Le nord du YUNNAN  
 


 


BOUDDHISME ET
AUTRES "RELIGIONS CHINOISES"

 

Siddhārtha Gautama qui aurait vécu VIe siècle av. J.-C. est le fondateur du bouddhisme. En se diffusant et sous l'influence des disciples et adeptes ultérieur, la doctrine à évolué.

L'évolution du bouddhisme a donné lieu à trois grandes écoles: l'Hinayana, le Mahayana et enfin le Vajrayana ou Bouddhisme tantrique.

Delphine nous donne une définition imagée des deux principaux courants du Bouddhisme
.
Dans l'Hinayana, le Bouddhisme du Petit Véhicule très présent en Asie du Sud-est mais peu représenté en Chine, les hommes assurent leur salut individuellement. L'image proposée est celle du "petit bateau  que l'on construit" en séjournant au monastère. Les femmes en sont donc exclues sauf si elles épousent des hommes qui ont été moines et qui donc peuvent les "emmener en bateau".
Dans le Mahayana, le Bouddhisme du Grand Véhicule largement présent en Chine (mais aussi en Corée, au Japon et au Vietnam), le salut résulte de la compassion et de la solidarité que permet l'usage d'un "grand bateau" qui peut même transporter des femmes, d'ailleurs "le" Bodhisattva Guanyin n'est-il pas une femme?
 

LE BOUDDHISME LAMAISTE

Nous allons développer davantage au sujet du bouddhisme Vajrayana (yâna "véhicule" et vajra diamant"), "le Véhicule du Diamant", une école  moins connue et moins répandue.
Le tantrisme intégré dans la pratique du bouddhisme lamaïste
consiste en une discipline regroupant un ensemble de techniques visant à canaliser l'énergie du pratiquant afin de lui permettre de progresser plus rapidement sur la voie de l'illumination.
Le but est de devenir un bodhisattva, ce qui signifie "être promis à l'Éveil". Ayant atteint l'éveil, le bodhisattva n'entre pas en nirvāna mais reste dans le samsara, afin d'aider tous les êtres à se libérer de la souffrance, dans une démarche de libération collective.

Un bref historique de cette école:
Vers 750, Padmasambhava, aussi appelé Guru Rimpoche, chercha à unifier la doctrine Vajrayana  et les anciens cultes tibétains bonpos, ce qui donna naissance à une nouvelle forme de bouddhisme: le bouddhisme tibétain ou lamaïsme. Le grand maître du bouddhisme tibétain fonda l'ordre Nyingmapa, "la Lignée des Anciens", et ses moines prirent la robe et la coiffe rouge pour se distinguer des prêtres bonpos.
Pour lutter contre la domination de la religion bon, d'autres ordres virent le jour au cours des siècles suivants, tous désignés par la dénomination de "Bonnets rouges". Parfois on peut trouver mention de "secte" , sans aucun sens  péjoratif, pour désigner un "ordre" lamaïste.
Vers le XVe siècle, le réformateur Tsongkhapa rassembla en un canon unique, les éléments essentiels de tous les enseignements bouddhiques et fonda l'ordre des Gelugpas, "la Lignée des hommes vertueux", dont les moines prirent la coiffe jaune et devinrent dans le langage populaire, les "Bonnets jaunes".
Le guide de ce dernier ordre devint le chef spirituel et temporel du Tibet. Le troisième guide reçut d'un roi mongol, le titre de Dalaï-Lama (du mongol dalaï "océan" et lama "maître insurpassable", parfois traduit par  "Océan de sagesse"), titre qui fut attribué rétroactivement à ses prédécesseurs. Chaque Dalaï-Lama fut dès lors considéré comme la réincarnation de son prédécesseur. Dans la tradition, le Dalaï-Lama est ainsi le dirigeant spirituel et politique du Tibet. Issu également de l'ordre des Bonnets jaunes, l'abbé du monastère de Tashilhunpo, dans la région  de Shigatsé, le Panchen-Lama (du sanskrit pandita "érudit", du tibétain chenpo "grand" et lama) est le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain, juste après le dalaï-lama.
Au XVIIe siècle, le 5e Dalaï-lama Sonam Gyatso (1617-1682) fut le premier des dalaï-lamas à exercer un pouvoir théocratique intervenant dans le domaine temporel, en sus des affaires religieuses. Ce système de gouvernement appelé Gaden Phodrang était admis dans l'ancien système impérial chinois  dans le cadre d'une relation nommée traité de Chö-yon.
Ce traité qui existait avec les Mongols depuis 1247 définissait une répartition des rôles, sans prévalence d’une autorité sur l’autre, s'est poursuivit avec certains empereurs de la dynastie Ming, puis avec la dynastie mandchoue des Qing jusqu'en 1910, date à laquelle les Chinois envahirent le Tibet. Cependant, lors de la Révolution nationaliste puis pendant la Guerre Civile qui ont suivi la fin de l'Empire, le Tibet réussit à conserver une indépendance de fait jusqu'à l'invasion définitive du Tibet par l'Armée de Libération Nationale chinoise en 1950. Le régime communiste ne reconnaît pas le Dalaï-lama qui vit en exil en Inde.
La succession du Xe Panchen-lama en 1995 a été également conflictuelle. Gedhun Choekyi Nyima, né en 1989,  l'enfant reconnu par le Dalaï-lama  comme  XIe Panchen-lama a été emprisonné (il serait libre au Tibet) et le Parti Communiste dans une parodie d'investiture a choisi un autre enfant, Gyancain Norbu, né en 1990, fils d’un membre du Parti Communiste Chinois... Et qu'en sera-t-il le jour où le Dalaï-lama disparaitra?
 

Delphine nous présente les coutumes matrimoniales et patrimoniales tibétaines qui sont encore très particulières, du moins dans les campagnes.
En général, l'aîné(e), fille ou garçon reste  avec ses parents et héritera de leur maison. Il ou elle ne peut donc pas épouser un(e) autre aîné(e) d'une autre famille.
Parfois, si la famille est pauvre, elle peut placer  sa ou ses fille(s) dans une ou l'autre forme d'union polygame
 afin de recevoir une plus grosse dot (4ou 5 yaks au lieu de 3 pour une seule fille): polygynie si  2 soeurs épousent un même garçon ou, à l'opposé, polyandrie si une fille épousent deux frères.  Dans ce dernier cas, la situation est délicate car pendant l'été, le mari part nomadiser avec les troupeaux or il y a deux maris. La solution consiste à ce que l'un des maris part  avec le troupeau une année sur deux, l'autre restant auprès de l'épouse...

Dans un registre plus sombre, Delphine poursuit avec les coutumes funéraires.  Celles-ci sont différenciées selon la qualité des personnes et les circonstance du décès et vont vous sembler particulièrement macabres:
- "Funérailles de la Pagode" avec incinération pour les moines (le bois est rare à ces altitudes).
- "Funérailles du Ciel" (Tiang Zan ou Jhator) pour les gens ordinaires: le corps est découpé en 8 morceaux qui sont enduits de beurre de yak et déposés au sommet d'une montagne pour être dévorés par les vautours et les corbeaux. Les os sont ensuite broyés pour faciliter le travail des charognards. Cette pratique n'est pas très éloignées des  rites funéraires des zoroastriens ou parsis  de Perse, d'Ouzbékistan ou d'Inde avec les "Tours du silence" sur lesquels les cadavres sont (ou étaient) déposés afin que les oiseaux charognards les décharnent. Dans les années 1960 et 197070, les autorités chinoises ont tenté  d'interdite une pratique considérée comme barbare. Cependant, sous la pression populaire, elle est de nouveau autorisée depuis les années 1980.
- "Funérailles de l'Eau" pour les personnes mortes pendant qu'elles font le pèlerinage à Lhassa, également pour les jeunes enfants, les mendiants, les veufs et veuves sans enfant. Le corps est démembré puis jeté dans un fleuve. Ces funérailles sont un peu équivalentes aux précédentes car les poissons sont également des créatures divines.  Cette pratique est maintenant formellement interdite.
- "Funérailles de la Terre" pour  les criminels et les personnes décédées de maladies contagieuses ou d'accident (mauvais karma). Leur âme ira en Enfer.

LE TAOISME

A côté du bouddhisme et souvent en même temps, beaucoup de Chinois sont aussi adeptes de "la religion naturelle", le taôisme, "enseignement de la Voie".*

Ses racines les plus anciennes remontent au VIIe siècle av. J-C avec le Yi Jing, un système de divination. Mais son développement s'est fait du milieu du VIe siècle av. J.-C.au milieu du Ve siècle av. J.-C.et on l'attribue à Lao Tseu, ou Laozi, qui serait un contemporain de Confucius.
Le taôisme s'est donc développé parallèlement à l'avènement du confucianisme et du bouddhisme.
Le taôisme repose sur un fond animiste dans un discours développant une vision du monde   tout en étant centré sur l'individu. Il propose des exercices et un style de vie qui permettent de relier ou d'harmoniser le yin et le yang, la terre et le ciel, c'est-à-dire le visible et l'invisible.
L'astrologue tient compte du calendrier lunaire pour fixer les jours fastes pour des évènements importants: un mariage ou des obsèques ou encore pour construire une maison (la date est importante pour réaliser les fondations ou planter le pilier central).
La médecine traditionnelle chinoise repose sur le taôisme, prenant en compte un système global, basé sur l'harmonie et l'équilibre dynamique des forces naturelles et la circulation de l'énergie (acupuncture).
Même les arts martiaux et l'alimentation répondent aux préceptes du taôisme. Les aliments sont classés selon leur nature Yin Yang (froid, frais, neutre, tiède ou chaud) et selon leur saveur, associée à un des cinq éléments (acide, amer, doux, piquant ou salé). La recherche de l’équilibre impose donc une alimentation variée.

En termes simples (simplistes?), on pourrait presque dire que le taôisme est centré sur l'individu et la notion d'équilibre.
 

LE CONFUCIANIISME

Et le confucianisme dans tout cela ?

Si la Chine est depuis plusieurs milliers d'années régie par un système de pensée complet formé du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme, c'est le confucianisme qui exerce la plus grande influence.
"L'enseignement des lettrés" est l'une des plus grandes écoles philosophiques, morales et politiques. Il repose sur l'œuvre attribuée au philosophe Kongfuzi, "Maître Kong" (551-479 av. J.-C.) contemporain de Lao Tseu et du Bouddha historique.
La finalité de la morale confucéenne est la noblesse spirituelle, dont le concept central est Ren, la bienveillance, qui se base sur Li, la moralité, définissant les règles de vie en société ainsi que l'observation des rites religieux gouvernementaux et familiaux.
Après avoir été confronté aux écoles de pensée concurrentes pendant la Période des Royaumes combattants et violemment combattu sous le règne de Qin Shi Huang, fondateur du premier empire, le confucianisme fut imposé par l'empereur Han Wudi (-156 ~ -87) en tant que doctrine d'État et l'est restée jusqu'à la fondation de la République de Chine (1911).
Cette doctrine qui a imprégné des générations de Chinois n'est plus étudiée directement mais elle reste diffuse au travers de l'enseignement de la morale et de l'instruction civique et par transmission familiale. On peut dire que les Chinois d'aujourd'hui sont "confucéens sans le savoir".

En termes simples (simplistes?), on pourrait presque dire que le confucianisme est centré sur la société et la notion d'harmonie.
 

Delphine nous a raconté une petite historiette à visée morale sur la modestie et le respect dû au maître qui traduit bien les deux philosophies taôiste et confucéenne:
«Il était une fois un parvenu qui désirait que son fils apprenne à compter pour gérer une fortune du nouveau riche qu'il était devenu. Il engagea un précepteur qui commença à lui apprendre la numération avec les sinogrammes:
_ : 1
= : 2
= : 3
A ce stade, le garçon renvoya son précepteur en disant qu'il avait parfaitement compris le système et s'en fut se vanter de son génie auprès de son père. Enthousiaste, celui-ci lui demanda le lendemain matin de numéroter les 1000 cartons d'invitation qu'il projetait d'envoyer à des convives.
Le soir venu, ne revoyant pas son fils, il s'en fut auprès de lui et le vit qui, au milieu de la pile de cartes, les couvrait d'une multitude de traits.
S'il avait eu la modestie de garder son précepteur, il aurait dû s'astreindre à l'apprentissage laborieux de l'écriture des nombres au-delà de 3.
Par exemple
四 pour 4
五 pour 5
...
»

En fait, il ne faut pas voir le taoïsme et le confucianisme comme des modes de penser en opposition car ils sont vécus comme complémentaires, dans une subtile recherche d'équilibre et d'harmonie au niveau individuel et social...

=> Pour des informations générales sur les philosophies et religions en Chine.


 

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Etape précédente: le sud du YUNNAN
 

Mercredi 1er Avril - Départ vers le nord:


1 - D'abord DALI et ses environs

Pour cette boucle dans le nord, changement d'autocar (marque chinoise Higer) encore plus spacieux (41 places) et aussi de chauffeur.
8H30, après une nuit passée à Kunming à la fin de notre petite boucle dans le sud, départ vers le nord, ou plus exactement le nord-ouest...
350km au menu. Pas très drôle...

Nos laissons derrière nous la banlieue de Kunming, le lac Dian, les Monts de l'Ouest et ses autoroutes-ponts au bord desquels des travailleurs attendent leur embauche. Pour notre distraction et notre culture,
Delphine nous montre des billets de très petite valeur que nous n'avons guère de chance de nous faire remettre par les commerçants.  Leur intérêt, c'est qu'ils sont à l'effigie d'ethnies. La plus petite coupure de 1 Jiao vaut 1/10e de Yuan. La seconde de 5 Jiao vaut donc 1/2 Yuan. La plus petite monnaie est une pièce de 5 Fen (soit 0,005¥).

Des grandes zones d'industries chimiques voisinent avec des cultures maraichères et des serres-tunnels.  Puis ce sont des hameaux, des paysages de vallées et de collines dont les terrasses portent des céréales dont le murissement est en cours comme le révèle leur jaunissement. Dans certains endroits, seules les vallées sont cultivées tandis que les collines sont boisées. Petits villages avec parfois une mosquée. Bien sûr, l'infrastructure autoroutière est toujours exceptionnelle bien que sinueuse surtout si l'on considère la maigreur du trafic.
Nous roulons depuis deux heures et Delphine nous fait remarquer que dans la région de Chuxiong (150 000 hab.) où nous sommes maintenant les maisons des Bai et des Yi sont chaulées et ornées de dessins circulaires  ou de diagrammes animistes. A 11H, petite pause d'un quart d'heure dans une aire de service d'où la vue porte sur un temple et une pagode (à 9 toits) construits au sommet d'une colline. Plus nous progressons,  plus les champs de céréales semblent proches de la moisson, avec parfois un dégradé de couleurs allant du vert tendre au blond doré dans un même vallon.  Au bord des champs on peut voir d'étranges grosses fleurs jaunes poussant au sommet d'un tronc bas. Ce sont des Lotus d'Or dits aussi Bananiers des Neiges (ils résistent à -10°) ou Ananas du Yunnan (Musella lasiocarpa). C'est une espèce de bananier semi nain qui ne dépasse pas 1,50 mètre de haut.
 

 


Après la fausse voiture de police, maintenant c'est un faux policier (cela nous rappelle beaucoup l'Ouzbékistan) et, pour faire bonne mesure, au bord de l'autre chaussée, érigée sur un socle de béton, ce n'est pas une compression de César mais une épave de voiture accidentée, un monument pour réfréner la conduite fantaisiste.
Puis vers Nanhua, la déco passe au thème des champignons car la ville est la capitale des... champignons. Autoroute transversale en construction, fausse voiture de police sur l'accotement...

Puis arrive l'un des ratages de notre voyage.
 Nous quittons l'autoroute vers midi et quart pour partir à la quête du village de Yunnanyi.
Ni Delphine, ni le chauffeur n'y sont encore allé. Le réceptif qui les emploie ne leur a donné aucune indication. Les cartes routières à leur disposition sont-elles à ce point déficientes? Pourtant, avec GoogleMap ou avec OpenStreetMap, on arrive à le situer exactement (25° 26'0" N 100° 42'0" E), non loin de Xiangyun qui figure sur la carte touristique que l'on nous a remise au début du voyage... Nous avons bien quitté la G56 pour la G320 qui nous fait traverser une zone de hameaux campagnards et au bout d'une douzaine de kilomètres, nous aurions dû atteindre notre objectif. Nous passons près de tombes Han puis peu après la localité de Laozhangying, nous passons au-dessus de l'autoroute et nous trouvons en surplomb d'une batterie de séchoirs à céréales. Nous restons sur la route G320 et  au bout d'un moment, nous revenons sur nos pas, bredouilles, nous nous bornons à participer avec notre autocar au battage de la moisson étalée sur la route. Nous croisons une voiture transportant des jeunes mariés et, un instant plus tard, des hommes transportant des couronnes funéraires. Delphine n'arrive pas à se faire renseigner correctement par les villageois.
Dommage! Alors que le vieux village que nous cherchions se trouve juste à l'écart, au sud de la route neuve.

 


A défaut de visite, voici quelques informations que l'on peut trouver en fouinant sur le web.
Le village de Yunnanyi  remonterait à la dynastie des Han (200 BC - 220 AD), sous le règne de l'empereur Han Wud qui voulait savoir où les nuages se formaient d'où ce nom qui signifie "la source au sud des nuages" qui se forment sur la montagne Longxinghe. Ce village typique, peu connu des touristes, est un ancien relais des caravanes qui se trouvait au carrefour d'une route rejoignant la Birmanie et de la Route du Thé et des Chevaux entre le Yunnan et le Tibet, les caravaniers musulmans étant relayés par les Tibétains à partir de Lijiang. Il  a conservé ses anciennes rues pavées, ses maisons ornées de lanternes et parfois à triple toit, signe de richesse, et son écurie-relais. En outre son musée est doublement intéressant. Il donne des informations sur cette route caravanière et  différents objets y sont exposés: pipes en bambou, sandales, cloches, mobilier. En outre, une des salles est consacrée aux Tigres Volants, une escadrille d'anciens pilotes américains qui participèrent à la guerre sino-japonaise et à la campagne de Birmanie.


