NOURATA
 
 
 
 

1 -  Minaret de Vobkent
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 2 -  de Vobkent à Nourata:
G'ijduvan, Rabat-i-Malik, Sarmish, Debaland, Nourata



 3 - 
Camp de yourtes de Yangi Kazgan *

 


 



 


CALOTTES ET YOURTES
 


LES CALOTTES...

La calotte, une sorte de bonnet bas qui couvre le sommet de la tête,  avec des ornements brodés ou tissés, est le couvre-chef national de plusieurs peuples de l`Asie centrale. C'est un substitut au turban, dérivé de dopa (ou dobpa, dopy, doppilar   ou encore doppe), le bonnet traditionnel brodé de fils d'argent des Ouïgours (ou Ouyghours) de Chine orientale. On l'appelle également tiubetek (dérivant du turc tülbent désignant le sommet du crâne) ou toki ou tchousti (du nom du lieu Tchoust dans la vallée de Ferghana).

Sa forme évoque la voûte du ciel, le dôme des mosquées, le toit des anciens marchés et la yourte.
Au Moyen Age, le croyant n’était pas autorisé à se montrer dans les lieux publics sans être coiffé. Le musulman contemporain n’est plus obligé de porter la calotte. Toutefois,  en Asie centrale, la majorité des pratiquants continue de porter la calotte  pendant les jours des fêtes sacrées (Kourban et Uraza-hayit), à la  mosquée et à la maison pour la prière, pendant les funérailles ou lors de mariages (le fiancé et son père).
En mettant la calotte sur la tête du nouveau-né, l'imam le bénit de telle manière pour qu`il soit toujours en bonne santé. Lors de la circoncision on met aussi la calotte sur la tête de l`enfant bien que pendant notre voyage nous ayons plutôt vu des garçonnets coiffés d'un turban. Et pour son mariage  le fiancé porte la calotte brodée (au fil doré qui a remplacé le fil d'or) ce qui signifie le passage vers la période la plus mûre de sa vie.

En Asie Centrale il y a une grande diversité des modèles des calottes: conique, hémisphérique, carré et plat.
La forme, les particularités de l’ornement, la couleur de la broderie sont un moyen de distinguer   l`appartenance à un clan, une région ou une confrérie religieuse.

Les quatre côtés de la partie supérieure de la calotte carrée représentent quatre périodes de la vie d’une personne: enfance, adolescence, âge adulte et vieillesse.

Les motifs utilisés
dans les ornements traditionnels des calottes symbolisent  le plus souvent des valeurs indéfectibles: "la trace du serpent" protège du mauvais œil, les cornes de bélier (kouchkorchor) incarnent la force et le courage, tandis que les poissons évoquent la fécondité de la femme. On distingue parmi les ornements les plus populaires l`amande blanche brodée sur la calotte noire. Ces ornements figuratifs sont parfois complétés par les inscriptions en arabe.

En OUZBEKISTAN...

Les calottes les plus répandues en Asie centrale, les tchousti sont carrées et se distinguent par la simplicité et la finesse de la broderie de soie blanche sur  fond noir qui orne leur partie supérieure. Quatre motifs (kalampour ou bodom) y sont brodés, qui pour les uns représentent des poivrons dont le goût piquant doit effrayer les esprits malins dans toutes les directions, tandis que d'autres y voient des amandes protégeant du mauvais œil tandis que d'autres encore y voient des ailes de simurgh (oiseau mythique et fabuleux dans la mythologie perse).

Dans les régions de Samarcande et de Boukhara, les calottes sont traditionnellement rondes et souples, brodées de motifs géométriques aux couleurs vives sauf chez des personnes âgés qui portent le plus souvent une calotte de couleur uniforme (sans ornement) en  velours vert.
Les calottes brodées au fil d'or ont probablement pour origine  Boukhara.
A Samarcande, on pratique  aussi la technique  piltadouzi, la broderie à la mèche  de coton ce qui donne du relief aux motifs. La forme de ces calottes rappelle le dôme à nervures des édfices.

A Shakhrisabz les calottes sont cousues et se différencient par la variété de leurs ornements  multicolores.

