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Environ 100 km
et plus de 1 heures et demie de trajet sous un ciel devenu tout à fait sombre.
Comme il est midi, il faudra patienter pour déjeuner...
Nous quittons donc Castel del Monte en direction du sud en empruntant des
"départementales". Notre chauffeur Claude va jouer un peu de son
grand autocar à la poursuite de la petite Fiat de notre guide Caterina qui va
nous assister lors de la visite d'Alberobello.
Au bout d'une vingtaine de minutes, nous commençons à
apercevoir de temps à autre nos premiers trulli (trullo au
singulier si l'on respecte l'orthographe italienne). Nous reparlerons plus loin
de manière plus détaillée de ces constructions qui se
présentent sous forme de petites tours en pierre calcaire surmontées d'un toit
conique couvert de lauzes (pierres plates) que la patine du temps à rendu
grises. Certaines semblent à l'abandon en bordure de champs, voire sont
écroulées, d'autres voisinent avec une maison blanche contemporaine.
Nous
traversons une grosse averse avant d'arriver à la rocade de Bari et de passer
près du stade San Nicola. Le ciel reste bien tristounet. Paysage avec des vignes
(raisin de table), des oliveraies complantées (foin en bottes), des vergers de
cerisiers... dans des champs entourés de murs de pierre sèche. Et aussi, des
trulli de plus en plus nombreux...
Arrivés à Putignano, nous ne sommes plus qu'à environ 10 km d'Alberobello
et encore moins en ce qui concerne l'endroit où nous allons déjeuner. Les
trulli, nombreux, sont bien restaurés, comportant parfois plusieurs
constructions accolées qu'une maison contemporaine, d'un effet esthétique parfois
douteux, est venue compléter. Les toits sont également restaurés comme le montre
la présence de pinacles en bon état. La pluie à cesser mais le ciel reste très
sombre.
A 100 mètres de la route nous arrivons au restaurant, "Masseria Papaperta", une ancienne ferme traditionnelle de la région appelée Muglia, avec une dizaine de trulli plus ou moins conservés dans leur état d'origine: étable, grange ou grenier (ce dernier trullo isolé comporte un escalier extérieur permettant de verser la récolte par le sommet du toit). Une vaste citerne avait été construite au centre de la cour pour collecter l'eau de pluie. D'autres trulli servaient de grange, d'étable et d'écurie.
Cinq trulli accolés semblent avoir été transformés en galerie sous arcades pour l'accueil des touristes voyageant en individuels. Dans un pré, juste en dessous de la cour, on peut également voir deux anciens trulli accolés.
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Nous mangeons au
rez-de-chaussée de la maison principale de style plus conventionnel bien qu'il
s'agisse d'une salle voûtée. Dans la mesure du possible, les produits utilisés
en cuisine sont issus de la ferme et les pâtes sont fabriquées "maison".
Déjeuner délicieux, copieux et varié.
Toasts de pain grillé garni de tomates,
courgettes et aubergines (cuites à l'huile d'olive), assiette de charcuterie
(jambon sec, saucissons sec et piquant), sorte de quiche ou de flan aux légumes
ou à la viande servi avec salade verte et oignon. Puis assiette de fromage avec
la fameuse mozzarella spécialité italienne et célébrité des Pouilles. Ce fromage
au lait de bufflonne et à la texture si particulière est présenté ici sous sa forme
treccia, autrement dit
tressée. A côté on trouve des tranche d'un fromage plus sec, à pâte plus jaune
et ponctuée de petits trous et au goût plus affirmé que la douce mozzarella. Vient en suite un plat de
légumes: tanches d'aubergines et longues tranches de courgettes grillées
accompagnées de champignons et de poivrons cuisinés. On ne peut pas manquer les
pâtes. Ce seront des orecchiettes à la sauce tomate que l'on saupoudre
généreusement de parmesan râpé. Enfin c'est le dessert sous forme de tranches de
fruits frais: poire, kiwi, ananas, melon avec en décor une superbe fleur
de gerbera... Le chef et la patronne viendront s'assurer de notre satisfaction à
la fin de ce véritable banquet.