En 1939, les Alliés avaient  établis le la Route de Birmanie qui reliait Yangoon à Kunming, la capitale du Yunnan. C'était la bouée de sauvetage de la Chine. En effet, les Britanniques transportaient des fournitures pour aider le gouvernement de Chiang Kai Tchek dans sa contre-attaque contre le Japon. Mais en 1942, les forces japonaises avaient repris la Birmanie et donc coupé la Route de Birmanie et le lien avec les Britanniques repliés en Inde. Pour les Alliés, il n'y avait d'autre solution que d'établir un pont aérien  de l'Assam, en l'Inde britannique, au Yunnan. Des aérodromes militaires avaient donc été construits dans la province du Yunnan occidental, notamment à Yunnanyi, Tengchong et Baoshan. L'escadrille d'aviateurs américains qui devaient  survoler l'Himalaya pour éviter l'espace aérien birmane contrôlée par le Japon ont été surnommés les "Tigres Volants".

Pour que le ratage de cette journée soit presque complet, Delphine nous fait revenir sur l'autoroute et nous fait déjeuner dans un restoroute sur une aire de service. Immense salle et sale, self-service mais comme il est déjà beaucoup de plats ne sont plus ravitaillés... Trois quarts d'heure suffisent donc!

 

Arrivée à DALI: la ville, ses rues, le musée, l'église...

Nous n'étions plus qu'à 50km environ de Dali où nous arriverons peu après 15H30. Un peu avant, une monumentale bouteille d'alcool  He Qing Gan se dresse au bord de la route avant d'arriver à Xiaguan, les faubourgs modernes au sud du Lac Erhai. Au plus chaud de l ajournée d'aujourd'hui les prévisions donnaient 27° mais la météo doit se dégrader et dès que le ciel se couvre, un vent bien frais se lève. Certes nous sommes sous le tropique du Cancer mais en altitude! Les tenues pelures d'oignons (dont une pelure imperméable) s'imposent ici.

La ville de Dali se trouve  à 1984 mètres d'altitude, sur les rives du lac Erhai, au pied des monts Diancangshan qui culminent à 4120 mètres.  La région bénéficie d’un climat subtropical tempéré. La population (légère majorité chinoise Han et un tiers de Bai) est passé de 500 000 habitants en 1999 à 650 000 en 2010. La ville était jadis ceinte de murailles sur un périmètre de 6km, avec 7,50m. de haut et 6m. d'épaisseur, dont ne subsistent que les portes situées au nord et au sud. La ville de Dali est aussi réputée pour les nombreux marbres qu'elle produit et qui servent soit de matériau de construction soit pour fabriquer des objets d'art. De fait, ces marbres sont si célèbres que le mot marbre se dit littéralement en chinois "pierre de Dali".

La circulation automobile dans la ville ancienne est interdite. Nous allons y pénétrer par la Porte Sud (précisément orientée au sud-sud-est) datant du XVe siècle et restaurée en 1982. C’est un portail chinois percé dans la muraille crénelée, surmonté d’un pavillon à double toiture recourbée. Nous constatons rapidement que le plan de la ville est de type damier.
 

 


Présentation générale et historique de Dali par le Petit Futé:
«Dali est resté le sanctuaire des populations Bai, et les célèbres Trois Pagodes à 1km plus au nord attestent de leur passé glorieux. C’est une "Chine millénaire" qui semble figée dans le passé, les quelques hameaux avoisinants semblent sortir tout droit du Moyen Age. Entre la ville et le lac s’étendent les rizières où on laboure toujours à l’aide de buffles et où canards et oies pataugent dans les mares. La ville elle-même, bien ramassée à l’intérieur de ses murailles (qui l’entourent toujours sur trois côtés), se visite facilement à pied. Comme toutes les vieilles villes fortifiées, Dali est divisée par des rues qui se coupent à angle droit, et dont les principales sont la Fuxing Lu (qui va de la porte sud à la porte nord) et la Huguo Lu (la rue des cafés). Il faut juste une petite demi-heure pour aller de la porte sud à la porte nord à pied. Il n’y a pratiquement pas de constructions modernes, seulement de vieilles maisons basses avec des fenêtres à petits carreaux et des galeries en bois couvertes au premier étage (avec un vague air tibétain mâtiné d’isba russe) ou en pisé blanchi à la chaux avec un motif noir et blanc peint sur le faîtage sous le toit cornu à la chinoise. Dans la partie sud, vers les rizières, quelques anciennes maisons de maître sont regroupées autour d’une cour carrée et enfermées derrière de hauts murs protecteurs percés d’un portail (sur la Xinmin Lu). Partout dans la ville, on entend les grelots des clochettes des petits chevaux qui trottinent en tirant de grosses charges ou des charrettes transformées en sièges pour touristes. Des motoculteurs transportant des choux dans leur remorque et crachant des fumées noirâtres passent sans cesse dans les petites rues, même en centre-ville. L’air cristallin et pur de ces montagnes serait si merveilleux, sans cela... Dali est peuplée d’une vingtaine de minorités ethniques. Outre les Bai, qui constituent la communauté la plus fournie, on recense aussi des Yi, Hui, Lisu, Naxi et Tibétains.  Dans les rues, on voit encore de nombreuses vieilles femmes en costume traditionnel Bai bleu et noir, mais aussi de jeunes Yi habillées en blanc, rose et rouge, des femmes au visage tanné descendues des montagnes environnantes avec de superbes corsages rouges et verts, brodés et serrés dans de multiples ceintures en tissu retenant de petits tabliers superposés sur leur pantalon. Sur le dos, elles portent soit une hotte en bambou, soit leur bambin dans de superbes porte-bébés très ouvragés.
Les premiers Bai se sont établis dans les régions du lac Erhai depuis 3000 ans. L’actuelle petite ville de Dali fut jadis la capitale du puissant royaume de
Nanzhao, fondé au VIIIe siècle. Il fut suivi du royaume de Dali qui perdura de 938 à 1254. Au déclin de la dynastie Song du Nord et du Sud (960-1279), des hordes barbares composées de Tartares et de Mongols déferlèrent sur la Chine. Gengis Khan mit à sac Pékin en 1215. Les Mongols conquirent le Nord en 1234, puis envahirent la Chine du Sud et le Yunnan, les derniers refuges des Song. Ils imposèrent aussi leur suzeraineté au Tibet. En 1279, le petit-fils de Gengis Khan, Kubilay Khan, fonda la dynastie Yuan (1279-1368) et prit pour capitale Pékin. C’est également l’époque des voyages de Marco Polo en Chine (1271-1295). Le royaume de Dali, défait par l’avancée des Mongols, éclata en une multitude de petits groupes ethniques. »
[...]
Dali a également été le centre de la révolte du sultan Du Wenxiu contre la dynastie Qing. Cette révolte, connue en chinois sous le nom de Du Wenxiu Qiyi, a duré de 1856 à 1873.  
[...]
Ces  "minorités nationales", comme on les appelle aujourd’hui, furent particulièrement brimées lors de la Révolution culturelle dans les années 1960. Le développement touristique pose aujourd’hui la question de la préservation de ces cultures ancestrales, mais largement menacées.
[...]
«Dali a l’honneur de figurer parmi les plus belles villes médiévales de Chine. Visiter la cité fortifiée fait partie des incontournables pour les touristes chinois depuis des années. Profitant de quelques jours de congés, certains n’hésitent pas à traverser tout le pays pour rester même 48 heures au coeur des remparts de Dali. En réalité, avec le développement soutenu du tourisme domestique, la ville de Dali a de plus en plus la fâcheuse tendance à se transformer en sorte de parc d’attractions. A l’image de Lijiang, les ruelles de la ville sont prises d’assaut à toute heure de la journée par des hordes de touristes bruyants qui s’entassent dans les boutiques de souvenirs. La rue principale, charmante au demeurant, n’est guère plus qu’une longue galerie commerçante où échoppes et restaurants se succèdent les uns après les autres. Même si la ville est jolie et mérite d’être vue, elle risque cependant de faire rapidement fuir les visiteurs en quête de sérénité et d’authenticité. Après une rapide découverte, nous vous conseillons de sortir de la vieille Dali et de visiter les environs du lac Erhai, qui ne manqueront pas de vous surprendre par leur incroyable beauté. Enfin, si elle ne présente aucun intérêt particulier, Xiaguan, la ville moderne autour des gares ferroviaire et routière traitée dans ces pages, est étonnement agréable et très propre (pour une ville chinoise de cette taille), et témoigne des dividendes de l’activité liée au tourisme.»


Nous sommes immergés dans une cohue de touriste chinois dans la rue Fuxing bordées d'échoppes à souvenirs qui se sont installées dans les anciennes maisons. Le tourisme a fait la fortune de leurs propriétaires qui vivent en dehors dans des maisons confortables grâce aux rentes qu'ils perçoivent en échange de la location aux commerçants.
Bientôt nous arrivons à la Tour Wuhua, le monument central de la vieille ville.

Nous arrivons bientôt devant un monument commémoratif de la guerre avec un soldat tout doré avant d'entrer au Musée Bai installé dans l'ancienne résidence du sultan Du Wenxiu et présentant de nombreux bronzes du royaume de Dali, datant de l'époque des Song. Nous jouons de malchance, il y a des jours comme cela. En effet, la salle principale est fermée non pas à cause de l'heure (il est 16H15) mais pour travaux. Nous profiterons du jardin qui abrite une belle forêt de stèles et quelques vieilles pierres tombales.

Nous revenons sur nos pas par la rue Fuxing et croisant les écoliers en uniformes qui rentrent chez eux et aussi des femmes en costume traditionnel bleu et portant une hotte de bambou sur le dos. Nous passons le carrefour avec la rue Huguo surnommée rue des Etrangers (Yangren Jie) depuis l'afflux des routards dans la ville. Tandis que sur la rue Fuxing nous avons en perspective la Tour Wuhua, à son intersection avec le carrefour avec la rue Renmin (rue du Peuple), nous tournons à gauche (direction est).
 

 

Le temps se fait très menaçant et nous perdons Chantal allée acheter un parapluie car nous avons tourné rapidement dans une ruelle sur la droite pour aller visiter l'église catholique. Dans la ruelle, on aperçoit un peu plus loin dans la ruelle l'entrée d'un collège catholique. Personne ne reste au carrefour pour l'orienter et le panonceau signalant l'église est peu visible. L’église construite en 1927 témoigne du passé colonial de la ville en mêlant les styles architecturaux avec une apparence extérieure. Ce sont d’anciens missionnaires français qui ont érigé le bâtiment si l'on excepte  une croix qui la surmonte. Ce sont d’anciens missionnaires français qui ont érigé le bâtiment. L'intérieur de l'édifice tout peint en bleu est très sobre. Quatre religieuses sont en prière. Un coup d'oeil au Missel, tout en chinois, avec comme il se droit l'écriture en colonne de haut en bas et de droite à gauche et donc un livre qui se lit "en commençant par la fin" en se basant sur nos critères! Le presbytère et le logement des religieuses se trouvent tout à côté de l'église.


La journée se termine par l'installation à notre hôtel 4* Lan Lin Ge au nom plus connu des touristes, de Landscape. C'est un établissement assez joli et surtout bien situé, au coeur de la vieille ville. Accueil en musique au son d'un instrument traditionnel, zheng  ou guzheng, de la famille des cithares, dont joue une jeune femme en costume de fête Bai. Les jeunes femmes de la réception portent le même costume tandis qu'un peu plus loin, un buste de Mao est érigé en bonne place. L'hôtel se trouve au coeur d'un îlot entre les rues Yu'er (entrée principale et parking privé un peu plus loin) et Huguo, par lesquelles on peut y accéder. La partie de l'hôtel où nous logeons se trouve plutôt du coté Huguo, proche d'une grande salle de restaurant. Des fillettes, sans doute celles d'employés de l'hôtel font leur devoir de mathématiques à l'abri de la galerie conduisant à nos chambres. Un coup d'oeil sur les cahiers... 20/20!

La critique du Petit Futé à propos de cet hôtel est particulièrement élogieuse:
«Sans doute le plus bel hôtel de la vieille ville de Dali. Idéalement situé en plein centre mais donnant sur une rue calme, ce complexe de plusieurs bâtiments qui appartient à un propriétaire local est décoré avec goût. Prestations et confort excellents. Bon restaurant, café, bibliothèque (très réussie), espaces extérieurs : l’endroit idéal où se reposer quelques jours. Les prix sont très corrects pour le standing

En attendant le dîner, nous faisons un tour en ville en profitant du fait que l'affluence a diminué, ce qui va de pair avec la fermeture de nombreuses échoppes. Nous remontons la rue Huguo, autrement appelée rue des Etrangers en passant sous les arches pareillement nommées avant de continuer l'exploration de cette rue et des rues Renmin et Fuxing. Certaines activités continuent encore comme les batteurs de "nougatine" (farine d'orge, cacahuètes et sésame). Exploration que nous poursuivrons le lendemain matin, avant le départ des visites, et le soir, au retour.

Après avoir laissé percevoir une critique sur le restaurant de l'hôtel Landscape , Delphine finit pourtant par nous y installer après avoir  renoncé à nos emmener dîner en ville. Grande salle d'assez belle apparence pour groupes de touristes et pourtant au milieu du repas, certains ont la désagréable surprise de voir trois rats dodus aller se réfugier sous l'une des nombreuses tables inoccupées dont les nappes tombent jusqu'au sol... Et c'est un hôtel classé "luxe" mais ce genre de scène a échappé aux testeurs du Petit Futé!
 


Jeudi 2 Avril - aux environs de DALI

Départ en autocar dès 8H car de nombreuses visites sont au programme. Le temps est annoncé comme devant être changeant.

Village de XIZHOU: le marché et la Résidence du Clan Yan

Xizhou se trouve à une quinzaine de kilomètres de Dali. Dans cette bourgade de 30 000 habitants principalement de l'ethnie Bai, on a peine à imaginer que ce fut la capitale impériale du puissant royaume de Nanzhao. De son prestigieux  passé, elle a conservé  une riche architecture, jusqu’à présent bien préservée. Les étroites rues pavées sont bordées de maisons anciennes en bois, aux murs extérieurs blancs et aux portes imposantes notamment sur la rue principale, dans laquelle se tient le marché. 200  maisons privées cotées datent de la dynastie des Qing. Cette petite ville a  servi de refuge à de nombreux intellectuels chinois lors de l’invasion japonaise.

 


Nous commençons par faire un tour dans le marché de Xizhou. Un marché vivant où l'on trouve des produits alimentaires bruts, de la viande, des thés, du vin de rose, de petits pains de sucre brun, des articles ménagers (balais)... mais où l'on peut manger sur le pouce, des galettes garnies au choix en salé ou en sucré. Les femmes Bai y circulent avec leur hotte. On peut aussi y voir de grandes jarres contenant du "vin de roses". Les vins de fruits sont les boissons alcoolisées fermentées faites à partir de fruits ou de végétaux autres que des raisins comme les pétales de roses, ici au Yunnan. Il faut préciser que les roses sont originaires de Chine et elles sont arrivées en Occident par la Perse et par les échanges avec les Arabes.
Moins gai et néanmoins coloré, on peut voir des boutiques faisant le commerce d'articles funéraires: couronnes, cercueils.

Sous la conduite de Delphine, nous gagnons un quartier plus calme où nous rencontrons des jeunes très décontractés qui ont cour de dessin sur le thème de l'architecture traditionnelle se sont ici  pour croquer le portail d'entrée d'une vieille demeure.  Il s'agit de l'atelier de broderie sur soie Linden Center (autrefois Yang Pinxiang).  Au XIXe s. un fils de la riche famille Yan (dont nous allons perler plus loin) qui prospérait dans le commerce du thé avait épousé une fille de ces brodeurs. La maison est bien modeste par rapport à la résidence des Yan que nous visiterons plus tard. Ici, on peut voir de curieux panneaux peints il y a un siècle représentant les chemins de fer, un aéroplane ou une usine d'où s'échappe un panache de fumée.

Le travail de broderie sur soie auquel se livrent de jeunes femmes penchées sur leur ouvrage laisse toujours admiratif.  Et que dire des extraordinaires broderies double face. On croirait vraiment voir des tableaux peints tant les point sont d'une grande finesse.
Ce qui en explique le prix: 400 Yuans pour un tout petit tableau simple face, 550 s'il est encadré...

De retour sur la place centrale où débute le marché, on peut voir un portail imposant qui est celui de la maison du Clan ou de la Famille Yan construite autour des années 1920. Nous allons consacrer trois petits quarts d'heure à sa visite.

Le Petit Futé résume bien cette visite en ces termes: 
«Cette grande bâtisse traditionnelle est composée d’une enfilade de quatre cours richement décorées et ornées de bois sculptés. De la dernière cour, prenez le passage au fond à gauche pour atteindre le "bâtiment occidental". Construit en 1936, il est un hommage du fils Yan à l’architecture européenne qu’il avait découverte à Shanghai. La terrasse au dernier étage de ce bâtiment offre une belle vue sur les toits de Xizhou, le lac Erhai et les monts Cang.[...].»

En parcourant les différentes cours disposées sur une superficie d'un peu plus de 3000 mètres carrés (0,76 acres), les pièces du bas ou de l'étage, on découvre toujours quelque chose ou bien l'on voit les cours sous de nouveaux angles. Chacune des cours est entourée de quatre maisons avec quatre petites pièces construites entre chacune des maisons. Ce style architectural unique est appelé "wutianjing Sihe".
Au début du parcours,  la statue d'un petit cheval sellé portant des sacoches de cuir rappelle que c'était ainsi que de caravanes transportaient le thé vers le Tibet.

 


En entrant, les yeux tomberont sur la maison principale avec son mur d'écran et deux ailes. Selon la tradition de l'architecture de style Bai, le mur de l'écran doit faire face à l'est afin de réfléchir la lumière du soleil dans les pièces intérieures tôt le matin. En outre, le mur de l'écran, orné de peintures et de calligraphie élaborée, est considéré comme un talisman qui donne la chance.
La maison de style occidental que l'on peut voir en fin de parcours est celle qu'un fils du clan a fait bâtir pour son épouse occidentale mais pour l'isoler du monde, un mur écran plus haut que de coutume masque la vue depuis les fenêtres orientées à l'est.
On n'aura pas le temps d'y voir la cérémonie du thé, Sandaocha. Selon la tradition  régionale on y goûte trois saveurs de thé. On commence par présenter un thé amer pour la jeunesse qui va affronter les difficultés dans la vie. Ensuite, un thé sucré au sésame et aux noix qui symbolise le bonheur de la vie adulte. Enfin, un thé amer, sucré, épicé qui symbolique la vieillesse et fait  réfléchir vie.

