nous poursuivons par un pavillon voisin consacré aux produits laitiers. Les étals de fromages, où certains produits sont présentés sous forme de boulettes, sont plus engageants que ceux qui vendent du beurre présenté en gros tas ou dans des seaux. On peut aussi trouver du miel dans ces stands. Un peu plus loin, on vend des morceaux de poulet et des monceaux de saucissons de toutes sortes. 

Retour dans la halle principale en passant devant les étals d'épices, de couleurs, de tisanes et plantes aromatiques et médicinales. On finit par plus consistant, le riz de différentes qualités et couleurs. En ressortant, sur la rue, c'est le coin des vendeurs d'huile de table. Tournesol pour certains bidons ou certaines bouteilles. Peut-être d'autres avec de l'huile de coton...

En quittant le site, nous passons entre les madrassas koch (doubles) d'Abdoullah Khan, sur la droite, la petite Modar-i-Khan (1567)  et sur la gauche, celle dite d'Abdoullah Khan (1590). La première fut bâtie en l'honneur de la mère du khan (modar signifie "mère").
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7 - Registan: mosquée Bolo-Haouz (1712), citadelle de l'Ark (XVIe-XIXe s.)

Un trajet de moins d'un kilomètre pour se rendre au Registan et, pour commencer, visite de la mosquée Bolo-Haouz ("près du bassin").

 

  

La mosquée Bolo-Haouz construite en 1712 était utilisée par l'Emir. Son superbe iwan de 12 mètres de haut, au plafond à caissons finement décoré,  est soutenu par vingt colonnes de bois sculpté, avec des chapiteaux à muqarnas peints, c'est-à-dire en forme de nids d'abeilles. Cette partie ouverte sert de mosquée d'été. En se plaçant en face, sur l'autre bord du bassin, on ne sait ce qu'il faut admirer le plus, l'original ou bien son reflet sur le miroir d'eau.
La salle de prières d'hiver, en cours de restauration,  est une pièce à quatre colonnes avec plusieurs entrées disposées sur un seul côté, dans le style du tournant du XIXe siècle et du XXe siècle, avec des décors à motifs géométriques multicolores. Le petit minaret a été construit en 1917. La mosquée est rouverte au culte depuis les années 1990. 

 

Il suffit de traverser un petit jardin en passant près de la tour métallique d'un château d'eau désaffecté pour se retrouver face à la forteresse,  l'Ark. On y rentre par un portail flanqué de deux tours entre lesquelles sont placées une terrasse et une galerie couverte d'où l'émir assistait aux châtiments et aux exécutions publiques qui avaient lieu sur le Registan ou Reghistan, la grande place. Un long tunnel en pente, bordé de cachots,  conduit au sommet de la petite colline.

 
 


A cet endroit avait existé une première forteresse  construite au VIIe siècle (voire au IIIe siècle avant l'ère chrétienne). La citadelle fut rebâtie et détruite trois fois entre le IXe et le XIIe siècle  et anéantie par les Mongols en  1230. Celle que l'on découvre date du XVIe siècle, sous les Chaybanides, avec de nombreux ajouts et transformations au cours des trois derniers siècles. Elle a servi de résidence des émirs jusqu'en 1920, date de destitution du dernier émir par les Russes et de l'incendie qui en a détruit 80%. Alors que c'était "une ville dans la ville", avec 3000 habitants, seuls quelques bâtiments subsistent: une mosquée avec galerie sur deux côtés, et la salle du trône (ou salle de réception) de l'émir, à ciel ouvert, rectangulaire, avec un iwan à piliers en bois sur trois  côtés. Revenus au pied des fortifications, sur la droite, à un kilomètre, on aperçoit le minaret Kalon et les portails et dômes de la mosquée et de la madrassa voisine.

Une dizaine de minutes plus tard, nous nous retrouvons au parking, près de la place Liab-i-Haouz. Puis, à pied, un passage devenu familier sous le Tok-i-Sarrafon, afin de se rendre dans une tchaïkhana du quartier juif. Au menu du déjeuner: plats de crudité, potage genre chourpa, à la carotte et au maïs dans un bouillon de  poulet, poivrons garnis d'une farce à la viande et au riz puis une part d'un délicieux gâteau.
Dans une vitrine, on peut admirer deux livres écrits en arabe (mais peut être en langue persane) dont un illustré.
 

       

14H30, après-midi libre...
Personnellement, cela nous permettra de refaire un circuit entre les principaux monuments du centre, dans un triangle compris entre Liab-i-Haouz et les sites de la rue Khodja Nourobd, le complexe  Pok-i-Kalon (avec le minaret et la madrassa Kalon) et la madrassa Abdoul-Aziz. L'occasion également de faire quelques emplettes...

 

Dîner à 19H, non loin de notre hôtel Komil, toujours dans le quartier juif, à la tchaïkhana "Old House". Il y a une coupure d'électricité dans le quartier aussi une bonne partie du repas se fait aux chandelles. Nous allons y déguster le plat national, un excellent plov (peut-être un peu gras quand même), arrosé d'un vin rouge ouzbek. Nous avons pris tout notre temps puisque nous quittons l'établissement à 21H.

 

       

Nuit reposante au Komil, établissement et quartier bien tranquilles...


 

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