...et ailleurs

Au Turkménistan voisin, la calotte s`appelle takhya. Elle a un fond carré ou rond et  le dessin brodé qui l'orne est souvent de forme  géométrique, combinant les couleurs rouges, blanches, jaunes et noires.
 Les calottes pour les hommes et les femmes sont ornées différemment. Si pour les hommes, elles sont caractérisées par des ornements brodés de deux ou trois couleurs, les calottes féminines se distinguent par une palette multicolore vive. Si  la calotte de la jeune fille turkmène est ornée de plumes, cela signifie qu'est encore célibataire.

Au Badahshan (ou Badakhchan), dans le nord-ouest de l'Afghanistan, les calottes  rondes et plates  se distinguent par la combinaison des couleurs rouges, vertes, bleues et blanches de leurs  ornements géométriques  symboliques.


...et les  YOURTES

La yourte ou iourte est l'habitat traditionnel de nombreux nomades vivant en Asie centrale, notamment les Turkmènes et les Mongols. Plus d'un million de Mongols continuent à vivre dans leur habitat traditionnel, que ce soit les nomades à la campagne ou les habitants permanents des villes et villages. Elle est aussi particulièrement utilisée au Kirghizstan, au Kazakhstan, au Karakalpakistan mais aussi au Turkménistan, en Afghanistan, en Iran, en Ouzbékistan et, bien sûr, en Mongolie. L'étymologie du mot est d'origine turque [yurt]. 

 C’est une habitation familiale, comprenant une pièce unique, sans fenêtre,  autour d’un poêle, une sorte de tente à ossature démontable en bois recouverte de feutre. On y trouve plusieurs lits qui servent de sièges pendant la journée, une armoire  ou commode et une table basse où l'on pose la nourriture. Face à la porte d'entrée se trouve traditionnellement le lit du chef de famille. La yourte comporte une ouverture dans sa partie supérieure du toit pour permettre d’évacuer les fumées et d’éclairer l’ensemble.

La taille des yourtes est conditionnée par le nombre de "murs" (khana) ou treillis en bois. La taille standard correspond à un diamètre de 5,80 mètres, pour une hauteur maximale de 2,30 et minimale de 1,50 mètre. En plus de ces "murs", la yourte est composée d’une porte (xalag ou haalga), d’une couronne ou clef de voûte (thoone ou toono), de 81 perches (hunnu) formant la charpente soutenue par deux piliers (bagana), d’une ou deux couches de feutre (esgui) et le tout recouvert d’une toile imperméable (berdzine) en coton.
Afin d’assembler l'armature de la yourte, les sections murales sont dépliées et attachées ensemble pour former un cylindre. A son tour, la porte est alors fixée à l’armature ainsi formée grâce à des sangles courant le long des murs. Ensuite, le toit est fixé aux deux poteaux de support et est élevé au centre de la yourte.

Les yourtes kazakhe ou kirghize diffèrent sensiblement de la yourte mongole. Plus élancée, elle peut atteindre jusqu’à 3 mètres de haut, du fait d'un système particulier de fixation des perches au cercle de clef de voûte (tündük en kirghiz, ce qui signifie aussi nord, et shanrak en kazakh). Le volume intérieur en est d’autant plus vaste. Le nombre de perches varie de 50 à 80 en fonction du diamètre chez les Kazakhs, tandis que chez les Kirghiz, il y en a 40, comme le nombre de clans composant le peuple Kirghiz. La porte est toujours dirigée vers le sud. La couverture extérieure de la yourte kirghize est souvent en laine beige ou grise, d’où son nom  boz üy qui signifie "maison grise", tandis que la yourte mongole est plus fréquemment recouverte d’une toile de coton blanc.

On doit pénètrer dans la yourte toujours du pied droit, sans heurter le seuil. Il ne faut pas rester debout plus que nécessaire, ni traverser entre les deux piliers centraux.

Un grand nombre de familles kazakhes, plus ou moins sédentarisées, vivent dans le Kizilkum. Leurs yourtes sont souvent montées à proximité des cabanes en pisé plus agréables à vivre en utilisation estivale.
Dans certains campements, les voyageurs sont accueillis avec un bol de kumis (une boisson traditionnelle obtenue à partir de lait fermenté de jument et donc légèrement alcoolisé). Les soirées autour du feu sont accompagnées par la musique et les chants de l'akyn.