Il est 11H45 et des cochers avec leur carriole nous attendent sur la place



Village de SHACUN: la pêche au cormoran sur le Lac Erhai

Au trot, en un quart d'heure, les petits chevaux nous conduisent en carriole à l'embarcadère sur le rivage du Lac Erhai distant de 3km, du côté du village de Shacun. C'est une jolie promenade pendant laquelle nous croisons de jeunes mariés (mariée en robe blanche), nous repassons devant l'atelier Linden Center puis les derniers faubourgs cèdent la place aux champs.

Nous arrivons à l'embarcadère où nous sommes accueillis en musique par de jeunes Bai en costumes de fête.
Delphine
nous décrit la coiffe traditionnelle des femmes Bai de la région de Dali  qui symbolise les quatre beautés de la Nature (le vent, la fleur, la neige et la lune), une coiffe  poétiquement nommée "fleur dans le vent et lune de nuit neigeuse". Elles le nouent en forme de croissant. La partie supérieure est blanche comme la neige, la partie avant est  ornée de broderies dont les motifs représentent des fleurs et le reflet de la lune dans le lac. L’extrémité du foulard tombe sur les épaules sous forme d'une queue blanche se balançant  au gré du vent. Lorsque les femmes sont mariées, cette queue est coupée au niveau du cou.
Quant à nous, munis de gilets de sauvetage et sous un ciel très menaçant, nous embarquons pour une petite croisière sur le Lac Erhai, magnifique plan d'eau de 250km² situé  dans la vallée de Dali, au pied des monts Cangshan (4092 mètres d'altitude) perdus dans les nuages gris sombre. Ce lac est le deuxième plus grand lac du Yunnan après le lac Dian de Kunming (300km²).

Nous sommes répartis sur deux barques emmenant dix passagers et une rameuse pour la nôtre, un rameur pour l'autre. Bientôt un bateau de pêcheur vient se placer parallèlement à nous. Sur les bords de sa barque, une bonne douzaine de cormorans sont prêts pour la démonstration de pêche aux cormorans, une technique de pêche qui se pratique sur le lac Erhai dans la région de Dali depuis plus de 1000 ans. Seuls six pêcheurs du village sont autorisés à pratiquer cette pêche tout au long de l'année, les autres ne pouvant la pratiquer que durant six mois.

Les pêcheurs lancent bientôt les oiseaux qui ont vite fait de plonger. Certains ont pris de gros poissons et en s'aidant d'une épuisette les pêcheurs récupèrent ces bons éléments qui tiennent toujours leur proie mais ne peuvent pas la gober car une cordelette passée autour de leur cou les empêchent  de déglutir. Les  pêcheurs récupèrent les prises et récompensent l'oiseau. Puis les cormorans prennent leur posture bien connue, ailes déployées afin de sécher leur plumage qui n'est pas imperméable. Nous pourrions tenter de faire la même chose car une partie de la démonstration s'est déroulée sous la pluie. 


 


Celle-ci cesse mais un vent bien frais persiste sur le lac. Pour se réchauffer, c'est donc une bonne raison de répondre à l'invitation de notre rameuse afin de l'aider en utilisant les rames que l'on trouve près de nous, ce qui nous permet de remonter sur l'autre bateau qui nous précédait et de le dépasser.... 
Nous nous dirigeons vers un bateau-scène où un musicien et une chanteuse en costumes bai nous gratifie de quelques airs.
Nous sommes de retour à l'embarcadère à 13H.

Chemin inverse avec nos carrioles pour revenir au centre de Xizhou afin de déjeuner "chez l'habitant" sur la grande place, dans un tout petit restaurant ne disposant pas de toilettes. Bien avec, outre le riz,  seulement 8 plats dont des  babas ("galettes joyeuses)", des galettes fourrées à la viande et des galettes sucrées fourrée à la rose et aux haricots rouges. Tout cela arrosé d'un vin de roses meiguilujiu ("la rosée de la rose"). Curieux...
 


Village de ZHOUCHENG: artisanat de batik

C'est en autocar que nous nous rendons au village de Zhoucheng,  un endroit encore épargné par le tourisme de masse. Zhoucheng se situe au-delà de  Xizhou (à environ 8 km et donc à 23 km au nord de Dali). Avec quelques 11 000 habitants (90% de Bai), c'est l’un des plus importants villages Bai de la région.

Le Petit Futé le décrit ainsi:
«Gardée par deux banians centenaires, la place principale possède un vieux décor de théâtre traditionnel, où se tiennent quelques représentations en plein air. Chaque jour, elle se remplit d’étals de fruits et légumes, de viandes et d’artisanat local. Vous serez surpris de découvrir le stand d’un dentiste qui s’occupe de vous soigner les dents au milieu des poules et des cochons. Remontez dans le village vers la porte du temple de Longuan et vous verrez sur cette seconde place, se retrouver tous les vieux du village qui discutent tranquillement en attendant que le barbier s’occupe d’eux. Ce dernier installe en fin de matinée sa chaise en bois et s’occupe de coiffer et tondre les habitants du quartier. Les amateurs de batik pourront visiter quelques fabriques disséminées un peu partout dans le village. Attention, on essayera bien évidemment de vous faire partir avec de nombreux achats, donc n’oubliez pas de négocier !»

Pour notre part, en ce milieu d'après-midi, Delphine a choisi de nous conduire dans une famille qui se livre à l'artisanat du batik. Nous allons y passer une bonne demi-heure.  Nous passons près de tombes Han dans un terrain voisin de l'autoroute puis devant un champ où un groupe de paysans est afféré à la récolte de l'ail.

Pour les touristes, le souvenir typique de Dali c'est  le batik, de grandes étoles teintées en bleu sur tissu blanc.. Cette technique est répandue dans toute l’Asie du Sud-Est et même en Asie du sud (Ceylan) mais elle diffère par ses variantes pratiques.
Ici on n'emploie pas la cire pour masquer les parties qui ne doivent pas prendre la teinture. Les motifs sont reportés sur une toile de coton grâce à une feuille de plastique perforée. Comme une grand-mère septuagénaire le fait à longueur de journée dans un coin de la cour, la toile est ensuite cousue très serrée en fonction des motifs que l'on voudra préserver en couleur claire. Après cela, ce bouchon de tissu apparemment informe est plongé dans un bain de teinture d'indigo obtenue à partir des feuilles de l'indigotier  (Indigofera tinctoria), un arbuste des régions chaudes de la famille des Fabacées dont le nom fait référence à l'Inde. Après rinçage,  dénouage et séchage, le tissu révèle ses jolis motifs aux contours naturellement un peu flous.


 


Les feuilles d'indigotier contiennent seulement environ petite quantité du colorant (environ 2-4%). Un grand nombre de plantes sont donc nécessaires pour produire une quantité significative de colorant. Comme dans cet atelier artisanal, e procédé traditionnel pour l'obtention du colorant passe par diverses étapes: fermentation et hydrolyse, puis oxydation. La demande de l'indigo a considérablement augmenté au cours de la Révolution Industrielle, en partie en raison de la popularité de bleu jeans Levi Strauss et facilité par la mise au point d'un procédé industriel de fabrication de l'indigo synthétique dit bleu d'indanthrone découvert par Bayer en 1880 et commercialisé après 1900 par sa firme BASF.

La technique du batik de Dali décrite par le Petit Futé semble quelque peu différer (toile de coton et feuille de plastique sont cousues ensemble):
«A Dali, dans l’une de ses nombreuses fabriques, les femmes prennent une toile de coton, puis elles cousent sur celle-ci une toile en plastique qu’elles ont au préalable perforée afin que l’encre passe et laisse des motifs. Une fois les deux toiles cousues, le tissu est trempé dans un bain indigo. Le bain indigo est un colorant naturel obtenu grâce aux feuilles de l’indigotier, un arbre que l’on trouve dans les régions chaudes. Issu de la famille des fabacées, son nom provient du grec indikon qui signifie  "de l’Inde". Cultivé depuis des millénaires, lorsqu’il fut découvert par les Européens, il fut très vite importé pour colorer des jeans par exemple. L’arbre n’excède guère les 2 m de haut. Afin d’obtenir le bain indigo, il faut au préalable laisser tremper les feuilles d’indigotier et attendre que le tout fermente. Une fois la toile bien imprégnée de la teinture, elle est tendue sur un fil afin de sécher. On retire délicatement la toile en plastique et le batik si réputé de Dali apparaît ! Vous aurez le choix entre différents motifs. Certains vendeurs proposent également des batiks d’autres couleurs, mais le bleu indigo simple est celui typique de la région.
[...]
Les touristes se les arrachent ; attention, car certains vendeurs annoncent des prix exorbitants. N’hésitez pas à diviser le prix par deux, voire trois ! »



Chongsheng Si ("le Temple de l'Admiration") et Santa si ("les Trois Pagodes")

A environ 20 kilomètres au sud de Zhoucheng, en revenant vers Dali, depuis l'autoroute, malgré le temps maussade, l'attention est captée par les trois pagodes qui émergent au pied de la montagne Cang Shan dont les 19 sommets sont perdus dans de nuages sombres.

Ces pagodes symbolisent la ville et témoignent de l'art séculaire du travail du marbre blanc, couleur qui représente aussi les Bai (bai signifie "blanc"). Elles ont été bâties lorsque les souverains du Nanzhao adoptèrent le bouddhisme du Grand Véhicule (Mahayana). Outre le marbre des sculptures, la structure utilise la brique recouverte d'un enduit blanc.  Elles comptent parmi les plus anciens édifices du sud-ouest de la Chine.
Qian Xun Ta, la plus haute pagode (70 m. ou 79 m.), à section carrée, avec 16 toits et la plus ancienne (IXe s.) est un bel exemple de style Tang et rappelle l’art des maîtres constructeurs de la grande pagode de l’Oie sauvage de Xi’an qui lui est antérieure d'un siècle. Les deux autres, de part et d'autre de la grande, sont moins hautes (42 m.)  à section octogonale, avec 10 niveaux et ont été construite au siècle suivant. La pagode la plus  au sud penche vers le nord depuis le tremblement de terre de 1997.
Contrairement à de nombreux autres sites religieux d'Asie (Vietnam, Japon, Bali), elles se distinguent par leur nombre pair d'étages. Pour les croyants de la religion bouddhiste dans le monde chinois, les pagodes sont des tours de plusieurs étages circulaires, octogonales ou carrées, caractérisées par leur  toit évasé ou en épi transposant les  stûpa ou zedi du monde indien.


 
 


Voici ce qu'en dit le Petit Futé:
«Les Trois Pagodes de Dali, les plus anciennes structures du Yunnan, ayant résisté à plusieurs tremblements de terre, sont la preuve tangible d’une brillante civilisation perdue. Ces trois tours à l’étrange architecture, qui semble plus hindoue que chinoise, sont reconnaissables de loin. Les Trois Pagodes ont été érigées sur l’emplacement de l’ancien temple Chongsheng, qui était le temple des familles royales durant la période du royaume de Nanzhao et du royaume de Dali. La construction de la pagode principale – la pagode des Mille Eveils – fut entreprise en 836, durant la période Fengyou du royaume de Nanzhao, pour se terminer quarante ans plus tard. A l’époque, elle comportait 11 400 statues en bronze du Bouddha. La pagode principale se présente comme une tour de 16 étages de 69m. de haut. Son plan carré est caractéristique du style de la dynastie des Tang, lors de laquelle le bouddhisme venu d’Inde était à son apogée. Au milieu de la façade de chaque étage s’ouvre une niche où est installée une statue de bouddha en marbre blanc. Pendant la période du royaume de Dali, deux autres pagodes de dix étages furent construites, l’une légèrement au nord de la principale, et l’autre au sud, afin de former les trois points d’un triangle. Ces deux dernières pagodes mesurent toutes deux 42m. de haut. Chaque étage est sculpté de niches, de bouddhas et de fleurs de lotus. Au moment des travaux de restauration effectués en 1978-1980, près de 700 reliques furent trouvées sous les pagodes et à l’intérieur des sommets.»

Une voiturette électrique nous permet d'arriver facilement au pavillon le plus haut de la série de temples construits dans le joli parc, un parcours de plus de 2km mais montant avec des séries de marches (356) pour les fidèles ou les touristes courageux. Evidemment, avec cette façon de faire, il sera moins difficile pour nous de les descendre même si l'on ne suit pas du tout la progression logique des fidèles.

Une frustration: en principe les photos sont interdites à l'intérieur des temples. Pour ma part, je considère qu'il est possible de ne pas trop nuire à son karma en n'utilisant pas le flash et/ou en ne faisant des photos qu'en l'absence de fidèles.

Dans la partie haute, le Bouddha Gautama, "le parfait" est à l'honneur, entouré de disciples devenus bodhisattvas. Plus bas, on rencontre le Bouddha aux Mille Bras, Guanyin, la seule représentation féminine vénérée dans le Bouddhisme. C'est un bodhisattva, c'est-à-dire qu'elle a obtenu l'éveil mais elle n'a  pas voulu  accéder au rang de bouddha afin de faire bénéficier de son enseignement les hommes. En Chine, même les taôistes la considèrent comme la déesse de la miséricorde. En bas, les fidèles sont accueillis par le jovial Maitreya , "le bouddha du futur" que les Chinois nomme Milefo ou Bouddha de Mile. Tant le bouddhisme  Mahāyāna que le Hīnayāna le considèrent comme le prochain bouddha. Les gardiens célestes ont aussi une bonne place à ce niveau.

Les Gardiens Célestes, selon la croyance bouddhiste influencée par l'Hindouisme où ils portent le nom de Lokapalas, veillent sur les quatre points cardinaux du monde et protègent la Loi bouddhiste. Ils habitent le mythique mont Meru aux portes du paradis d'Indra, le protecteur du bouddhisme. Les Gardiens célestes sont les acolytes d’Avalokiteshvara ici connu comme Guanyin dont on vient de parler. À l'origine, les gardiens étaient considérés bienveillants, mais au fil du temps ils ont été représentés en guerriers menaçants  vêtus d'une armure et d'un heaume ou d'une couronne. Ils ont participé à la naissance de Bouddha Gautama et soulevé les sabots de son cheval pour qu'il puisse quitter sans bruit le palais de son père à son départ pour le monde extérieur.
Le chef des Gardiens Célestes, Vaisravana, veille sur le nord et l'hiver. Son nom signifie "Celui qui sait". Il est le seigneur des Yakshas, des êtres divins qui protègent et servent leur souverain. Le Gardien du sud, Virudhaka, "Le puissant", combat l'ignorance et protège l'étincelle de bonté qui brille au coeur des hommes et gouverne l'été. Au Tibet, il est souvent représenté avec un heaume en forme de tête d'éléphant. Le Gardien de l'est, Dhritarashtra,  " Celui qui maintient le royaume de la Loi", règne sur le printemps et préserve l'Etat. Enfin, le Gardien de l'ouest, Virupaksha, "Celui qui voit tout", généralement représenté vêtu d'une armure et debout sur un rocher ou un tas de démons, règne sur l'automne.


Après cela petite grimpette pour avoir une vue sur vue surplombant les pagodes et pour finir, un petit tour au Juying Chi (étang de réflexion), l'étang à la surface duquel se reflète l'image des Trois Pagodes.
 

 




Retour à l'hôtel Landscape à Dali.

Très bon dîner au Kai Yi’s Kitchen, un restaurant sur Huguo Lù,   Rue des Etrangers, près du carrefour avec la Fuxing Lù et tout près de notre hôtel Landscape. On nous y servira entre autres des rouleaux de printemps. En revanche, les tables rectangulaires, et donc sans plateaux tournants,  montrent tout à fait leur inadaptation au service des multiples mets chinois.

 



2 - LIJIANG et ses environs

Vendredi 3 Avril -  trajet de DALI à LIJIANG

Départ en autocar dès 8H15 car la route sera longue jusqu'à LIJIANG, avec un détour non négligeable par la montagne de Shibao. Le temps devrait être convenable.
Cap au nord par l'autoroute. Sans déplaisir, nous repassons près des Trois Pagodes une nouvelle fois.

Plus loin, c'est l'hôpital de Dali. Ici les hôpitaux se distinguent des nôtres par une croix blanche sur fond rouge! A l'ouest, sur  notre gauche la vue est bouchée par la chaîne de montagnes aux crêtes perdues dans les nuages mais elles nous offrent un magnifique arc-en-ciel. Au bout d'une heure de route, nous sommes à hauteur du lac Zibi. Peu à peu le ciel se dégage sur les montagnes qui se font plus arides et plus rougeâtres, avec de rares terrasse, et laissant le verts aux cultures sur la plaine de fond de vallée.

Les grottes bouddhiques du Shibao Shan, la Montagne du Trésor de Pierre

Vers 10H20, nous quittons l'autoroute à Niujiexiang pour partir vers les montagnes de l'ouest par une route parfois sinueuse, pentue et escarpée. Près de 40 minutes de trajet avant d'arriver à la zone d'accueil du site de ShibaoShan. La terre brune des terres travaillée récemment semble fertile autour des hameaux où nous passons. La route prend tout à fait un air de route de montagne ce qui rend délicat le dépassement du poids lourd qui nous précède.
Arrivés à l'aire d'accueil,  nous pouvoir voir deux norias et un rocher sculpté de ce qui semble être des scènes de chasse et/ou de danse (par l'ethnie Bai?). Nous devons laisser notre autocar (depuis cette année, ces véhicules ne sont plus autorisés à circuler sur la route au-delà) pour emprunter des minibus navettes tout neufs et pas encore immatriculés.  C'est encore environ 20 minutes de trajet par une route encore plus difficile d'où nous apercevons bientôt le temple suspendu du Shibao Shan, la Montagne du Trésor de Pierre, située dans la région de Jiangchuan, vers les 2600 mètres d'altitude
.