La mozzarella
La vraie mozzarella est au lait de bufflonnes
(les buffles d'Asie ont été introduits par les Lombards), principalement dans la
région de Campanie, et protégée par une appellation géographiquement protégé
depuis 1996 sous le nom de mozzarella di Bufala Campana. Ce qui n'a rien
à voir avec la mozzarella industrielle à base de lait de vache. |
Il est près de 16H lorsque
nous reprenons l'autocar pour un court trajet de quelques kilomètres qui nous
amène à Alberobello, une petite ville de 11 000 habitants où, comme au
Castel del Monte, nous allons être guidé par Caterina qui connaît bien
cette ville, sa ville.
Ce qui fait la célébrité de cette ville, c'est la
concentration particulière d'un type d'un ancien habitat unique fait de
petites constructions de cabanes de pierres sèches, coiffées de
toits coniques en lauze, les trulli (trullo au singulier,
terme issu du grec et signifiant "coupole" à mois qu'il vienne du latin
turrula signifiant "petite tour"). Les trulli sont peut être
apparus dès le XVe siècle mais plus certainement au XVIIe. Selon
Caterina, ici on en compterait environ 2400 dont la plupart regroupés dans deux
quartiers.
Cet habitat si particulier a valu le classement de la ville au Patrimoine
mondial de l'UNESCO
en 1996. Cela a permis de redonner de l'intérêt pour cette architecture et
donc de la préserver (malgré pas mal d'adaptations comme on le verra). Une
habitation de 2 ou 3 pièces en trulli coûte en moyenne 150 000€ à Alberobello
et moitié en campagne.
Le nom de la ville se prête à diverses interprétations. Evidemment ce
n'est quelque "Bel Albert"... La première qui viendrait à l'esprit est celle de
"Bel Arbre" d'autant que l'épigraphie retrouve le nom de l'endroit écrit sous la
forme "Arbore Bello". Pour l'idée d'arbre, il y a consensus. Il faudrait
même parler d'arbres au pluriel car l'Histoire évoque la région en parlant de
selva, autrement dit "forêt". Le Bello de la seconde partie du mot
n'évoquerait pas du tout quelconque "Beauté" mais la "Guerre", le "Conflit"
(du latin bellum , d'où proviennent les mots français belliqueux,
belligérant...).
L'Histoire du lieu va dans ce dernier sens.
L'histoire d'Alberobello remonte à la seconde moitié du XVIe siècle.
En effet,
depuis le règne de Ferdinand d'Aragon, le roi de Naples exigeait le paiement
d'une taxe en cas d'édification d'habitations fixes. Un seigneur
feudataire, le comte de Conversano, Giangirolamo II Acquaviva d'Aragon, surnommé le
Borgne (Guercio) fit bâtir en 1635, à côté d'une chapelle qui se trouvait au
milieu des bois (la selva), une villa
seigneuriale afin de se créer un fief indépendant de la Cour de Naples sans
l'autorisation au Roi. Selon d'autres sources, le Roi lui aurait accordé ce fief
en récompense de services rendus par son aïeul en défendant la ville d'Otrante
assiégée par les Turcs en 1491, don assorti de l'interdiction d'y
construire des villages. Malgré cela, le comte de Conversano concéda donc à un groupe de colons le droit de
défricher la forêt de chênes verts afin de cultiver la
terre et d'y construire des habitations précaires, les trulli, à condition que
celles-ci soient réalisées sans l’emploi de mortier de chaux pour être démolies
facilement en cas d'inspection royale puis remontées. Personne ne peut
affirmer qu'il y eut des inspections conduisant à la démolition des cabanes qui
n'auraient plus alors eu l'aspect que de monticules d'épierrage... De plus, ces trulli n’étaient pas recensés et les paysans qui les habitaient émargeaient comme habitants du village
voisin de Noci. Cette situation précaire ne convint qu'un temps aux nouveaux
habitants qui s'en plaignirent au roi de Naples.
Le 27 mai 1797, Ferdinand IV de Bourbon pris un décret
affranchissant le village.
Pour édifier les trulli, il fallait plusieurs dizaines de tonnes de pierres
quand on sait que les murs sont épais de près d'un mètre à la base (deux
au trullo Sovrano). Dans un pays au relief karstique, les constructeurs trouvaient, à fleur de sol
ou en commençant par creuser une citerne pour stocker l'eau de pluie, soit des lits épais donnant des
pierres d'appareil, soit des lits minces donnant des lauzes de couverture. Le
trullo est petit, son diamètre extérieur est d'environ 4 mètres, ce qui
une fois déduite l'épaisseur des murs ne ménage qu'une surface habitable de 7 à
9 m² ! La
hauteur des murs (jusqu'au départ du voûtement) va de 1,60 à 2
mètres, traditionnellement, avec une seule ouverture, la porte. Ils sont
surmontés de toits coniques en pierres plates, ce qui fait leur originalité.