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Etape précédente: BOUKHARA

Etape suivante: SAMARCANDE
 

Mercredi 10 septembre

Après le petit-déjeuner et un dernier regard sur le quartier juif de Boukhara, nous prenons la route en direction du nord que nous avons déjà empruntée pour partie avant -hier (nécropole Bahaouddin). Traversée de la ville avec son flot de Chevrolet à cette heure de trafic plus dense.  Ne manquons pas un faux policier peint sur un contreplaqué planté sur le terre-plein d'une avenue, de la même façon que l'on voit souvent de fausses voitures de police sur le bord des routes. Puis c'est la "porte nord de la ville" avec son monument féminin déjà évoqué. Puis c'est  la banlieue et l'indication des distances des capitales des pays voisins (Bichkek capitale du Kirghizistan à 1129 km, Almati capitale du Kazakhstan à 1379 km).
Le paysage se fait plus campagnard, les ânes et les vieux tracteurs russes à trois roues tendant à être remplacé par des tracteurs assez imposants dans une région où l'on cultive le coton irrigué grâce à l'eau de la rivière Zarafshon...

 Nous aurons aujourd'hui un trajet de
280 kilomètres qui sera ponctué de plusieurs petites haltes.

Après une trentaine de kilomètres et environ une demi-heure de route, nous voici à Vobkent, la première de ces étapes.

1 - Minaret de Vobkent (1196)

A deux kilomètres de la "route royale" se dresse un minaret isolé en brique, haut de 39 mètres. Il aurait été construit en 1196 (un bon demi siècle après le Kalon de Boukhara). Il faut en admirer lsa superbe lanterne ainsi que les calligraphies arabes en coufique (style développé dans la ville de Koufa en Irak, la plus ancienne forme calligraphique de l'alphabet arabe qui ferait d'une certain façon penser à nos écritures gothiques) sur les bandeaux de la base et en divani (style calligraphique de l’alphabet arabe cursif développé  dans l’Empire ottoman aux XVIe-XVIIe siècles) sur la ceinture en brique vernissée, sous la lanterne.
 
  


Petit tour aux alentours, dans les boutiques locales guère habituées à voir passer des touristes. Les marches restées en béton brut servent de présentoirs à toute une batterie de cuisine, casseroles, marmites et fait-tout, en aluminium ou en acier émaillé. On y trouve aussi les fameuses "pipes passe-pipi" et même en ce domaine très particulier, la modernité se manifeste puisque le plastique (sans doute "Made in China") remplace le bois traditionnel.

  

On peut encore trouver là des tampons à aiguilles pour marquer le pain, des moules à gâteaux, des suzanis et des vêtements locaux.  Dans un sac étalé par terre, ce que l'on pourrait prendre pour une tisane est en fait une plante chamanique que l'on brûle  contre le mauvais sort ou que l'on porte en amulette porte-bonheur.

A 10H, il fait déjà pas loin de 20°
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2 -Trajet entre Boukhara et le camp de yourtes aux environs de Nourata (280 km !),
avec arrêts à G'ijduvon, chez les céramistes Narzulaev, au sardoba Rabat-i-Malik, aux gorges de Sarmish, au mausolée d'Hassan et d'Hussein à Debaland

A 10H, nous reprenons la route, en obliquant en direction du nord-est, vers G'ijduvon (ou Ghijduvan), à 45 km de Boukhara. Petite étape d'un vingtaine de kilomètres et d'une petite demi-heure de trajet.

En quittant, Vobkent, nous croisons un cortège d'hommes portant et portant ou accompagnant au cimetière la dépouille d'un défunt. A ce sujet, Lora nous précise qu'à la différence des Musulmans du Moyen-Orient, ici les morts ne sont pas enterrés le jour même ou le lendemain (selon que le décès à eu lieu le matin ou l'après-midi) mais au bout de trois jours. Dans l'Islam, si les femmes peuvent marquer le deuil par des cris et des pleurs, elles ne peuvent pas accompagner la dépouille car on considère que le défunt les verrait toute nues. Elles ne peuvent se rendre au cimetière qu'un an après les funérailles. A noter que ceci est pourtant proscrit (péché majeur) par des hadiths dans la Sunna.
Sinon, spectacle habituel de tracteurs avec des remorques pour transporter les balles de coton à la cueillette duquel des villageois s'affèrent dans les champs. Bien sûr, sur ce trajet comme sur d'autres, on passera les chicanes de contrôle de la police.

Arrivés à G'ijduvon, pendant une heure, nous allons visiter l'atelier des céramistes, les frères Alisher et Abdoullah Narzullaev (ou Narzoulayev) et leur sœur  Nodira qui continuent une tradition d'artisanat familial depuis six générations. Leur production traditionnelle est celle de bols (piala) et d'assiettes aux motifs floraux dans les jaunes et bruns, coloris naturels provenant de fruits, de racines et d’écorces. Un savoir faire reconnu par l'UNESCO.