 

Nous commençons en descente par un sentier et des marches dallées, un peu de trajet plat puis une remontée et c'est l'arrivée aux grottes creusées dans une sorte de grès rouge-brun où il fait frais (14°). La montagne est parsemée de grottes et rochers dans lesquels les Bai ont gravé de somptueuses et nombreuses sculptures qui pour certaines ont 1300 ans.  Les plus anciennes, d’époque Tang, illustrent la pénétration du bouddhisme mahayana du Tibet en royaume Nanzhao. Certaines représentent les rois de la période historique du royaume  Nanzhao (scènes de vie, comme dans la grotte n°1 et n°2 montrant les coutumes à la cours du roi) ainsi que des Bouddhas et autres représentation bouddhistes (moines, les huit "Rois Célestes" de la grotte N°6  où l’on peut observer les influences tibéto-indiennes ou encore la bodhisattva Guanyin de la grotte N°7). Sur certaines statues, on  peut voir des traces de couleurs. Delphine nous précise que certaines statues ont été endommagées par les Gardes Rouges lors de la Révolution Culturelle (1966-1969). Sans oublier en fin de parcours,  la grotte N°8 avec une sculpture unique au monde représentant un sexe féminin, auquel la population rend un culte de la fécondité et de la fertilité.
Delphine évoque une coutume particulière des Bai. A la fin de l'année (selon le calendrier lunaire), alors que la tradition est que les mariages soient arrangés par les parents, une journée de fête permet à d'anciens amoureux de se retrouver "en tout bien tout honneur". Sauf si une femme n'arrive pas à avoir d'enfant avec son mari, alors, malgré la règle de la monogamie, elle peut faire appel à son ancien amoureux qui devient amant d'un jour pour suppléer à la déficience de l'époux.

De nombreux autres parcours s'offrent aux vrais randonneurs comme le temple Baoxiang  que nous n'irons pas voir. Il date de la dynastie Yuan et a été reconstruit en 1876. Ce temple accroché à la falaise est constitué de pavillons suspendus qui renferment de jolies statues de bouddhas en couleur. Du site, on a également une vue  des aménagements existant sur l'autre versant.

C'est le plus bel ensemble de temples rupestres du Yunnan mais une fois de plus il est frustrant de se voir interdire la prise de photos alors qu'il n'y a pas un chat sur ce site en dehors de nous. Doublement frustrant puisque la petite boutique du site ne vend même pas de cartes postales (mais une notice mal photocopiée en noir et blanc). J'ai donc un peu resquillé comme à l'accoutumée et emprunté...

Retour par le même chemin. Donc cette fois, descente puis remontée... Nous croisons des muletiers avec leurs animaux lourdement chargés de huit gros blocs de pierres de taille,  sans doute destinées à des restaurations ou à des aménagements. De retour sur le parking, nous attendons une navette jusqu'à 13H30. Vingt minutes plus tard, nous sommes au parking de notre autocar.

Delphine, compte tenu de l'heure tardive et de l'endroit suggère que nous sautions carrément le déjeuner et en compensation, un déjeuner serait pris en charge le dernier jour, en lieu et place du déjeuner libre prévu au programme. Dans un pays où la démocratie n'a pas cours, elle prend la décision scabreuse de renvoyer des décisions au groupe en allant jusqu'à mettre aux voix, par vote à main levée. Un super moyen de casser toute cohésion de groupe naissante car, dans une telle situation,  les plus timorés ou ceux qui n'ont pas la parole facile se taisent, ce qui aboutit à un faux consensus... Pas de déjeuner aujourd'hui!

On va donc gagné du temps. En un peu plus de deux heures, on sera à Lijiang, à 16H15, après avoir rejoint l'autoroute, longé le lac Jianhu et un arrêt dans une aire de services ornées de statues de yaks du côté de Jianchuan.


LIJIANG: premier aperçu de la vieille ville et visite du Palais de la Famille Mu

A Lijiang, il fait 28° mais l'atmosphère est bien venteuse. Nous avons pris de l'altitude depuis Dali puisque Lijiang est à 2400 mètres.
La ville qui ne comportait ni boutiques de souvenirs ni restaurants touristiques en 1995 doit sa renommée au classement UNESCO qu'elle a obtenu dès 1997, un an après le tremblement de terre, comme une sorte d'encouragement à se relever... Mais depuis, l'authenticité de la ville s'est bien perdue! Avec les quartiers neufs, c'est une ville qui compte 250 000 habitants (155 000 selon Wikipedia en anglais). Le chemin de fer de Kunming à Lijiang a été mis en service depuis 2010.

Comme l'autocar ne peut pas enter dans la vielle ville, c'est une fois encore avec des moyens de transports artisanaux
, sur la remorque de tricycles (sans moteur), que nos valises arrivent à l'hôtel Wang Fu aussi appelé du nom plus occidental de Lijiang Palace.

Avec le temps qui a été gagné en sautant le déjeuner, Delphine décide d'anticiper la visite du Palais de la Famille Mu qui était au programme du lendemain. Comme l'hôtel est au nord de la vieille ville, il nous faut gagner le sud par la rue de l'est, la place carrée puis un labyrinthe de ruelles sans perdre de temps cat il presque 17H.

Le Petit Futé fait un dithyrambe sur la ville:
«La petite ville de Lijiang est située sur le plateau nord-ouest du Yunnan bordant le Tibet. Les paysages y sont époustouflants: Lijiang est ainsi cernée de montagnes verdoyantes dont les sommets de glaces éternelles dominent le site. Quand le temps n’est pas à la pluie et au brouillard, on a une belle vue sur les monts enneigés du Dragon de Jade (Yulong Xueshan) qui culminent à 5596 m, annonciateurs de l’Himalaya et du Tibet. C’est aussi dans cette région que se trouve le premier méandre du fleuve Yangtse. La préfecture de Lijiang dominait autrefois la principauté de Mexiezhao, et la région garde de son passé prestigieux un certain nombre de palais et de temples bouddhiques de périodes Ming et Qing.
La vieille ville de
Lijiang, nommée Dayan, prit son aspect actuel 800 ans en arrière, durant la dynastie des Song du Sud. Elle fut construite autour de ruisseaux provenant de la source du Dragon noir (Heilongtan), au pied de la colline du Lion. Ces canaux à onde claire passent toujours devant le pas des portes. Les ruelles aux pavés inégaux sont bordées de maisons traditionnelles, faites d’une structure en bois et de murs en pisé. Recouvertes d’un toit cornu, elles sont en général spacieuses, avec des balcons qui protègent du soleil comme de la pluie. La cour carrée fermée par les différents corps de bâtiments est souvent agrémentée de fleurs et de petits arbres. Vue des collines alentour, la cité médiévale fait penser à une immense pierre d’encre, d’où son nom de Dayan, qui signifie "grand encrier". La population de Lijiang est composée pour un peu plus de 50% de minorités ethniques, dont les plus nombreux sont les Naxi. On recense aussi des Yi, Lisu, Pumi, Dai, Miao et Tibétains.
Les Naxi (ou Nakhi) sont des descendants de nomades tibétains. D’anciens écrits dongba rédigés il y a plus de 1000 ans font ainsi allusion au mont
Kailash, au Tibet. Cette civilisation méconnue en Occident a été décrite par Joseph Rock dans "The Ancient Nakhi Kingdom of Southwest China", en 1947, et par l’écrivain russe Peter Goullart dans son livre de 1955, "Forgotten Kingdom". En 1913, Lijiang était encore loin d’être une destination touristique, mais le géographe austroaméricain Joseph Rock vint s’y installer pour 28 ans. Il quitta
Lijiang en léguant ses magnifiques photos et sa passion pour les montagnes et les rivières à l’Occident – sans savoir qu’il éveillerait par là-même la curiosité de millions de personnes. Lijiang est aujourd’hui divisée en deux parties bien distinctes: la nouvelle et l’ancienne ville. La nouvelle ville ressemble à n’importe quelle bourgade sans intérêt du reste de la Chine.
La vieille ville vaut bien sûr le détour, mais il n’est pas nécessaire de s’y attarder de trop. Classée au patrimoine mondial de l’Humanité de l’Unesco
depuis 1997 après avoir été rénovée suite à un lourd tremblement de terre en 1996, Lijiang est aujourd’hui inondée de touristes. Les Naxi, dont beaucoup sont obligés de quitter la vieille ville, tentent tant bien que mal d’y préserver leur langue et leurs traditions, et les touristes à la recherche d’authenticité et de quiétude risquent fort d’être un peu déçus. Cela dit, le lieu n’en demeure pas moins magique, et sa visite est indispensable si vous passez au Yunnan. »

Nous allons donc faire la visite du Palais des Mu en suivant le fanion de Jenny, la guide anglophone locale obligatoire mais inutile du fait de la présence de Delphine.
 

 

L'histoire de la ville de Lijiang se confond avec celle de la Famille Mu.
Cela remonte au XIIIe siècle, sous la dynastie des Song du Sud, lorsque les ancêtres de la famille régnante Mu s'installent dans la nouvelle cité de Dayechang, qui prendra ensuite le nom de Dayan.
De 1288 à  1730, Ljiang fut la capitale du royaume de Mu fondé par les Naxi. Cette minorité se considère comme intermédiaire entre les Tibétains et les Bai.
Au XIVe siècle, il avait fallu plus de 60 ans pour construire cet immense complexe de 100 bâtiments couvrant 6 hectares. Les édifices sont inspirés des différentes architectures Naxi, Bai, Tibétaines et Han.  La ville devient le siège d'une préfecture en 1382 lors de la prise de contrôle par la dynastie Ming qui gardera la lignée héréditaire des Mu comme préfets jusqu'en 1723. Pa la suite, le déclin de la famille Mu a entraîné l’abandon de la résidence. Il fut en partie détruit en 1800 et peu à peu remplacé par des habitations tandis que le tremblement de terre de 1996 acheva la destruction de ce qui restait du palais. Avec une efficacité toute chinoise et grâce aux subventions de la banque mondiale, le Palais a été reconstruit et ouvert au public en février 1999 mais n'est sans doute pas conforme à l’oeuvre originale que l'on comparait à la Cité Interdite... d'ailleurs la surface du parc a été réduite de moitié.

Nous allons y passer une heure et quart car le site mérite la visite et offre, depuis sa partie haute, de belle vues sur la vieille ville. Passé l'entrée sur la place, nous voyons une jeune fille habillée du costume de fête des Moso: tunique rouge et jupe blanche à mille plis.

Delphine nous livre quelques informations sur cette ethnie Moso qui est un sous-groupe des Naxi,  utilisant d'ailleurs une écriture dérivée du dongba des Naxis. Ils vivent à la frontière des provinces du Yunnan et du Sichuan, sur les contreforts de l'Himalaya. Environ 50 000 habitants se rattachent à ce groupe. C’est un peuple matriarcal dont les coutumes sont restées quasi intactes au point que les ethnologues le surnomment "le peuple fossile". Jusqu’à récemment, les enfants ignoraient l’identité de leur père. Vers l'âge de 14 ans, la mère révèle à sa fille le nom de son père afin d'éviter non pas l'inceste mais une union consanguine avec des demi-frères.
C'est une société matrilinéaire (les enfants sont rattachés au groupe parental maternel, qui les élève, leur transmet le nom et l'héritage), matrilocale (les femmes sont au centre de leur famille et ne la quittent pas pour rejoindre leur conjoint après une union) et avunculaire (la paternité des enfants est exercée par leur oncle maternel). Les Moso présentent également dans leurs traditions certaines particularités, ce qui leur a valu l'intérêt de nombreux ethnologues: le mariage n'existe pas et les amants ne résident pas ensemble. Ces spécificités ont été bousculées sous la Révolution Culturelle quia tenté d'imposer le mariage et la monogamie. Mais de nombreux Moso sont restés fidèles à leur modèle traditionnel ou y sont retournés par la suite.

Quelques pas plus loin, c'est une femme en costume Naxi.
La société Naxi étant traditionnellement une société matriarcale, les hommes avaient tout loisir de pratiquer la calligraphie et la musique, tandis que les femmes s’occupaient des tâches quotidiennes à la maison et des travaux aux champs.
Delphine précise que le costume porté par les femmes résume bien leur condition: une cape en peau de yack avec des bretelles croisées blanches sur la poitrine et le dos avec deux couleurs symbolisant la force: blanche pour symboliser le jour et noire avec les 7 étoiles de la grande ourse, pour signifier que les femmes Naxi sont toujours à la tâche, le jour et même la nuit. Pendant ce temps, leurs hommes s'adonnent aux arts (calligraphie, musique, peinture) ou moins noblement aux échecs, au thé, à la pipe à eau ou à l'alcool!
Selon les sources, l'effectif de la population de l'ethnie des Naxi varie ente 300 000 et 500
 000 personnes dont plus de 250 000 dans la région de Lijiang.
 

 

L’ensemble du palais actuel s’adosse à une colline et se trouve au coeur de la vieille ville de Lijiang.  Orienté du côté est, il connaît l’ensoleillement le matin. Par la sortie arrière du palais des Mu, il est possible de rejoindre l'entrée sud du parc de la colline du Lion et, à proximité, la pagode Wangulou, haute de 33 mètres.
 
Retour au centre ville à une allure plus tranquille si l'on peut dire car nous sommes immergé dans la foule qui grouille
de touristes chinois qui se pressent dans les boutiques de souvenirs, de thé pu'erh... Passage Porte Guangmen  puis devant les comptoirs des restaurants de rue disposés en enfilade et surmontés de décors des plus kitchs qui soient. Sur la pittoresque Rue ou Place Carrée (Sifang Jie qui sert de place du marché), on peut voir un montreur d'aigle pour la photo souvenir.
Après la traversée du centre, nous voici tout au nord de la vieille ville, à son entrée principale, au pied de la colline du Lion et près de l'étang du Dragon Noir. Deux roues à aubes reconstituées ornent un côté de la grande place Yuhe. Les jeunes filles la surnomment "la Place de Voeux" car elles viennent y faire graver leurs souhaits Xuyuanpai. D'autres jeunes femmes en costume d'apparat et munies d'une carte essaient de vous convaincre d'aller dîner dans tel restaurant. Profitons des dernières lumières du jour qui éclairent les sommets de la Yulong Xueshan,  la Montagne du Dragon de Jade (5596 mètre) à une trentaine de kilomètres plus au nord.

Il est 18H45, pour dîner, Delphine jette son dévolu sur le Alequi Fish Restaurant. Rien de remarquable:  poisson, évidemment avec une telle enseigne, nouilles froides, pommes de terre pas cuites, légumes insipides et même pas de riz!

En ressortant du restaurant, c'est l'occasion de jeter un oeil à la concurrence beaucoup plus portée sur la viande à en juger par les carcasses de porcelet laqué ou de chevreau. Il ya même un MacDo sur la place Yuhe, toujours animée et dominée à l'est par une superbe pleine lune.



LIJIANG: Concert de Musique Naxi

A deux pas le là, nous arrivons à la salle  Na-Xi Concert Hall où l'on anticipe d'une journée la soirée prévue pour assister à un concert de musique Naxi. Un quart d'heure d'attente car le concert débute à 20H. Cette salle vieillotte, haute de plafond et parcourue de courants d'air ne présage pas d'une grande partie de plaisir. On peut noter qu'en dehors de notre groupe, il n'y pratiquement pas d'autres spectateurs dans cette grande salle. Delphine nous a raconté l'origine de cet ensemble. M. Xuan Ke, son directeur, a eu un passé peu banal. Né en 1930, dans les années 1970, il a été condamné à 20 ans de prison pour adultère avec la femme d'un militaire. A sa sortie de prison à 65 ans, il a épousé une jeune femme de 25 ans. Il a fondé cet orchestre en 1981.
 

 

La musique traditionnelle Naxi Culture Show (ou Naxi Ancient Music ou encore Dongba Ancient Music)
interprétée par un orchestre d'une petite vingtaine de musiciens (et parfois chanteurs solistes) comprend quelques vieux messieurs à barbiche âgés de 70 à 90 ans et quelques uns plus jeunes ainsi qu'une femme. La musique elle-même est une combinaison de la musique traditionnelle chinoise datant de la dynastie des Tang et un répertoire plus local. L'audition des morceaux est précédée de longues explications  en mandarin.
Considérée comme un "fossile vivant",
les spécialistes débattent des origines de cette musique, mais l’on pense que c’est un mélange de musiques des dynasties Tang (618-907)  et Song, à l'origine de la musique taoïste. Les Naxi ont conservé la coutume de chanter et de danser autour d'un feu de joie pour pleurer les morts. Un autre genre musical ancien, puisque né il ya plus de 700 ou 1000 ans, est conservé sous forme de  musique d'orchestre qui évoque l'épopée du peuple  Naxi au travers des guerres.
L'orchestre est surtout composé d’instruments à cordes: luth (pipa), orgue à bouche (sheng),  cithare  (erhu), flûte traversière (dizi) produisant un son fragile et étrange. Les percussions donnent le rythme avec un gong, des cymbales et des plaques de fonte suspendues. Ces percussions n'arrivent même pas à tirer de leur apparente sieste certains vénérables  musiciens entre les parties où ils sont oisifs. Il est vrai que jouer devant une salle quasiment vide n'est guère motivant. Une jeune femme en costume Naxi fournit des explications en anglais et en chinois durant le spectacle.
Le directeur bedonnant de la troupe, M. Xuan Ke, fagoté comme l'as de pique, monte sur la scène à la fin du spectacle. Il tient un long discours d'autopromotion en chinois et en anglais. Transis de froid, nous le plantons là avant qu'il eût fini de pérorer. Il est 21H15 et il y a bientôt 2 heures que nous grelottons...

 
Retour à l'hôtel Lijiang Palace, un 4* qui en a perdu au moins une. Donc de Place, il y a surtout le nom car l'établissement est défraîchi, sale, avec un service de petit-déjeuner assez lamentable car le thé est servi à dose homéopathique sur des tables qui ne sont même pas débarrassées...

 


Samedi 4 Avril - aux environs de LIJIANG

A propos de l'hostilité es Chinois à l'égard des Japonais

L'hostilité des Chinois à l'égard des Japonais est bien palpable.

La notion de Seconde Guerre Mondiale telle que nous la situons chronologiquement, 1939-1945, n'a pas de plein sens pour eux qui prennent en considération le début de l'invasion japonaise en Mandchourie se situe en 1931, suivie à partir de l'été 1937, par l'invasion massive de la partie orientale de la Chine (seconde guerre sino-japonaise) suivie du Massacre de Nankin (de 40 000 à 300 000 victimes selon les sources, japonaises ou chinoises). A ce propos, Delphine emploie systématiquement l'expression "la Guerre Antijaponaise". De son côté, Linda, notre guide locale tibétaine en fin de circuit nous a montré clairement qu'elle exécrait les Japonais.
Nous avons  pu voir un bar de Lijiang qui n'hésite pas à placarder un avis indiquant que l'établissement est "interdit aux Japonais".

Et les Chinois aiment bien faire sentir que le Japon est quelque part redevable de beaucoup à la Chine alors qu'au début de l'ère chrétienne il sortait tout juste du paléolithique.
De la Chine, lui sont parvenues des techniques nouvelles, des arts, l'écriture, une philosophie (confucianisme) et une religion (bouddhisme). Une histoire ou une légende illustrent ce dernier aspect des choses.
A ce sujet,
Delphine  a évoqué des faits anciens, mi-légendaires, mi-historiques...
 Plusieurs souverains de l'antiquité chinoise ont tenté d'obtenir une "panacée de jeunesse et de longue vie", sous forme d’élixir ou de pilule.
Pendant la dynastie Qin, le célèbre Empereur Qin Shi Huang (auquel on doit la fabuleuse Armée Enterrée de Terre Cuite de Xi'an) parcourut les côtes de Chine orientale afin de trouver ces remèdes et il envoya vers l'Orient et ses mythiques "îles des immortels" une vaste expédition menée par Xu Fu accompagné de 3000 (1000 selon d'autre sources) filles et garçons vierges, de gardes et de vivres, à la recherche de l'élixir de vie éternelle.
Mais l'envoyé ne revint jamais ni aucun membre de l'expédition. Disparurent-ils en Mer Jaune, au-delà de la péninsule du Shandong ou, comme on le raconte, parvinrent-ils à Shingu au Japon mais n'y ayant pas trouvé l'élixir, y restèrent et y firent souche? Au lieu de rentrer en Chine, Xu Fu aurait passé le restant de sa vie à Kumano, auprès de Tokugawa Yorinobu, seigneur de Kishu, transmettant culture et technologie chinoises, notamment dans les domaines des travaux publics et de l'agriculture.
A défaut d'avoir trouvé le fameux élixir, les recherches de la médecine chinoise et du taoïsme de cette époque croyaient qu'ingérer des matériaux précieux connus pour ne pas s'abîmer, comme l'or, le jade, le cinabre (sulfure de mercure) ou l'hématite pouvaient conférer la longévité. L'Empereur Qin Shi Huang Di mourut d'une intoxication au cinabre en 210 av. J.-C.

Départ en autocar 8H30 pour le village de Yuhu, à une quinzaine de kilomètres au nord de Lijiang. Un peu frais encore: 14°.
En quittant Lijiang, on peut voir un marché aux légumes sur le trottoir avec nombreuses femmes Naxi en costume traditionnel, si l'on fait exception de leur casquette mao, mais après tout elle fait désormais partie de la tradition. Nous passons devant la statue d'un énorme lion, sans doute une évocation de la Colline du Lion proche. Sur notre gauche (ouest), magnifique panorama sur la Montagne de Dragon de Jade éclairée par le soleil du matin qui fait étinceler ses glaciers. Nous traversons une zone parfaitement plate qui avait été utilisée par l'escadrille des 137 avions américains des Tigres Volants venus d'Inde et de Birmanie en 1941 pour appuyer les forces chinoises lors de la "guerre anti-japonaise" comme on dit ici pour évoquer la Seconde Guerre Mondiale.

En 1939, les Alliés avaient  établis le la Route de Birmanie qui reliait Yangoon à Kunming, la capitale du Yunnan. C'était la bouée de sauvetage de la Chine. En effet, les Britanniques transportaient des fournitures pour aider le gouvernement de Chiang Kai Tchek dans sa contre-attaque contre le Japon. Mais en 1942, les forces japonaises avaient repris la Birmanie et donc coupé la Route de Birmanie et le lien avec les Britanniques repliés en Inde. Pour les Alliés, il n'y avait d'autre solution que d'établir un pont aérien  de l'Assam en l'Inde britannique au Yunnan. Des aérodromes militaires avaient donc été construits dans la province du Yunnan occidental, notamment à Yunnanyi, Tengchong et Baoshan. L'escadrille d'aviateurs américains qui devaient  survoler l'Himalaya pour éviter l'espace aérien birmane contrôlé par le Japon ont été surnommés les "Tigres Volants".


Nous quittons la plaine pour monter vers le village en passant près d'une sorte de campement où sont érigés des mâts auxquels sont accrochées des cordelettes munies de drapeaux de prières.



Village de YUHU et maison du Dr J. Rock

Nous arrivons au village naxi de Yuhu, trois quarts d'heures après avoir quitté l'hôtel. La guide locale Jenny est toujours là, pour le décor...

Yuhu est le dernier village de la vallée de Lijiang, situé au pied de la Montagne du Dragon de Jade. Les maisons sont faites avec des pierres appelées "tête de singe" dont l'apparence est intermédiaire entre celle d'une pierre grossière et celle de la terre séchée. Le village a conservé l'aspect qu'il avait au début du XXème siècle lorsque Joseph Rock choisit cet endroit comme lieu de résidence.

La place poussiéreuse à l'entrée du village est l'occasion de voir des Naxi, hommes comme femmes, portant la casquette Mao bleue. Certaines femmes plus jeunes la remplacent par une casquette de base-ball. Le point de vue sur la montagne serait superbe s'il ne fallait pas s'ingénier pour trouver des angles sans les fils électriques. La pipe à eau est toujours appréciée des hommes du village.

Nous allons visiter la maison du géographe américain Joseph Rock, d'origine autrichienne, tandis que des ouvriers révisent la toiture de tuiles rondes. La maison, plus exactement la résidence disposée autour d'une traditionnelle cour carrée, est transformée en une sorte de musée miteux.
Botanise de métier, le Dr. Rock venu ici en mission pour étudier les plantes de la Montagne du Dragon de Jade, tomba amoureux de la région, de ses habitants et de sa culture, et décida de s’y établir. Il habitera au village de Yuhu pendant 27 ans. A partir de 1922, il commença un énorme travail de recherche sur la minorité Naxi locale, pris de nombreuses photos et rédigeât des articles pour le magazine  National Geographic et que l'on peut voir exposées ici. Il a écrit à ses amis, juste avant sa mort en 1962 qu'il préférait mourir dans les fleurs de la Montagne du Dragon de Jade plutôt  sur un lit de malade à Hawaï. Plus loin, on évoquera son nom au sujet du mythe de Shangri-La.
Retour pour un tour dans le village. C'est l'heure où des Chinois peu courageux mais argentés s'en vont en caravane vers la montagne à dos de mulets. Rien ne doit se perdre aussi une femme récupère le crottin lâché par les montures.

 

 

Après trois quarts d'heure de visite au village de Yuhu, nous reprenons l'autocar pour un très court trajet de moins de 10 minutes pour nous rendre dans le village voisin. La température a bien grimpé: 27° à 10H30!


Village de BAISHA: monastère Yufeng

 

Yufeng Si est l’une des sept lamaseries construites durant le règne de l’empereur Qing. Sa célébrité actuelle tient surtout à son "camélia aux dix mille fleurs". L’arbre fut planté durant la dynastie Ming (1465-1487) et l’on dit que la lamaserie fut construite ici à cause de lui. Cet arbre (en fait ce sont deux arbres qui ont poussé ensemble) vieux de plus de 550 ans fleurit à plusieurs reprises, se couvrant chaque fois d’une vingtaine de groupes d’environ cent fleurs. En cette saison qui est pourtant celui où ces arbres fleurissent, il semble un peu piteux. Tout comme le très vieux moine assis à ses pieds et se réchauffant au soleil. Son press-book est affiché près de lui... Les monastères de la région de Lijiang sont tous rattachés au bouddhisme lamaïste tibétain et appartiennent à l'un des deux grands ordres du bouddhisme lamaïste,  l’ordre des Bonnets Rouges comme en témoigne la couleur du bonnet du vieux moine. Notez que parfois on peut trouver mention de "secte" pour désigner un "ordre" lamaïste.

L'évolution du bouddhisme a donné lieu à trois grandes écoles: l'Hinayana, le Mahayana et enfin le Vajrayana (yâna "véhicule" et vajra diamant") ou Bouddhisme tantrique. Le tantrisme consiste en une discipline regroupant un ensemble de techniques visant à canaliser l'énergie du pratiquant afin de lui permettre de progresser plus rapidement sur la voie de l'illumination. Le but est de devenir un bodhisattva qui signifie "être promis à l'Éveil". Ayant atteint l'éveil, le bodhisattva n'entre pas en nirvāna mais reste dans le samsara, afin d'aider tous les êtres à se libérer de la souffrance, dans  une démarche de libération collective.
Attardons nous un peu sur l'école du bouddhisme lamaïste tibétain.
Vers 750, Padmasambhava, aussi appelé Guru Rimpoche, chercha à unifier la doctrine
Vajrayana  et les anciens cultes tibétains bonpos, ce qui donna naissance à une nouvelle forme de bouddhisme: le bouddhisme tibétain ou lamaïsme. Le grand maître du bouddhisme tibétain fonda l'ordre Nyingmapa, "la Lignée des Anciens", et ses moines prirent la robe et la coiffe rouges pour se distinguer des prêtres bonpos. Pour lutter contre la domination de la religion bon, d'autres ordres virent le jour au cours des siècles suivants, tous désignés par la dénomination de "Bonnets rouges".
Vers le XVe siècle, le réformateur Tsongkhapa rassembla en un canon unique les éléments essentiels de tous les enseignements bouddhiques et fonda l'ordre des Gelugpas, "la Lignée des hommes vertueux", dont les moines prirent la coiffe jaune et devinrent dans le langage populaire, les "Bonnets jaunes". Le guide de ce dernier  ordre devint le chef spirituel et temporel du Tibet. Le troisième guide reçut d'un roi mongol, le titre de Dalaï-Lama (du mongol dalaï "océan" et lama "maître insurpassable", parfois traduit par  "Océan de sagesse"), titre qui fut attribué rétroactivement à ses prédécesseurs. Chaque Dalaï-Lama fut dès lors considéré comme la réincarnation de son prédécesseur. Dans la tradition, le Dalaï-Lama est le dirigeant spirituel et politique du Tibet.
Issu également de l'ordre
des Bonnets jaunes, l'abbé du monastère de Tashilhunpo, dans la région  de Shigatsé, le Panchen-Lama (du sanskrit  pandita "érudit", du tibétain chenpo "grand" et lama) est le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain, juste après le dalaï-lama.

 

 

Nous descendons vers le complexe monastique et le temple situés un peu en contrebas.
Quelques fidèles viennent y brûler de l'encens et faire tourner les moulins à prières puisque l'on est ici dans un univers lamaïste.  Des fresques modernes comme la Roue de la Vie présentent des scènes hyper réalistes.

 


BAISHA: le Palais Dabaoji et visite du village

Très court trajet pour descendre au village de Baisha proprement dit, pour voir les fresques du Palais Dabaoji. Il y avait jadis beaucoup de fresques autour de Lijiang. Malheureusement, la plupart furent détériorées ou  détruites durant la Révolution Culturelle.

La vieille de Baisha  est le premier établissement du peuple Naxi et le berceau du clan Mu puisque c'est le lieu de naissance de "Tusi", le chef du clan.  Au début de la dynastie des Tang, pendant le Royaume Nanzhao, les ancêtres des Mu clan ont commencé à construire Baisha et ses temples.  Pendant la dynastie des Song, la petite ville prospère est devenue le centre économique, politique et culturelle de Lijiang. Pendant les dynasties Ming et Qing la famille Mu s'est progressivement déplacée vers la ville de Dayan. Le quartier central de la ville est caractérisé par un groupe de temples appelé "Mudu" dans un grand carré qui symbolise les droits politiques de la famille Mu.
La couleur blanche du sable  est à l'origine du nom de la ville. Dans la langue Naxi, le sable blanc est appelé "bengshi" qui a évolué en  "Baisha".
 

Le mur d'enceinte du Palais Dabaoji donnant sur le parking donne l'occasion à Delphine de nous confronter à la fameuse écriture pictographique des Dongba. C'est sans doute la seule écriture majoritairement pictographique utilisée de nos jours. Cependant certains caractères y sont cependant utilisés comme caractères syllabiques. La culture Dongba ne se réduit pas à la seule écriture. Elle comporte aussi une ancienne religion totémiste  proche de la religion tibétaine prébouddhique bonpo  ou  bön. Cette religion  vieille de plus de mille ans, est une sorte de paganisme lamaïsé. Le Dongba, possède beaucoup de caractéristiques de la religion tibétaine. Comme les Tibétains et  les Bai, les Naxi descendent d'un même couple formé par un homme et une déesse.

Pour nous, le jeu consiste à déchiffrer ce qui ressemble à des rébus: une femme, une famille, un mariage, parler, se disputer, manger, semer, faire l'amour (avec un "détail" martelé), accoucher...

 
 

Dans le palais, face de l’entrée, dans le premier édifice du temple des Tuiles Vernissées (Liuli Dian ou Liuli Gong),  la fresque principale représente l’unité des différentes religions: le groupe de personnages du haut figure le bouddhisme tibétain, celui du milieu incarne le taoïsme et celui du bas, le bouddhisme Han. L’ensemble est centré autour d’une représentation de Sakyamuni. Autre fresque  célèbre, celle  représentant  Kwan-yin.
Les 44 morceaux de fresques, peintes au début de la dynastie Ming (1368-1644), avec leurs lignes fines, leurs riches couleurs, forment un modèle vivant et harmonieux de composition des contes religieux inspirée du taoïsme, du bouddhisme et du bouddhisme tibétain. Ce  sont de précieux trésors de l'histoire de la peinture chinoise.  Les fresques ont été créées par des artistes Han en collaboration avec des artistes  Naxi, Tibétains et Bai.
 

La partie du village située aux abords immédiats du temple est envahie par les marchands de souvenirs et est appelée "pengshizhi". Les rues sont toutes orientées du sud au nord. Au centre de la vieille ville, il ya une place où se croisent trois voies qui sont bordées sur les deux côtés de maisons et de boutiques donnant au village une ambiance authentique par son architecture et son atmosphère.
On ne peut manquer l'échoppe ou faudrait-il plutôt dire le cabinet du célèbre Docteur Ho. Un médecin qui a fait ses études aux USA et est revenu dans son Yunnan natal. Il a une renommée internationale  reposant sur sa pratique de la médecine traditionnelle chinoise. Cette médecine avec laquelle Delphine
se soigne repose sur le taôisme au travers duquel est recherché un équilibre entre l'Homme et la Nature. Il y a plusieurs années de cela, Le Dr Ho aurait vaincu son propre cancer avec des plantes de la Montagne de Jade. Des gens du monde entier viennent le consulter et se faire prescrire ses décoctions. Le vieil homme de plus de 90 ans reçoit en anglais, avec sa grande barbe blanche et  son bonnet sur la tête. Sur le seuil de sa maison, il fait son autopromotion en affichant des découpures de journaux  du monde entier ainsi que  des photos de célébrités qui sont venues le rencontrer. Après son diagnostic,  en quelques minutes il rassemble les herbes à utiliser en tisane. Désormais, il paraît que ses consultation coûtent fort cher alors qu'il y a quelques années, elles étaient gratuites et ses herbes également.

Nous déjeunons d'ailleurs dans l'une de ces rues, au restaurant Yingxiang, un endroit très sympa, avec des plats très variés principalement de légumes.
Coup d'oeil intéressant dans ce village.
 De ce côté-ci des femmes portent une coiffe de deuil.
De l'autre on peu voir une femme qui cuisine sur la rue d'étranges blocs qui font penser à du tofu (dòu huā ou  dòufu huā en chinois).
- Ce pourrait être du tofu puisqu'il y en a de différentes sortes, avec des textures et couleurs (comme le jaune aux oeufs) diverses. Peut-être s'agit-il de tofu grisâtre  fait à partir de grains de soja noir (Glycine max Tambaguro). Le tôfu noir est un type de tôfu soyeux fait à partir de de graines de soja noires entières. La texture du tôfu de grains noirs est légèrement plus gélatineuse que celle du tôfu habituel et la couleur a des tons plus grisâtres. Ce type de tôfu est "apprécié" pour son goût terreux.
- Ce pourrait être
du "móyù dòufu" qui se mange plutôt dans la province du Sichuan (mais le Sichuan et le Yunnan sont voisins...). On le désigne aussi sous le nom de  "konjac tofu" ou "konjac neige" (ou konnyaku pour les Japonais). C'est une gelée pâteuse, pouvant être noire ou blanche, faite d'une farine obtenue à partir du rhizome tubéreux sphérique du konjac (Amorphophallus konjac), une plante de la famille des arums (Araceae).