Le maître Abdullah Narzullaev est le fils d'Ibodullo  Narzullaev, le céramiste le plus célèbre d'Ouzbékistan, fondateur de l'École de céramique de  Gijduvan. Il a participé à plus de 60 expositions internationales (Japon,  Etats-Unis,  Allemagne,  France,  Italie et  Israël) et ses travaux sont exposés dans différents musées du monde.  Les travaux des Narzullaev ont été appréciés par les spécialistes et les invités distingués de grands pays tels que  Mme Madeleine Albright, Mme Hillary Clinton, le prince du Pays de Galles... A notre tour de se prendre pour des VIP et autres célébrités.
Dilorom, l'épouse d'Alisher nous accueille et  nous commençons par la visite du Musée de la céramique où l'on peut voir des pièces dans les styles de différentes régions mais aussi de  jouets en forme de figurines  en terre cuite représentant de manière drôle des scènes de la vie quotidienne, de sifflets en forme d’animaux mythiques...
La visite se poursuit et la maîtresse des lieux nous présente "son domaine", celui de la broderie suzani et de la préparation du fil (teinture), un artisanat que  Barakayeva Mustabchira  avec sa fille Mavluda et ses belles-filles Dilorom et Gulbahor ont relancé.
Nous passons dans l'atelier des tourneurs puis aux fours tandyr géants, un peu comme ces sortes de jarres qui servent à la cuisson du pain ouzbek. Elle nous montre une sorte de pierre noire ou de verre noir comme de l'obsidienne ou de l'anthracite qui sert au glaçage des poteries. Ce drôle de matériaux est un "verre végétal" obtenu à partir de plantes du désert. On l'utilise après broyage et formation d'une pâte.
Passage normal en boutique puis l'on nous offre le  thé dans une salle de réception en forme de grande véranda ouverte sur le jardin. Thé accompagné d'amuse-gueules: cacahuètes, raisins secs, pistaches...
 


  
11H, départ vers l'est pour une petite étape de trois quarts d'heure.


Après avoir dépassé sur notre gauche une sorte de grand lotissement, 20 km avant la ville de Navoï, nous arrêtons pendant une dizaine de minutes à hauteur du caravansérail Rabat-i-Malik (1078), sur la Route de la Soie reliant Navoï à Boukhara. Il a été construit par le souverain qarakhanide Shams-al Mulk ("soleil de la royauté"), qui a régné sur Samarcande de 1068 à 1080. C'est l'un des plus grands caravansérails de l'époque médiévale en Asie centrale. Ce fut par la suite une résidence de chasse royale. D'origine, il ne reste pratiquement que le portail d'entrée car de nombreuses parties effondrées ont été reconstruites.

 

Ce portail est visible de l'autre côté de la route tandis que nous nous sommes arrêtés sur le côté droit, près du puits du caravansérail, le  Malik sardoba (XIVe siècle). On en comptait 400 à l'époque d'Abdullah Khan (ou Abdullah ibn Iskandar II), qui a régné de 1533 à 1598 depuis Samarcande mais beaucoup ont disparu ou sont en ruines. La citerne protégée par un dôme était alimentée par un canal souterrain (karis ) depuis la rivière Serafschan. Pour accéder à l'eau, il faut descendre une volée de marches mais le contenu du réservoir n'est guère engageant.
Pendant de temps-là sur la route voisine, on assiste à un défilé de récolteuses de coton tractées, flambant neuves.

A nouveau trois quarts d'heure de route, un trajet ponctué par la traversée de la ville industrielle de Navoï (130 000 habitants). Un combinat minier et métallurgique y est établi ainsi que des usines chimiques (engrais) et une centrale électrique profitant des gisements de gaz de cette région. La ville porte le nom d'un poète turc qui vécut en Afghanistan. Elle a été également le berceau de plusieurs poètes de langue persane.
On peut apercevoir quelques nids de cigognes, oiseaux qui symbolisent ici la paix et la prospérité mais qui ont la malencontreuse idée de choisir une région truffée de câbles électriques à haute tension en raison de l'existence d'importantes centrales dans le secteur. Sans doute profitent-elles de l'existence des canaux d'irrigation où vivent un de leurs mets favoris, les batraciens... On peut se poser la question des effets néfastes pour  la faune des polluants  résultant de la culture intensive.