DU SOJA AU TOFU


Le soja (Glycine max) ou soya, celui dont on fait du "lait" et du tôfu, appelé aussi pois chinois ou haricot oléagineux, est une espèce de plante annuelle de la famille des légumineuses, originaire d'Asie orientale dont il existe plusieurs variétés: à port grimpant ou rampant, à graines jaunes, noires ouvertes... Son nom savant est trompeur car le soja n'a qu'une très lointaine parenté (au niveau de leur sous-famille) avec ce que dans nos jardins d'agrément on nomme "glycine "(Wisteria). Bien peu de parenté (même famille des Fabaceae) également avec le haricot mungo (Vigna radiata), légumineuse originaire du sous-continent indien bien connue sous la forme germée erronément appelée "pousses de soja".
Le tôfu
(dòu huā ou dòufu huā en chinois) est une base de l'alimentation asiatique originaire de la Chine. Il est  obtenu à partir de graines ("haricots") de soja (Glycine max) et ses techniques de production ont été introduites en Corée puis au Japon durant la période Nara. Elles se sont aussi répandues dans d’autres parties de l’Asie de l’Est. La diffusion du tôfu coïncide avec celle du Bouddhisme compte tenu qu’il est une source importante de protéines dans les régimes végétariens religieux.
Le tôfu est produit en coagulant du lait de soja bouilli et en pressant le lait caillé résultant. Deux types de coagulants sont utilisés. Il s'agit soit de sels (du sulfate de calcium autrement dit du gypse, du chlorure de magnésium ou du chlorure de calcium) ou d'un acide organique, le glucono delta-lactone, également utilisé dans la fabrication de fromages. Selon la texture désirée, les fabricants peuvent utiliser l'un ou l'autre des coagulants ou le mélanger.
Il existe une grande variété de tôfu: frais, séché (dòu gān), fermenté (dòufu rǔ ou chòu dòufu), frit (dòupào), parfumé aux fruits (par exemple xìngrén dòufu), aux oeufs (dàn dòufu), glacé. Le tofu frais peut être tendre et  soyeux (nèn dòufu), ferme (lǎo dòufu). Le tôfu peut être  verdâtre, c'est le tôfu  obtenu à partir de  grains de soja frais et donc vert. Il en existe existe aussi du grisâtre  ou "noir"  fait à partir des grains de soja noir (Glycine max Tambaguro). Le tôfu noir est un type de tôfu soyeux fait à partir de de graines de soja noires entières. La texture du tôfu de grains noirs est légèrement plus gélatineuse que celle du tôfu habituel et la couleur a des tons plus grisâtres. Ce type de tôfu est "apprécié" pour son goût terreux.
N'oublions pas la peau de soja,  le film  complexe composé de protéines de soja et de lipides qui se forme en surface lorsque le lait de soja bouillonne. Comme cette "peau"  a une texture élastique douce, elle peut être plié et mise en forme de diverses façons comme en rouleaux.
Le tôfu  peut être consommé cru, cuisiné frit,  être utilisé dans des soupes, en sautés, cuit à l’étuvé ou dans une sauce.

 


LIJIANG: le
Parc de l'Etang du Dragon Noir et le Musée Dongba

Il est un peu plus de 13H40 lorsque nous repartons avec l'autocar en direction de Lijiang, pour une balade dans le Parc de l'Etang du Dragon Noir, situé immédiatement au nord de la ville,
au bout de la Xin Dajie. Son nom est dû au fait que ses eaux paraissent noires à cause des herbes aquatiques qui poussent au fond. 
 
 
 
 

 

L’eau du lac est si calme que tout ce qui l’entoure s’y reflète. Des anciens bâtiments typiques de l’architecture lamaïste de la minorité Naxi, avec de magnifique structure en bois, plus ou moins en ruines, ramenés des environs de la ville ont été rebâtis dans le parc pour pouvoir être protégés et entretenus
.

Au bout de l’étang, un joli pont arqué blanc à cinq arches en marbre  appelé  "Pont de la Ceinture du Mandarin" et un pavillon chinois sur l’eau composent un beau tableau sur fond de montagnes enneigées, tel un tableau de peinture typiquement chinois. Sur le web, on peut trouver quelques unes de ces photos que des chanceux ont pu saisir.
Dommage pour nous, les jolies perspectives seront gâchées par les bâches sombres qui recouvrent la "Tour des 5 Phoénix" du temple Fuguo  qui provient d’un ancien monastère bouddhiste lamaïste de Lijiang  car elle est en travaux. Dommage aussi que les nuages masquent les 13 sommets de la Montagne de Jade. En poursuivant notre parcours autour de l'étang, on voit le ciel s'assombrir de plus en plus et une pluie fine mais persistante finit par tomber. Cela ne perturbe pas les joueurs et  joueuses de cartes à l'abri ni même de jeunes mariés en train de faire des clichés romantiques.

A l’entrée nord
ce parc se trouve également un Musée Dongba et institut de Recherche sur la culture Dongba. Un musée intéressant sur la culture Naxi, avec notamment des costumes et des explications sir la religions et les coutumes influencées par la religion bön des anciens Tibétains, où le culte des Esprits de la Nature (culte rendu au deuxième mois de l'année lunaire) et le Culte des Ancêtres.. Des tableaux pédagogiques aident à comprendre l'écriture des Dongba.
L'écriture dongba comporte 1400 caractères. Aux caractères à représentation symbolique s'ajoutent des caractères à valeur phonétique, tout comme cela s'est produit dans l'écriture du chinois ou, "sous d'autres latitudes", dans celles des hiéroglyphes égyptiens et des glyphes mayas.
Les tableaux comparatifs entre les écritures dongba, chinoise primitive (sur des écailles de tortues),  babylonienne, égyptienne  et maya montrent l'universalisme des représentations que les hommes ont faites de leur monde...


Ce que précise Wikipédia à propos de l'écriture chinois qui
«[...]
initialement, est formée à partir de pictogrammes, c'est-à-dire de dessins où le graphique primitif est une représentation directe de quelque chose.
[...] , le dessin d'origine montre un homme vu de face (le petit trait du haut forme la tête, la barre horizontale marque les bras, et les deux diagonales forment les jambes.
[...]Mais la simple représentation d'objet ne forme pas un système d'écriture. De tels dessins sont insuffisants pour représenter tous les éléments d'une langue. Un niveau d'abstraction supplémentaire est nécessaire. Le principe qui permet de passer à un système d'écriture est que le dessin ne s'interprète plus nécessairement de manière isolée.
[...] Ce principe étant acquis, il évolue très rapidement vers un système cohérent et signifiant : les dessins se simplifient et s'uniformisent, et les compositions se figent...
»

Dans ce musée, on  trouve aussi des témoignages de leur artisanat: calligraphies, masques, paravents. A l'aide d'une maquette du nord du Yunnan, Delphine nous montre l'itinéraire du lendemain et nous localise notamment la première courbe du Yangtse, entre les monts Yulong et Haba.

Retour en ville, en passant devant la seule statue monumentale de Mao conservée dans le pays, érigée au centre de la Place du Peuple.  De retour au nord de la vieille ville, Chantal me signale un bar dont l'accès est interdit aux Japonais (Ah! cette sacrée guerre anti-japonaise a laissé des traces).
Comme il n'est que 16H, nous en profitons pour aller refaire un tour au centre de la vieille ville. On en profite pur s'écarter parfois un peu des axes les plus animés. Parfois, entre les boutiques spacieuses, de petites échoppes guère plus larges d'un mètre ont comme réussi à s'infiltrer, sans doute dans un ancien passage entre des maisons. Sur la place, le marché s'achève.

De retour à l'hôtel, nous prenons l'autocar qui doit effectuer un détour par le nord de la ville, près de la Place Yuhe (entre le KFC et la muraille Dongba en travaux) et de la Place du Peuple (statue de Mao). Non loin de la rue Xianghe, dans un quartier moderne mais sans charme où des dizaines d'autocars sont garés,  s'alignent des restaurants-usines à touristes.

Nous dînons dans le restaurant Mishixiang: A nouveau, comme ce midi,  des pousses de soja et, en dessert, des gâteaux déjà appréciés au début de notre circuit (du côté de Jianshui) à base de farine de haricot vert, avec fourrage est à base de tarot et tranche parsemée de graines de sésame. A lieu de thé, on nous sert une infusion de graines de sarrasin...

Retour à l'hôtel Lijiang Palace.


 



3 - Le Yangtsé, ZHONGDIAN (Shangila) et ses environs

Dimanche 5 Avril -  trajet de  LIJIANG à ZHONGDIAN

Départ en autocar à 8H30 car la route est longue (près de 200 km) et surtout on va devoir grimper 1200 mètres pour passer un col à 3600 mètres d'altitude avant d'arriver à Zhongdian. Delphine nous donne les prévisions de températures à destination: de 1° le matin à 10°...

Ce matin, en quittant Lijiang, on a de superbes vues sur les glaciers de la Montagne du Dragon de Jade coiffée d'un nuage en "bonnet d'âne", montagne en direction de laquelle nous allons rouler. Sur notre droite, nous laissons le grand plan d'eau Lashihai et des zones de maraîchage et de cultures intensives.

La première courbe du Yang-Tse et le village de Shigu

Nous quittons l'autoroute pour une route de montagne sinueuse passant près de jolis hameaux, avec des cultures de blé, colza, pommes de terre, ail, fèves et fraises. Puis le trajet devient descendant et permet bientôt d'apercevoir à nouveau les cimes enneigées.

Cette première partie de notre itinéraire, une cinquantaine de kilomètres, va nous amener sur la rive droite du Yangtsé
 (ou Yangzi Jiang et baptisé "Fleuve Bleu" en français), appelé ici Jinsha ("Rivière au Sable d'Or"). Nous allons le suivre sur une dizaine de kilomètres jusqu'au niveau de la première courbe, venant du plateau tibétain (à 6620 m.), donc du nord,  le fleuve fait ici un virage de 130°, avant de repartir vers le nord-est. Plus qu'une courbe, c'est un vrai coude que les géographes appellent  plus savamment un méandre. Avec une longueur totale de 6380km, c'est le troisième plus long fleuve du monde après le Nil et l'Amazone et le cinquième pour son débit (30000m3/s). Il effectue trois premiers grands virages au Yunnan avant de poursuivre un chemin un peu plus linéaire vers la mer de Chine orientale, au nord de Shanghai. En basses eaux, le fleuve aux reflets verts est tranquille et de nombreux bancs de sable émergent.
 

 
 

Comme il n'a pas plu, Delphine propose aux plus téméraires ou aux plus sportifs de grimper par un mauvais sentier sur le versant raide de la vallée jusqu'à atteindre des points de vue plus larges sur la courbe. Une demi-heure pour un panorama qui vaut la peine. Nous sommes dans la région des Trois Fleuves Parallèles, région qui a fait l'objet d'un classement au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO en 2003. Le Parc national des trois fleuves parallèles, dans le nord-ouest montagneux de la province du Yunnan, est un site de 1,7 million d’hectares qui comprend des secteurs du cours supérieur de trois des grands fleuves d’Asie: le Jinsha (Yangtze), Lancang (Mékong) et Nu Jiang (Salouen au Tibet et Thanlwin Myit en Birmanie où s'effectue la seconde moitié de son cours).

Petite histoire du TIBET

Le Tibet historique incluait trois provinces ou régions traditionnelles: l'Ü-Tsang ("le Pays du dharma"), formant les parties centrale et occidentale, l'Amdo ("le Pays des chevaux") au nord-est et le Kham  ("le Pays du peuple"), au sud-est.

- Ü-Tsang s'est constitué par l'union de Tsang (gTsang), fief des sakyapa s'étendant du centre vers l'oues, et de Ü (Dbus), fief des gelugpa situé dans le centre, autour de Lhassa.

- L'Amdo est situé au nord-est du Ü-Tsang et englobe la majeure partie de la province du Qinghai, ainsi que des régions plus petites, mais culturellement importantes, dans les provinces du Gansu et du Sichuan. Ce serait la région d'origine du peuple tibétain. Les habitants se désignent sous la dénomination d'Amdowa ou parfois comme Böpa (Tibétains). Le royaume Tuyuhun qui était établi en Amdo fut renversé et complètement annexé par l’empire du Tibet en 663, sous le règne de Songtsen Gampo (629-650). Au IXe siècle, la fragmentation du Tibet permit à la dynastie chinoise des  Tang de restaurer la route de la soie, et de récupérer une bonne partie de cette région jusqu'au règne du 5e dalaï-lama, Lozang Gyatso, au  XVIIe siècle, qui eut pour résultat l'unification du Tibet. Au cours de la République de Chine (1911-1949), l'Amdo est conquise par la République de Chine en 1928.

 - Le Kham est situé au sud-est du Ü-Tsang. La plus grande partie de la région du Kham recouvre l'est de l'actuelle région autonome du Tibet et l'ouest de la province du Sichuan, avec des parties plus petites dans les provinces du Qinghai et du Yunnan (préfecture autonome tibétaine de Dêqên). Le Kham était divisé en cinq royaumes principaux dirigés par des gyelpo ou gyalpo et comportait aussi cinq États secondaires horpa ainsi que quelques autres petits territoires. Les habitants sont appelés Khampas. Au XVIIe siècle, l’armée mongole aida le 5e dalaï-lama, Lozang Gyatso (1617-1682), à unifier le Tibet, en particulier en convertissant les royaumes du Kham à la tradition Gelugpa et en plaçant sous l’autorité du dalaï-lama la région de Kartzé (au Sichuan). Les habitants de la région du Kham sont appelés Khampas. Au cours de la République de Chine (1911-1949), la plupart de la région faisait alors administrativement partie de Xikang. (qui a eu le statut de "région administrative spéciale" jusqu'en 1939, quand il est devenu pour un temps une province chinoise ).

Au VIIe siècle, l'unificateur du Tibet, Songtsen Gampo (629-650), pour consolider ses alliances politiques, prend pour épouses la princesse népalaise Bhrikuti, fille du roi Amsuvarma, et la princesse chinoise Wencheng Gongzhu, nièce de l'empereur Tang Taizong. Les Tibétains attribuent l’introduction du bouddhisme à ces deux reines.
L'Empire du  Tibet est morcelé après la chute de la Dynastie Yarlung en 842. Au début du XVII e siècle, une tribu mongole, les Khoshuts, sous la direction de Güshi Khan, met la main sur le Tibet et place le 5e dalaï-lama, Lozang Gyatso (1617-1682), comme chef temporel du Tibet en 1642. Le règne du 5e dalaï-lama eut pour résultat l'unification du Tibet en une nation. Son pouvoir, indépendant, s'étendait à toutes les anciennes provinces tibétaines, y compris le Kham et l'Amdo.
En 1905, alors que l'empire mandchou de la dynastie Qing est en déclin, les frères Zhao Erfeng et Zhao Erxun, seigneurs de guerre chinois, se partagent la tâche de découper le Tibet en différentes régions administratives. Cependant, en 1912, les Tibétains parviennent à chasser les troupes chinoises. Si, jusqu'en 1950, la partie centrale et occidentale du Tibet est une une entité politique indépendante de facto, le Tibet ne bénéficie pas de la reconnaissance internationale d'un statut d'Etat souverain.
Par contre le Kham est coupé en deux parties délimitées par le Yangtsé, la partie orientale du Kham reste aux mains de Chinois et fait administrativement partie de Xikang qui a le statut de "région administrative spéciale" jusqu'en 1939, quand il est devenu une province chinoise (province abolie en 1950 et son territoire redécoupé). Quant à l'Amdo, elle est conquise par la République de Chine en 1928.


Extrait de Wikipédia


 

Tout près de là, nous allons visiter le petit village de SHIGU (qui signifie "Tambour de Pierre") aux environs de 200 mètres d'altitude. Durant la dynastie des Han (206 av. J.-C. à 220), Shigu était un point stratégique sur la Route de la soie.
Justement, nous commençons par le monument du Tambour de Pierre abrité par un pavillon. Cela n'a rien d'un tambour, autre que d'apparence, car c'est une stèle ronde de
marbre blanc de 1,50m de diamètre datant de la dynastie des Ming (1368- 1644) sur les deux faces de laquelle sont gravés des idéogrammes relatant les exploits du clan des Mu, l'aristocratique des Naxi.  Bien plus tard, Kubilay Khan et son armée traversèrent ici le Yangtse avec l'aide des villageois. En effet, la troupe se présenta lorsque le Yangtsé était en crue et c'est avec des peaux d'animaux cousues et gonflées fournies par les villageois que ce prestigieuxe guerrier parvint à faire franchir l'obstacle à ses chevaux et à ses hommes. Les Mongols établirent un bureau administratif à Shigu. Au cours de l’histoire récente, la seconde et la sixième Armée rouge traversèrent aussi la rivière ici durant leur Longue Marche vers le nord pour combattre l’envahisseur japonais. Un monument aux martyrs de la guerre a été érigé sur une colline dans la ville.

Au pied de la colline coiffée d'une pagode qui domine la bourgade, la visite se poursuit par le petit Pont Suspendu avec ses petits pavillons aux extrémités. Dans le village, une paysanne en costume Naxi vend des légumes. Comme on le verra par la suite, la population est vraiment multiethnique.


 

Après quoi, ne pouvant utiliser le sentier menant à la pagode, nous grimpons dan le vieux village par une rue pentue et parfois transformée en escalier, dont le ciment du pavage refait par endroit est encore tout frais. Nous arrivons devant le Monument commémorant le passage de l'Armée Rouge lors de la Longue Marche en 1936. Il montre les soldats sur des barques que les Naxi, hommes et femmes, aident à franchir le fleuve. Près du monument, une dame pipi très âgée semble plongée dans un profond sommeil sous l'ardeur du soleil de fin de matinée. Peut-être ne dort-elle finalement que d'un oeil?

Lorsque nous sommes à nouveau au bas du village, dans la partie récente, il est bientôt midi et Delphine qui, comme à l'habitude, ne s'est pas soucier d'un endroit pour le déjeuner se met en quête. Mais en ce dimanche 5 avril,  jour de Pâques chez nous, c'est ici le jour de la Fête des Morts, fixée au 15e jour du 7e mois lunaire. Donc de nombreux habitants Han, y compris ceux qui tiennent un restaurant, sont partis honorer leurs ancêtres sur les tombes dans la montagne. Souvent, ils vont sacrifier un poulet et pique-niquer en famille près de la tombe et y déposer des billets de fausse monnaie qu'ils n'ont plus le droit de brûler à cause du risque d'incendie.

Tout espoir n'est pas perdu pour cette fois. Le restaurant Laojunshan qui semblait fermé ouvre pour nous et aussi pour une tablée de Chinois. Face à cette aubaine, la grand-mère en costume tibétain se met à astiquer les tables fébrilement. Certains curieux qui jettent un oeil dans la cuisine trouvent que celle-ci mériterait quant à elle plus qu'un brin de ménage. Comme il n'y a pas de toilettes pour les convives, un petit tour aux toilettes publiques, propres, du grand parking. C'est l'occasion de voir quel parc automobile on trouve dans cet endroit perdu. Eh bien ! Des berlines récentes aux vitres teintées et même une Peugeot 307 et une Peugeot 408 de fabrication chinoise (PSA est bien implanté en Chine, ce qui n'est pas le cas de Renault). Et ?  Une Porsche Cayenne noire, un bijou fort prisé des Chinois riches. En Europe, selon les modèles et les équipements, le prix varie entre 60 000 et 170 000€, un prix qu'il faut doubler ici puisque c'est un véhicule d'importation lourdement taxé comme l'indique Delphine. Plus communes sont les petites berlines Volkswagen des taxis chinois, modèle Santana surtout introduit  en 1981 et  produit jusqu'en 2013 et modèle  Jetta introduit 10 ans plus tard.
Dans le petit marché en bord de rue, on peut voir une femme Yi noire  (ou Lolo, les Yi noirs étaient puissants, au sommet d'une société organisée en castes, possédant propriétés et esclaves)  en costume avec sa grande coiffe noire carrée fixée à l'arrière de la tête, des rubans de couleurs vives agrémentant celles des jeunes femmes célibataires. Une autre femme vue de dos en costume bleu clair et grenat appartient à une ethnie que je n'ai pas  pu identifier.
Un déjeuner simple et très bien servit par la grand-mère en costume tandis qu'
en cuisine la fille ne le porte plus. La grand-mère fume en laissant voir ses avant-bras tatoués de cercles foncés.


Les Gorges du Saut du Tigre

En quittant le village, Delphine nous indique que non loin de Shigu, dans une vallée affluente du Yangtsé, un village connaît trois aurores, le soleil passant devant des pics.
Sur une soixantaine de kilomètres, par moment la route coupe en montagne avec des ponts et viaducs. Du bus, nous apercevons des tombeaux Han sur lesquels ont été déposées de offrandes; d'ailleurs les files de belles voitures arrêtées sur le bord de la route au milieu de nulle part sont un indice de la visite des familles à leurs défunts.

Nous ne pouvons pas résister devant les paniers de belles fraises que les paysans vendent au bord de la route. En guise de Chantilly pour les accompagner, nous avons la vue sur les glaciers et les neiges des montagnes qui sont maintenant face à nous. Bientôt celle-ci longer le fleuve Yang-tse que nous descendons en rive gauche dans une vallée qui prend l'allure d'un canyon.

Quelque temps avant la billetterie  du site aménagé Hutiào Xiá, le Saut du Tigre, des statues kitchs de yaks géants nous signalent que nous sommes dans un environnement tibétain. A la billetterie, nous embarquons Linda, une guide locale tibétaine que nous aurons ici et à Zhongdian d'où elle est originaire.  Après nous avoir salués d'un "tashi delek", elle s'exprime en anglais mais est beaucoup plus volubile que sa collègue de Lijiang, et drôle de surcroît!

Tandis que la route prend de la hauteur au-dessus des gorges, Linda nous redit en anglais l'origine de la mythique Shangri-La.
Tout part de l'explorateur et géographie Joseph Rock
évoquant dans ses récits ces régions orientales pré-himalayennes de l’ancien Kham tibétain, récits qu'il publiait dans le National Geographic. Cela mêlé au mythe indo-bouddhiste de de Shambhala  ("lieux du bonheur paisible") a été à l'origine de l'inspiration de l'écrivain britannique James Hilton pour son roman Lost Horizon ("Les Horizons Perdus") publié en 1933 où il évoque l'histoire de rescapés d'un accident d'avion qui réussissent à atteindre une lamaserie nommée Shangri-La, aux confins de l’Himalaya et du Tibet.
Il n'en faut pas plus pour créer un engouement touristique et de nombreuses villes et régions tentent de s'accaparer le nom mythique. La ville de Zhongdian vers laquelle nous allons n'y échappe pas
puisque c’est de ce nom que fut rebaptisé le comté de Zhongdian en 2001. Un groupe d'hôtels de luxe singapourien s'en est même emparé en 1971 et a prospéré depuis puisque maintenant présent un peu partout dans le monde avec 90 établissements de prestige et de nombreux autres projets.

Ici, sur une bonne quinzaine de kilomètres, les gorges livrent passage au fleuve entre les deux sommets de la Yulong Xue Shan (5596m) et de la Haba Xue Shan (5396m), par une série de rapides
sur un dénivelé de près de 200 mètres au pied d'escarpements abrupts de 2000 mètres de hauteur, et prétendent au titre du canyon le plus profond au monde. Delphine évoque la légende à l'origine du nom: un tigre pourchassé était parvenu à franchir le fleuve à cet endroit où il est impossible de nager mais où il est étroit (tout de même large de 25 à 30m.) et un gros rocher se trouve judicieusement tombé au milieu du lit du fleuve. Bien sûr, on n'a pas manqué d'ériger d'évocatrices mais superflues statues du tigre mimant ce saut.

 
 



Depuis les points de vue aménagés de notre "station d'observation VIP"  aux quelques 700 marches confortables (750 selon Delphine, 698 selon Jack), soit un dénivelé d'environ 120 mètres, on a de belles vues sur les rapides mais aussi sur les sentiers de randonnée beaucoup plus sportifs et dangereux de l'autre rive, taillés  au-dessus du précipice surplombant d’une trentaine de mètres les eaux en furie. Des VIP encore moins courageux que nous font appel aux chaises à porteurs pour ne pas affronter les marches, surtout à la montée du retour (tarif de 200 yuans pour AR ou 150 pour le retour seulement). Des images du Bouddha et des drapeaux de prières au bord du sentier sont là pour compatir à notre peine. Nous remontons accompagnés de Linda, qui malgré notre manque d'aisance en anglais, en bonne Chinoise qu'elle est, insiste beaucoup pour tout savoir sur nous: âges, métiers, nombre d'enfants et petits-enfants... En retour, elle nous livre son âge, 25 ans, et précise qu'elle se marie en octobre prochain.

Nous avons passé un peu plus d'une heure sur le site.

 

Route de haute montagne pour ZHONGDIAN (Shangri-la)

Il reste une bonne centaine de kilomètres pour arriver à Zhongdian.  Sur un peu moins de 10km, nous revenons jusqu'à la confluence du fleuve avec une rivière affluente sur sa rive droite au niveau de Dong Huan puis nous prenons  une route de montagne (nationale 214) qui suit cette rivière. Le paysage est assez austère, la vallée étroite et par moment des barrages ont été construits pour la production hydro-électrique.  La route est éprouvante pour les moteurs comme on le voit avec un camion immobilisé et signalé par des blocs de pierre. Quelques traversées de tunnels, quelques maigres hameaux en contrebas, puis sur notre droite (Est), de nouveaux aperçus sur les glaciers de sommets de la montagne Haba Xue culminant à plus de 5000 mètres. Par endroit, le boisement en pins des montagnes cède la place à des cultures en terrasses mais les cultures n'ont pas encore poussé car du fait de l'altitude, l'hiver se prolonge longuement ici. L'orge est la seule céréale à pousser car elle se sème au printemps. Le sarrasin qui est une culture d'été pour terres pauvres, convient aussi mais et sa culture est surtout pratiquée par les Han.

Un peu avant le haut col que nous allons bientôt franchir, un vaste panorama s'offre à nous, l'occasion d'une agréable pause puisqu'il y a une heure que  nous avons repris la route. 17H, un moment favorable pour la lumière puisque le paysage se trouve à l'est.
Un superbe paysage de haute montagne, sans que nous ayons eu le moindre effort à faire pour y accéder. Un belvédère en bois est installé ici, sans doute par le marchand de produits régionaux typiques qui y tient boutique: champignons, une sorte de noix, des sortes de navets confits, de la viande séchée de yak, des pénis séchés de......
 

 
 


 
L'air fraîchit et après une vingtaine de minutes, nous reprenons la route car il y a encore une heure de trajet avant notre arrivée à Zhongdian. Marqué par des mâts et quantité de drapeaux de prières, nous passons le col à 3600 mètres d'altitude puis commence une longue descente vers la zone de plateau où se trouve la ville. C'est l'occasion d'apercevoir les premiers yaks qui paissent une herbe rase et desséchée et aussi les premières maisons tibétaines trapues. Ici, des parcs à bétail et là, des sortes d'échafaudages ou de grandes échelles qui sont en fait des séchoirs à céréales. La modernité apparaît aussi sous forme d'armatures de serres qui vont servir pendant l'été. De petits tas de fumiers dans les champs annoncent un prochain labour.
Delphine
nous décode l'usage des drapeaux hissés au fait des toits: un drapeau c'est l'usage courant pour signaler les maisons tibétaines mais trois drapeaux, cela     signifie qu'il y a un moine issu de la famille dans un monastère. Delphine ajoute que les Tibétains consacrent la moitié de leur revenu à la religion. Bientôt, on aperçoit également des stupas blancs puis, sur la droite, un lotissement de petites maisons blanches au milieu de nulle part. Des troupeaux rentrent placidement dans les fermes et nous coupent la route. Nous voici dans une sorte de "Far West chinois", proche de la frontière avec le Sichuan et l'une des portes  d’entrée au Tibet. La région est essentiellement habitée par des Tibétains.

Delphine nous livre quelques autres informations sur les Tibétains.
1 - On dit que traditionnellement les Tibétains ne se lavaient (ou n'étaient lavés) que 3 fois au cours de leur existence: quand ils naissent,  quand ils se marient,  quand ils sont morts. Ils ne sont pas familiers de l'eau en raison  moins
sans doute de sa rareté  que de leur vie nomade et de la rigueur du climat.

L'extrait suivant d'une publication de 1898 est édifiant:
«[...]Ils conservent fort longtemps leurs vêtements sans les changer, les brosser, ni les secouer, les gardant même la nuit, s'en servant comme de torchons et d'essuie-mains, ne les quittant que lorsqu'ils s'en vont d'eux-mêmes. Ils ne se lavent jamais le corps, et ce n'est que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles qu'ils se lavent le visage et les mains. Toutefois, pour se préserver des morsures du vent ils s'enduisent tout le corps de beurre, rance autant que possible, préférant manger l'autre.
[...]»
extrait de "Le TIBET et ses habitants" de Jean GRENARD (édit. www.chineancienne.fr Août 2011)

Le gouvernement a tenté de remédier au manque d'hygiène en faisant la promotion de capteurs solaires dans ces contrées où le soleil ne manque pas. Cet équipement devait permettre de produire de l'eau chaude à bon compte.  La première tentative a été un fiasco car sitôt la subvention versée elle a été bue (de l'eau-de-vie). La seconde a été tout autant un échec car sitôt installés les équipements ont été revendus. Il a fallu un long travail de sensibilisation et d'éducation pour que la population intègre ce progrès lors d'une troisième campagne.

2 - Les coutumes matrimoniales et patrimoniales tibétaines sont encore très particulières, du moins dans les campagnes.
En général, l'aîné(e), fille ou garçon? reste  avec ses parents et héritera de leur maison. Il ou elle ne peut donc pas épouser un(e) aîné(e) d'une autre famille.
Parfois, si la famille est pauvre, elle peut placer  sa ou ses fille(s) dans une ou l'autre forme d'union polygame
 afin de recevoir une plus grosse dot (4ou 5 yaks au lieu de 3): polygynie si  2 soeurs épousent un même garçon ou, à l'opposé, polyandrie si une fille épouse deux frères.  Dans ce dernier cas, la situation est délicate car pendant l'été, le mari part nomadiser avec les troupeaux or il y a deux maris. La solution consiste à ce que l'un des maris parte  avec le troupeau une année sur deux, l'autre restant auprès de l'épouse...

3 - Les coutumes funéraires qui vont vous sembler particulièrement macabres, sont différenciées selon la qualité des personnes et les circonstances du décès:
- "Funérailles de la Pagode" avec incinération pour les moines (le bois est rare à ces altitudes).
- "Funérailles du Ciel" (Tiang Zan ou Jhator) pour les gens ordinaires: le corps est découpé en 8 morceaux qui sont enduits de beurre de yak et déposés au sommet d'une montagne pour être dévorés par les vautours et les corbeaux. Les os sont ensuite broyés pour faciliter le travail des charognards.
Cette pratique n'est pas très éloignées des  rites funéraires des zoroastriens ou parsis  de Perse, d'Ouzbékistan ou d'Inde, avec les "Tours du silence" sur lesquels les cadavres sont déposés afin que les oiseaux charognards le décharnent. Dans les années 1960 et 197070, les autorités chinoises ont tenté a été d'interdite une pratique considérée comme barbare. Cependant, sous la pression populaire, elle est de nouveau autorisée depuis les années 1980.
- "Funérailles de l'Eau" pour les personnes mortes pendant qu'elles font le pèlerinage à Lhassa,
les jeunes enfants, les mendiants, les veufs et veuves sans enfant. Le corps est démembré puis jeté dans un fleuve.  Ces funérailles sont un peu équivalentes aux précédentes car les poissons sont également des créatures divines.  Cette pratique est maintenant formellement interdite.
- "Funérailles de la Terre" pour  les criminels et les personnes décédées de maladies contagieuses ou d'accident (mauvais karma). Leur âme ira en Enfer.


 

Nous arrivons à la périphérie de Zongdian, avec sur notre droite les bâtiments de l'Université construits dans un style tibétain singeant le Potala. Puis c'est un rond-point à l'entrée de la ville, avec un gros stupa au milieu. Une tibétaine prie en en faisant religieusement le tour dans le sens des aiguilles d'une montre comme il se doit. Nous passons près de tombes Han puis c'est directement le centre de la petite ville de Zhongdian que dans leur langue les Tibétains préfèrent appellent Gyalthang (qui signifie "Plaines Royales) et absolument pas Shangrila qu'ils honnissent. La population du district de a ville était estimée à 130 000 habitants en 1999.

Il fait très frais et c'est sans se faire prier que nous gagnons le restaurant Sakurakim, à deux pas de l'hôtel. Un endroit agréable mais pour touristes qui ferait penser à nos stations touristiques de montagne avec un style chalet ou refuge. Un joli cadre mais mains de plats que d'habitude dont petit sauté à la viande de yak et,
 pour se réchauffer, les alcools d'orge ou de blé distribués par Delphine qui, elle ne boit que de l'eau.

L'hôtel Shangrila Old Town est également bien venu. Il est récent, très fonctionnel et on est bien chauffé par le sol car n'oublions pas qu'il va geler cette nuit.

 

Lundi 6 Avril -  découverte de ZHONGDIAN

Départ en autocar à 9H seulement car les distances seront courtes aujourd'hui. Au petit matin, il faisait -1° et les montagnes voisines sont saupoudrées de neige fraîche. Médiocres prévisions pour la journée, avec au mieux à peine 10° (sous abri) et risque de pluie.

La montagne de Meili  dite "Prince de la Montagne des Neiges" que nous avons vue sur de grandes affiches à l'entrée de la ville hier soir se situe loin d'ici (à 200 km de  Zhongdian par route et à 10 km à vol d'oiseau au nord-ouest de Deqin) entre la rivière Nujiang et le Mékong, aux portes de la province du Sichuan. Cette montagne enneigée est la plus imposante et mystérieuse du Yunnan avec ses 13 sommets qui culminent à 6000 m. d’altitude en moyenne et sont surnommés "les 13 sommets du Prince". Le plus haut d’entre eux, Kawagebo, atteint   6740 m.  et se trouve être la plus haute montagne de la province du Yunnan.

En traversant des quartiers neufs et tranquilles, nous partons en direction du nord. Encore peu de Tibétains dans les rues, quelques femmes en costume et un homme aux cheveux longs conduisant un yak blanc. On reverra celui-ci... On s'arrête à un grand parking près d'un imposant bâtiment où se trouve une billetterie et une maquette de la zone touristique du monastère. De là, il faut utiliser les navettes locales qui conduisent au pied du monastère. En tout, il y a environ 6km depuis le centre de la vieille ville.
 

Le Monastère Sumtseling (XVIIe s.)

Le Monastère Sumtseling (ou Dongzhulin ou encore Songzanlin) a été construit en 1667 (1679 selon quelques sources) par le 5e Dalaï-lama Sonam Gyatso (1617-1682) qui fut le premier des dalaï-lamas à exercer un pouvoir théocratique intervenant dans le domaine temporel en sus des affaires religieuses, dans un système de gouvernement appelé Gaden Phodrang que l'ancien système impérial chinois admettait dans le cadre d'une relation nommé de Chö-yon. Ce traité qui existait avec les Mongols depuis 1247 définissait une répartition des rôles sans prévalence d’une autorité sur l’autre. Il s'est poursuivit avec certains empereurs de la dynastie Ming, puis avec la dynastie mandchoue des Qing jusqu'en 1910, date à laquelle ils envahirent le Tibet. Cependant pendant la Révolution nationaliste puis la Guerre Civile qui ont suivi la fin de l'Empire, le Tibet réussit à conserver une indépendance de fait jusqu'à l'invasion de son territoire  par l'Armée de Libération Nationale chinoise en 1950. Le régime communiste ne reconnaît pas le Dalaï-lama qui vit en exil en Inde. La succession du Xe Panchen-lama en 1995 a été également conflictuelle. Gedhun Choekyi Nyima, né en 1989, l'enfant reconnu par le Dalaï-lama comme XIe Panchen-lama a été emprisonné (il serait libre au Tibet) et le Parti Communiste dans une parodie d'investiture a choisi un autre enfant, Gyancain Norbu, né en 1990, fils d’un membre du Parti Communiste Chinois...

Jusqu'au XVIIe siècle, le monastère de cet endroit  était nommé Chongchonggang qui, en tibétain, signifie "un temple au bord du lac avec des grues". Au début, Chongchonggang était un temple de la secte Kagyupa (Bonnets blancs) et avait seulement 16 lamas. Plus tard, à la suite de conflits avec la secte Gulugpa (Bonnets Jaunes)
 ou Gelupa , fondée par Tsongkhapa, il a donc été converti et a fusionné en 1667 avec 7 autres petits temples comme il vient d'être dit. A la fin de la dynastie Qing, il y avait plus de 700 lamas et 10 bouddhas vivants dans le monastère. Déjà reconstruite une première fois en 1982, la structure n’était pas assez solide et menaçait de s’écrouler, c'est pourquoi en 1985  une rénovation à grande échelle a commencé et a duré 7 ans. Delphine précise que le pavillon central n'est  rouvert que depuis 6 mois. En 1986, le 10e Panchen Lama-Chosgyi Gyantsen est passé  au monastère lors d'une tournée d'inspection et a parrainé sa rénovation.
Situé à une altitude de 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer, au pied de la montagne enneigée Baimang, c
'est le plus grand monastère tibétain du Yunnan et il héberge 500 ou 600 moines (le chiffre varie selon les sources).
 