Prenant une route secondaire se dirigeant vers le nord, maintenant nous entrons dans une région désertique. Une vingtaine de minutes après avoir quitté Navoï, nous arrivons dans une région où le relief s'anime. La crête de la montagne Karatau appartenant à la chaîne de montagnes Zarafshan, prolongement extrême du massif Guissar-Altaï, est traversée par les gorges de Sarmish qui ont mis à nu une arrête schisteuse à 40 km de Nourata. Plus de 3000 pétroglyphes gravés dans la roche ont été réalisés entre l'Age du Bronze (2000 à 1000 avant notre ère) et le Moyen Age. Ces dessins représentent les animaux qui habitaient la région dans l'Antiquité: taureaux,  chèvres, béliers, sangliers,  etc. Une dizaine de minutes suffisent car notre exploration ne peut pas aller bien loin du fait que nous n'avons pas les chaussures appropriées  pour grimper dans les rochers.
Nous quittons le site un peu avant 13H30.

 


Après avoir franchi la zone "montagneuse" en dépassant le col du Corbeau Noir, nous pouvons constater comment Oleg exploite la longue descente vers la plaine de Nourata en laissant notre bus en roue libre pour économiser le gazoil. Hummm...
Paysage au  relief pelé où l'on aperçoit quelques pasteurs au milieu de leurs troupeaux de moutons et de chèvres. Là-bas, quelques chevaux et même des vaches en liberté cherchant quelque nourriture dans les arbustes secs...

A 13H45, nouvel arrêt d'un quart d'heure dans la localité de Debaland, autrefois relais de messages par signaux de fumée profitant d'une éminence de lœss. Au pied de celle-ci, un modeste mémorial chiite du XVIes siècle abrite les sépultures des imams Hassan (mort empoisonné en 669 à Médine) et Hussein (assassiné en 680 à Kerbala),  les fils d'Ali, second et troisième successeurs de Mahomet dont la chronologie chiite. On peut se demander comment leurs dépouilles ont pu arriver ici et faire de cet endroit perdu un lieu de pèlerinage pour les Chiites. Leurs tombeaux parfaitement identiques sont dans deux salles situées de part et d'autre d'une petite mosquée très dépouillée.
Il fait chaud (au moins30° à l'ombre) mais la visite du petit site a été brève...

Ayant repris la route, sur notre gauche, au pied d'une arrête rocheuse, au milieu de nulle part, on aperçoit une première yourte.

14H15, Nourata, petite ville de 25 000 habitants reconnue pour sa production de marbre et d'astrakan (fourrure bouclée de jeunes agneaux de race karakul, originaire de l'ouest de la Chine).
Cette  ville de la province de Navoï est située à 314 km au sud-ouest de Tachkent, au pied des montagnes Nurata (le mont Hayatbashi culmine à 2169 mètres).


Il est bien temps de déjeuner. Au menu des raviolis russes pelmini (ou manty pour les Ouzbeks), de petites boulettes de viande hachée relevée d'oignon et d'ail,  enrobées d'une fine pâte repliée ce qui leur donne une forme d'oreille. Pour le dessert, Lora nous a apporté de petites madeleines.

Une heure plus tard, après s'être restaurés et avant de quitter Nourata, rapide coup d'œil sur les ruines de la citadelle dominant le bazar. Elle est attribuée à Alexandre le Grand (qui aurait traversé le pays vers 327 avant J-C), perchée au sommet d'une colline de lœss afin de protéger la Sogdiane contre l’attaque des nomades de la steppe. En fait, il semble qu'elle soit encore plus ancienne.

Pas assez de temps pour aller voir la source sacrée Tchachma (ou Chashma) attribuée à Ali, le gendre de Mahomet, une source peuplée de poissons sacrés marinkas.
 

En réalité le terme de notre journée est encore plus loin, un campement de yourtes de Kazakhs sédentarisés. Une soixantaine de kilomètres dont une partie par piste soit encore une bonne heure de trajet, toujours vers le nord-est...