A l'approche du monastère, la vue est saisissante, avec un petit lac au pied de la colline où est érigé le monastère. L'ensemble, reflété dans ce lac, serait encore plus extraordinaire sous un grand ciel bleu.
Un grand escalier central mène jusqu’au temple principal, le temple Dratsang.
Delphine a la hantise que nous fassions un malaise par l'effet combiné de l'altitude et de l'effort. Elle connaît un de ces collègues guides qui a été confronté au décès d'un de ses clients. Le risque est-il grand? En voyant certains Chinois munis de petites bouteilles à oxygène, on pourrait le croire... A fur et à mesure de notre ascension, nous découvrons une quinzaine de temples. Nous allons d'édifice en édifice, descendant  et remontant de  petits escaliers dans cet ensemble complexe d'édifices enchevêtrés. Nous croisons très peu de Chinois.

 
 



Delphine nous indique qu'en franchissant le seuil d'un temple, ce doit être en premier e pied gauche que l'on pose sur le sol et que la visite doit se faire, comme autour d'un stupa, en partant sur la gauche, autrement dit dans le sens des aiguilles d'une montre.
 
On a pu voir de grandes salles servant à des assemblées pour l'étude de la religion ou de sanctuaires. On y voit les statues de grands lamas: Tsongkhapa, fondateur des Gulugpa,  et ses deux disciples Damarenqing, son premier disciple, et Kezhujie,  le premier Panchen-Lama. Ailleurs on voit des représentations de Bouddha Sakyamuni, évidemment, et de Bhodisattva  comme Avalokiteçvara (déesse de la Miséricorde) ou encore Samantabhadra, Drolma, Manjusri  (Wenshu)... Sans oublier une statue assise de 6,80 mètres de haut du Bouddha Qingba (Maitreya), le Bouddha a du Futur, ou encore Yama (le Seigneur l'Enfer).
Les murs de la salle de prière sont ornés de
thangkas monumentaux, peinture sur toile caractéristique de la culture tibétaine aux scènes plus étonnantes les unes que les autres. Pour les fidèles ou comme souvenir pour les touristes, il existe aussi des thangkas portatifs que l'on peut enrouler et dérouler grâce à deux baguettes passées dans leurs ourlets.

Deux chose frustrantes à signaler:
- interdiction de faire des photos intérieures, même sans flash. Un panneau ajoute d'autres prohibitions moins gênantes lorsque l'on est dans les édifices : tourner dans le sens des aiguilles d'une montre, pas de lunette de soleil, pas de couvre-chef et ne pas faire de bruit...
- au moment de notre visite, entre 9H30 et 10H30 (il faudrait pour bien faire y consacre au moins le double), où pouvaient être passés les 600 moines (400 ou 500 selon certaines sources)? Pas vus en salle d'études ou de prières...
Etaient-ils dans d'autres salles ou bien dans leurs chambres? J'en ai tout juste vu une dizaine, de 1 à 5, en quatre endroits du site... et quelques uns au marché un peu plus tard.

 
 

 
Ici de petits moulins à prières en laiton, ailleurs un gros moulin.

Plus en s'élève et plus la vue s'élargit,  sur le lac et ses stupas ainsi que sur le village voisin et les montagnes enneigées et ennuagées. Les toits dorés sont ornés  de pinacles et ornements de faitages également dorés et sur les côtés de makaras dorés, sortes de gargouilles chimériques monstrueuse. Il faut ajouter, les lions dorés  sur leurs quatre pattes ou dressés, gueule ouverte... Sans oublier au-dessus de l'entrée des édifices un ensemble doré:  le cerf symbolisant l'expérience de la grande félicité,  la biche symbolisant la réalisation de la vacuité, ils sont de part et d'autre de la roue du dharma qu'ils regardent et qui, elle, symbolise l’union des deux. On les retrouve peints en blanc sur les grandes tentures, genre catafalques, qui habillent les entrées.

Un mot au sujet des cuisines avec à l'entrée un avertissement d'interdiction d'accès aux femmes (et accessoirement aux fumeurs)!

 

 
 

Peu à peu le ciel se dégage et devient plus lumineux. Dans le monastère ou au pied, on croise beaucoup de Tibétains avec un masque sur la bouche. On ne peut pas parler de pollution par ici. Alors, pour protéger les voies respiratoires de l'air froid ou de maladies que l'on ne veut pas attraper ou transmettre?
 


 

Le village tibétain voisin du monastère et l'accueil par une famille

Après que nous soyons redescendus, nouveaux regards tournés vers la colline coiffée du monastère.

La piété se pratique aussi en dehors des sanctuaires: ici, une femme égrène son mâlâ, le chapelet bouddhique aux 108 grains (somme numérologique =9, nombre bénéfique!) utilisé pour la récitation des mantras et, là, un camion dont la calandre est ornée de ruban or et vert et le pare-choc de deux croix gammées ou svastikas dextrogyres (bras supérieur tourné vers la droite) symbolisant  la renonciation et la course visuelle du soleil chez les bouddhistes tibétains de la secte des Bonnets Jaunes. Non loin de là, on peut voir des "cochons-yaks" noirs à longs poils qui en toute liberté fouinent dans les gravats des bâtiments en démolition.

 
 

Derniers regards vers le monastère dont les ors scintillent avec la dissipation des nuages tandis que nous marchons dans les ruelles poussiéreuses du petit village de Conggulong installé au pied du monastère. Le haut des murs de pignons des grosses maisons tibétaines est orné de peintures figuratives (yaks, personnages, symboles religieux).
Manifestement, on ne connaît ni plan d'urbanisme, ni contraintes architecturales. Les maisons neuves poussent parmi les anciennes, les toits en tôle voisinent avec les toits couverts de dalles de schiste, genre lauzes. 
 Les belles maisons à deux niveaux sont pourvues d'une terrasse en rez-de-chaussée, et d'un balcon équivalent à l'étage, ce qui laisse apparaître en façade une structure avec quatre gros piliers faits de troncs d'arbres. En face d'une maison pourvue de trois drapeaux tibétains et du drapeau rouge chinois, nous arrivons chez une famille où l'on doit goûter au thé au beurre de yak. C'est manifestement une famille d'agriculteurs aisés et la maîtresse de maison a trouvé un job avec l'accueil des touristes et ainsi elle peut  "mettre du beurre de yak dans son thé".

Nous ne visitons pas l'étable qui traditionnellement se trouve au rez-de-chaussée des maisons à étage, comme dans les vieux chalets de nos montagnes. Même type d'interrogation qu'au monastère, non pas à propos de moines mais de yaks. Dans cette ferme, où sont donc ces animaux? L'hiver étant passé, les troupeaux nomadisent sur les pâturages dans la montagne.
 

Nous sommes reçus par les femmes dans une grande salle à l'étage, au centre de laquelle on voit un énorme pilier destiné à
limiter les effets des tremblements de terre qui sont fréquents sur le plateau du Tibet. Il ne faut pas toucher ce pilier considéré comme sacré. Dans un angle de la pièce, quatre marmites de cuivre sont réunies au-dessus d'un feu, près d'un poêle, sur un large socle incombustible recouvert de beaux carreaux de céramique afin de protéger le  plancher du risque d'incendie. Les maisons tibétaines n'ayant pas de cheminées, le feu brûle au milieu de la pièce principale et la fumée s'échappe par les portes, les fenêtres et parfois un trou dans la toiture. Un dispositif efficace car on ne sent pas la fumée. Les murs sont recouverts de gravures très colorées aux décors traditionnels (fleurs), de portraits (dont celui de Mao) et de photos de famille. On peut aussi voir les fameuses mottes de beurre...
 

 

Le moment  de la dégustation du thé au beurre de yak, tant redouté par les uns, attendu par les autres, arrive. Les uns, dont je fais partie, ont eu de redoutable expériences antérieures  où la "rancitude" du beurre restait en bouche aussi longtemps que la brûlure des pires piments. Mais, on voit que sur la table sont disposés également des pâtisseries (beignets, gâteau fourré à la rose, croquette de riz soufflé) permettant de contourner l'obstacle ou d'aider à faire passer.  Le moment de l'épreuve est venu: dans une sorte de petit bol, on verse un thé au lait qui aurait plutôt l'aspect d'un lait au thé et du beurre de yak y aurait été ajouté. Après un temps d'hésitation je goûte et ne trouve aucun goût rance au breuvage. Je suppose qu'il y a une formule spéciale pour touristes, au beurre frais... Il faut garder un peu de thé au fond de bol et ajouter une cuillérée de farine d'orge que l'on délaye pour faire une pâte qui n'est pas du tout mauvaise ma foi. Séance photo avec nos hôtesses que nous quittons à midi et demi.

Pour rejoindre la route bitumée et attraper une navette, nous continuons notre traversée du village. Encore de "cochons-yaks", un vaste terrain avec d'énormes troncs d'arbres destinés à servir de piliers de maisons et des séchoirs à gerbes de céréales. Près de là,  une famille est en train de labourer avec une araire tirée par deux yaks. Enfin, une dernière vue sur le monastère qui scintille au soleil enfin apparu.
Il est 13H15 lorsque nous sommes revenus en ville, après avoir traversé des quartiers modernes au nord de la ville, afin de faire un tour au marché.



Zhongdian: un  tour au marché

Les Tibétaines pourtant habituées au froid de leurs montagnes ont l'air frigorifiées, engoncées dans leurs vestes matelassée, les écharpes rabattues sur le visage, les cheveux couverts de leur coiffe-turban traditionnelle ou d'une caquette. 

Delphine
nous signale que beaucoup de boutiques et une bonne partie du marché sont tenus par des Bai venus de Dali où ils retournent habiter pendant l'hiver.
 

Dans le marché couvert où nous passons une vingtaine de minutes, nous sommes protégés du vent. On y voit des produits locaux comme le beurre de yak, l'orge ou le sarrasin mais aussi beaucoup de légumes et fruits venus des contrées plus basses du centre ou du sud du pays (tomates, piments, oranges, mangues, nèfles du Japon...). Les choux chinois et les salades s'amoncellent en tas ou en bottes énormes. Les carcasses de porcs sont bizarrement équeutées et voisinent avec des bassines remplies d'abats: coeurs par ici, foies avec vésicules par là, poumons plus loin... On trouve aussi des saucisses et jambons séchés. Une femme fait l'épilation au chalumeau de pieds de cochons tandis que, près de là, un homme passe la viande au hachoir mécanique. Dans un secteur du marché, les étals présentent tout un assortiment d'ustensiles en cuivre, de woks en acier et d'outils en fer forgé pour les paysans (serpes, hachettes, tenailles).
On rencontre aussi quelques moines et nonnes que les photos indisposent. Les costumes Bai très colorés tranchent avec ceux plus austères des Tibétains.
 
 

L'autocar nous conduit un autre quartier moderne pour déjeuner au restaurant de l'hôtel Zhaxidele ("Bonjour"). Nous nous sentons un peu perdus dans une grande salle de spectacle décorée kitschement à la chinoise. Pendant le repas, un couple installé à un bureau devant une série d'estampes tente de nous convaincre d'en acheter.
Des plats assez originaux : légumes emmaillotés dans une tranche de poitrine fumée, omelette aux herbes, petits galettes aux gruaux d'orge, des frites, une soupe aux herbes,  et en dessert une salade de fruits avec un curieux nappage. Le tout accompagné d'une infusion de sarrasin.



Zhongdian: colline Daguishan
: Guishan si et  Zhuangjing Tong (le moulin à prières géant)

Après le déjeuner, l'autocar nous reconduit dans la vieille ville. Nous devions visiter le Baiji Si ("le Temple du Coq Blanc" ou "aux Cent Poulets")  mais au lieu de cela, on nous conduit  au pied de la colline Daguishan sous un ciel redevenu bien gris. Sur la pente et au sommet se dressent les pavillons du Guishan Si, un temple reconstruit en 2002, et le Zhuangjing Tong, un gigantesque moulin à prières tout doré mis en service en juin 2005. Entre le parking et la place, on emprunte un pont arqué pour franchir un petit canal. Au centre de la place,  yak blanc est là pour les photos-souvenirs.
 
Nous commençons à gravir la pente en direction du temple. Un premier temple est taoïste donc photographiable, ce qui n'est pas le cas avec le temple bouddhiste suivant. Sur la gauche, un grand temple au toit complexe n'est pas accessible car en travaux.
En revanche, sur la droite il y a pas mal de Chinois attirés par l'attraction qu'est le moulin à prière géant, haut de 20 mètres (de 21 à 32 selon certaines sources) et pesant 60 tonnes. Il contient 100 000 petits moulins à prières selon Lonely Planet. En bois, il est revêtu d'un parement doré  sur lequel différentes figures ont été martelées. Dans la partie basse, au-dessus de bandeaux de svastikas et de symboles divers, les différentes ethnies sont représentées. Plus haut, c'est la place du Bouddha, au-dessus de montagnes... Pour le mettre en mouvement sur son axe, il faut au moins être une demi-douzaine de personnes costaudes et motivées.

L'autre intérêt du site est le panorama qu'il offre sur la vieille ville dont une partie a échappé à l'incendie survenu il n'y a guère plus d'un an (11 janvier 2014) tandis que pour le reste, les maisons incendiées sont en phase d'être remplacées par de nouvelles constructions.

 

Nous redescendons sur la place. Près du musée révolutionnaire, petit coup d'oeil dans le temple voisin dédié au  Bhodisattva  androgyne Avalokiteçvara  ou, si l'on préfère Guanyin (déesse de la Miséricorde) dit aussi "Bouddha aux Mille Bras". Quant au Musée Révolutionnaire de la Longue Marche, il n'aurait pas été inintéressant de disposer de temps pour en faire une visite sérieuse. On y voit Mao jeune et les troupes de l'Armée Populaire de Libération.

Depuis 1925, une guerre civile a éclaté entre les nationalistes du Kuomintang dont Tchang Kaï-chek vient de prendre la tête après la mort de Sun Yat-sen, et les communistes à la tête desquels va peu à peu s'imposer Mao Zedong. Ces derniers profitent de l'invasion japonaise en Mandchourie survenue fin 1931 pour s'emparer de plusieurs régions. Avec un million d'hommes, l'armée nationaliste va harceler les bastions communistes, en particulier au Jiangxi, principal territoire de la "République soviétique chinoise".
 En 1934, environ 130 000 hommes de l'Armée Rouge parviennent à fuir et, poursuivis, entament un périple de 12
 500km dans le sud-ouest de la Chine (où des Hui et Tibétains soutiennent les nationalistes) pendant un peu plus d'un an. Ils ne sont plus qu'une vingtaine de milles au début de 1935. En décembre 1936, les nationalistes et les communistes finissent par conclure une alliance (temporaire) pour lutter contre les envahisseurs japonais. Une alliance brisée dès septembre 1945, après la capitulation japonaise, et les communistes qui remportent victoire sur victoire en 1949, avec notamment la conquête du sud (le 21 avril, l'Armée populaire de libération franchit le Yangtsé). Les dirigeants nationalistes et deux millions de leurs sympathisants "s'exilent" sur l'île de Taïwan. Les combats cessent en août 1950.

Sous un ciel de plus en plus gris, nous traversons à pied la vieille ville pour regagner notre hôtel.  Cette vieille ville nommée Dukezong ("village de la Lune" en tibétain) s'étendant sur 16km², a été construite il y a 1300 ans, ville-étape sur la Route de la Soie et sur la Route du Thé et des Chevaux..
Le samedi 11 janvier 2014,  à 1h27, ici un incendie d'origine accidentelle a détruit 340 maisons (sur 700), des thangkas tibétains précieux et d'autres objets d'art tibétains mais n'a fait aucune victime.   2 600 personnes ont été évacuées. Le précédent incendie de Shangri-La remontait au XVIIIe siècle, sous l’empereur Qianlong.
En reconstruction,  la vieille ville prend donc un sérieux coup de jeune. Dans les ruelles pavées bordées de maisons en bois traditionnelles on verra de plus en plus de pubs enfumés et d'échoppes d’artisanat bouddhique. On ne s'y bouscule pas encore mais il faut s'attendre à de grands changements avec un
tourisme de masse quand la ligne de chemin de fer qui relie Kunming à Lijiang  depuis 2010 sera prolongée jusqu'ici.
Non loin d'un stupa sur une place, outre des maisons en bois, on peut voir quelques très vieilles maisons aux murs fait de bloc de brique crue (adobe) à l'enduit plus ou moins dégradé. Deux jeunes hommes chinois déambulent en se tenant familièrement par dessus les épaules. Attitude surprenante en Chine où il mal vu pour un couple de se tenir par la main (ou pire de s'embraser en public). Puis ce sont des vitrines de souvenirs pour touristes. Seriez-vous tenté par un couteau tibétain? à moins que vous sachiez lire les annonces placardées sur  les murs, avec des numéros de téléphone bien en évidence... Plus loin nous passons près d'une brasserie artisanale où une femme est justement en train de travailler le malt dans une grande cuve en bois. La pluie se met à tomber sérieusement et nous devons presser le pas sous la pluie très froide. Nous sommes bien au chaud dans nos chambres à 18H.

A 19H, nous partons dîner dans un restaurant au pied de la colline Daguishan où nous avions passé l'après-midi. Un restaurant voisin de la place où l'on nous sert, en dehors de quelques sautés et potage aux herbes,  une sorte d'omelette provençale et un plat en sauce avec des os de yak à peine recouverts de lambeaux de viande...

Il est un peu plus de 20H quand nous quittons le restaurant et il fait bien froid sur la place. Seuls les temples et le moulin à prières géant donnent un peu de chaleur par la couleur dorée qui les illuminent. En revanche, les villageois assemblés sur la place ont la bonne recette pour se réchauffer,  en pratiquant une danse gymnique dans une belle ronde... Mais les regarder pendant une dizaine de minutes nous suffit pour être frigorifiés.

La chambre bien chauffée que nous retrouvons à l'hôtel Shangrila est appréciée.
 


Mardi 7  Avril
-  sur le trajet de retour: vol de ZHONGDIAN à KUNMING

Départ en autocar à 7H15 seulement alors que nous avons pourtant un avion qui décolle à 8H40. Mais l'aéroport est tout proche, à moins de 6km, et il ne s'agit que d'un vol intérieur.

Décollage effectif vers 9H et un vol de cinquante minutes sur un Airbus 319/320 de la compagnie chinoise Lucky Air qui nous ramène pour quelques heures dans la Ville de l'Eternel Printemps, après un survol du Lac Erhai et de Dali vers les 9H25...
 


Les visites effectuées le 7 avril pendant l'escale à Kunming sont traitées dans le premier volet de ce récit.

 


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