Toujours la steppe sablonneuse, avec quelques buissons la plupart du temps desséchés et, par-ci par-là, des troupeaux.
Peu avant de quitter la petite route de Koshrabad pour emprunter une piste qui se dirige vers le lac Aïdarkul, nous apercevons sur la gauche le vaste camp d'un cheik du Moyen Orient venu chasser la perdrix des sables. On la cuisine pour en faire un bouillon qui aurait un effet aphrodisiaque et serait également recommandé aux personnes dans un état d'épuisement et aux convalescents.
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3 - Au camp de yourtes de Yangi Kazgan

 
Notre minibus nous dispense de faire appel à des 4x4 pour le petit bout de piste qui nous conduit dans le secteur de Yangi Kazgan, à 3 kilomètres du Lac Aïdarkul. Celui-ci (nous n'irons pas jusqu'à ses rives) est un grand lac salé (200 km de long) ou plus exactement  un réservoir artificiel endoréique (dont les eaux s'évaporent ou s'infiltrent avant d'atteindre la mer) dont la superficie est de 4000 km² (le tiers de ce qui reste de la Mer d'Aral et dix fois moins que ce qu'elle était il y a une cinquantaine d'années. Bref, une goutte d'eau).
Mais ici, nous allons davantage parler de sable que d'eau.

Il est près de 17H lorsque nous débarquons dans le camp qui compte une quinzaine de yourtes installées au fond d'une petite cuvette. La grande angoisse métaphysique était de savoir à combien nous logerions par yourte, sachant qu'elles peuvent abriter jusqu'à 8 pensionnaires. Mais comme il n'y a ce soir qu'un autre petit groupe de 6 personnes, il n'y aura pas de problème car à une vingtaine nous sommes loin des 120 qui pourraient séjourner ici à plein capacité du camp. Pour les 13 de notre groupe, nous sommes répartis dans quatre yourtes (3x3 et 1x4). Dans ce camp, nous échapperons au folklore de l'accueil avec le koumis, la boisson fermentée à base de lait de jument...

Trois petits quarts d'heure pour s'installer et, pour ceux qui le veulent, c'est parti pour une petite balade optionnelle (4000 soums) d'une vingtaine de minutes à dos de chameau, pas de dromadaire, puisque le chameau de Bactriane est l'animal emblématique d'Asie centrale.
 Nous dérangeons ces animaux  dans leur sieste et ne nous  privons pas de déblatérer sur eux en considérant leur look improbable. On retour, c'est à force de grognements ou plus exactement de blatèrements, qu'ils se résignent à nous accepter sur leur dos et à daigner se lever avec leur manque de grâce habituel...
Sympa  et confortable, somme toute, que "ce vaisseau du désert" qui me semble moins tanguer  que les dromadaires qu'il m'est arrivé de monter dans d'autres contrées. Ici, on a le confort des deux bosses de graisse qui font airbag...


 

 

DE DRÔLES DE CHAMEAUX..
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Il y a un million d'années, avant la séparation des continents, à l'origine les camélidés vivaient en Amérique du nord d'où ils ont disparu (probablement exterminés pour la consommation de leur chair) mais ils se sont diffusés dans le sud de l'Amérique, avec les diverses espèces de lamas, et, sous forme d'animaux plus corpulents, surtout dans l'Ancien Monde, avec les chameaux d'Asie centrale ou de Bactriane (Camelus bactrianus) et enfin avec les dromadaires (Camelus dromedarius  également appelé chameau d'Arabie qui n'ont qu'une bosse) que l'on trouve de l'Afrique de l'Ouest à l'Asie méridionale. Il semblerait d'ailleurs que le dromadaire descende des espèces bactriennes à deux bosses.
Comme on le voit, ce sont des animaux qui ont eu la faculté de s'adapter à des conditions climatiques extrêmes: haute montagne, déserts chauds aussi bien que froids.


La domestication du chameau de Bactriane ou chameau bactrien ou chameau domestique serait antérieure à 2500 avant J-C. On en évalue le cheptel à 1,4 million de têtes. De son  ancêtre sauvage, le chameau de Tartarie (Camelus ferus), il subsisterait moins de 10 000 individus. Outre son utilité comme animal de bât, le chameau a toujours été élevé pour sa production de laine, de lait et de viande et, accessoirement, source  de combustible par ses excréments.

L'espérance de vie moyenne d'un chameau est de 60 à 70 ans. Un chameau adulte peut mesurer 1,85m et plus à l'épaule et 2,0 m à la base des bosses et peser  plus de 725kg. Les coussinets épais et larges de la plante de ses pieds facilitent sa marche sur le sable des dunes et sur les sols caillouteux. Ces coussinets ainsi que les callosités des articulations de ses pattes, sur lesquelles il s’appuie en position agenouillée, lui permettent de supporter le contact avec le sable très chaud du désert. Les oreilles sont garnies de longs poils protecteurs et les paupières possèdent deux rangées de longs cils qui, lorsque l'œil est fermé, forment une barrière hermétique à la poussière et au sable.  De même, ils sont capables de fermer hermétiquement les narines pour éviter de respirer des grains de sable. Leur fourrure épaisse et laineuse les protège du froid nocturne et de la chaleur du jour.  
Comme les dromadaires, ils sont bien adaptés à la vie dans le désert,  en plein soleil, ils peuvent survivre quinze jours sans eau s’ils sont au repos, se contentant du peu d’eau contenue dans leur nourriture: des dattes, du fourrage et des plantes épineuses comme les acacias qu'ils peuvent manger grâce à une bouche extrêmement dure. En revanche, lorsqu’ils trouvent un point d’eau, ils sont capables d’avaler près de 120 litres en à peine dix minutes !
Leur grand secret de survie, ce sont leurs bosses. Ces réserves de graisse permettent la fabrication d’eau quand les conditions sont difficiles. La graisse est alors dégradée en hydrogène qui forme des molécules d’eau par association avec l’oxygène fourni par la respiration. Au fur et à mesure de son utilisation, les bosses s’affaissent.
 

 
 
 


Après cela, pour finir l'après-midi, de 18H15 à 19H environ, nous nous retrouvons au sommet de la dune qui domine le campement afin d'assister au soleil couchant sur le désert. Silence total si ce n'est une petite brise tandis que l'air se rafraîchit rapidement.
 

19h30-20H15, dîner sous un abri bâché planté à côté des cabanes en dur où dorment les employés du camp , les guides et chauffeurs. Buffet de crudités et salades (une douzaine au choix) puis un copieux ragoût de mouton accompagné de pommes de terre et carottes.
 

Mais il et trop tôt pour dormir et forcément il n'y a pas de TV dans les yourtes (ni même d'électricité). Un feu de camp est rapidement allumé et nous sommes invités à nous asseoir sur des tabourets (en plastique mais recouverts de tissu ouzbek à motifs de "nuages"). Ce feu va donner un peu plus de lumière que la pleine lune qui brille déjà et va nous apporter une autre chaleur que celle de la vodka avec lequel nous allons pouvoir trinquer, sachant que la tradition veut "qu'une bouteille de vodka débouchée doit être vidée dans la foulée". Pourtant un petit coup  suffira à nous désinhiber un  peu et ce sera mieux que de se saouler car cet état est plutôt pitoyable... On se comprend, n'est-ce pas ?

Un chanteur,  visage tourné vers le ciel et yeux clos,  entonne des mélopées qui prennent aux tripes. Il s'accompagne d'un instrument à deux cordes et à caisse de résonance bombée en forme de poire sans ouïes, sans doute dombra ou dotar. Cela se termine par un semblant de "danse de sauvages",  sortie tout droit de notre imagination débridée (mais  quand même pas top alcoolisée).

Chacun essaie de retrouver son chemin puis, une fois couché sur son matelas à même le sol, de bien repérer où l'on pose sa lampe de poche qui pourrait s'avérer utile dans la nuit, même s'il fait grand clair de lune. Un peu de clarté passe à travers le toit, là où le matelassage de feutre (esgui) pris entre les toiles de coton (berdzine) qui forment le toit est insuffisant.
 

Jeudi 11 septembre

 On ne sera pas surpris de la petit fraîcheur qui s'insinue dans le yourtes aux premières lueurs de l'aube. D'ailleurs, il fait tout au plus 10° dehors. Belle illustration du climat (semi) désertique. Les lève-tôt sont dehors dès 6H45 pourtant la plupart ne s'acquittent que d'une toilette de chat... Petite ballade sur la dune pour voir le soleil se lever et observer les traces sur le sable laissées par des animaux pendant la nuit. De là-haut, on voit les employés du camp revenir avec des animaux qu'ils ont pris au piège et qu'ils vont aussitôt dépecer. Ils sont vêtus de leur manteau matelassé (khalat).


A 7H15, vêtus de polaires et malgré tout assez frigorifiés, nous apprécions un petit-déjeuner revigorant.
 

Départ du camp à 7H45. Destination une ville mythique, Samarcande...

 


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