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Sur la construction des trulli...
La technique de construction la plus simple pour
ces toits coniques est celle de l'encorbellement,
pratiquement la même qui a été utilisée dans les bories de Provence, cabanes
circulaires à utilisation saisonnière construites sensiblement aux mêmes époques
que les trulli. Détaillons un peu la technique de l'encorbellement (pratiquée
par toutes les civilisations "antiques" notamment pour les arcs: grecque, maya,
inca, khmère...). Il est probable que ce genre de construction remonte au
néolithique mais l'archéologie ne peut en apporter la preuve du fait de la
fragilité inhérente à cette technique. En revanche dès l'Antiquité, on trouvait
des maisons en pain de sucre en Syrie, à goubba, autrement dit à coupole
en briques crues posée en encorbellement et enduite, coupole reposant sur un
volume cubique. On peut aussi penser à la Sardaigne avec les nuraghi, ces
mystérieux cônes tronqués avec maçonnerie en encorbellement... Dans le toit
conique des trulli, chaque assise de lauzes, les chiancarelle, repose en
équilibre sur la précédente, tout en débordant vers l'intérieur, chaque
lauze étant de plus contrebutée par ses deux voisines grossièrement taillées en
forme de trapèzes réguliers (les côtés obliquent convergeant vers le centre du
cercle). Le cône se termine par une dalle (sans effet de clavage) éventuellement
surmontée d'un pinacle. Pour le faire effondrer, il aurait suffit de retirer
quelques grandes lauzes à la base. |
Du stationnement en périphérie de la bourgade, nous grimpons à pied les rues (Indipendenza, Colombo) conduisant à la colline située à l'est dans le quartier du Rione Aia Piccola.
On peut y voir quelques centaines de trulli, 590 précisément selon le Guide Bleu (ou 400 selon Caterina, moins généreuse) qui présentent l'avantage d'être encore des habitations et non pas des commerces comme on le verra dans l'autre secteur de trulli que l'on voit sur la colline d'en face. Nous allons circuler dans la "ruelle" Giuseppe Verdi et les ruelles et impasses adjacentes.
Pour être habitables selon les critères moderne, les constructions ont été plus
ou moins transformées avec des traces visibles de l'extérieur: portes agrandies,
percement de fenêtres (certes modestes), annexions de trulli voisins pour avoir
des pièces supplémentaires, voire construction contiguë... De même, en dehors de
quelques murets de jardins, on ne voit plus vraiment de pierres sèches compte
tenu de l'inconfort de ce dispositif: entrée d'air, de parasites et autres
intrus... Au mieux, les pierres restées apparentes ont été jointoyées, de plus,
parfois elles sont recouvertes d'un badigeon de chaux mais, le plus souvent,
elles disparaissent sous un enduit peint en blanc.
Certaines souches de cheminées sont surmontées d'un chapeau-girouette en métal
découpé de différents forme dont le but n'est pas principalement décoratif mais
de faciliter l'évacuation des fumées, en mettant l'orifice sous le vent.
Caterina nous précise que les toitures doivent être remaniées au bout d'une
soixantaine d'année pour rester bien étanches. Il en coûte 10 000€.
Après la visite de ce quartier, nous gagnons le centre de la ville par la Via Lamarmora avec une vue sur le Rione Monti, tout proche. Nous arrivons sur la Plaza del Popolo (Place du Peuple) où se trouve l'Hôtel de Ville (Municipio) et non loin de là l'église San Giuseppe Artigiano. En direction du nord, nous remontons le Corso Vittorio Emanuele qui se termine sur le parvis de la basilique mineure des Saints Cosme et Damien (deux frères, médecin et pharmacien, établis en Asie Mineure et morts martyrs au IVe siècle). C'est un édifice bâti en 1882 par l'architecte Antonio Curri sur les bases de la chapelle du XIIe siècle.
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Encore un petit effort: 50
mètres par la Via del Gesu bordée de trulli, pour voir face à nous le
Trullo Sovrano qui est en fait une demeure faite de trulli accolés (une
douzaines de cônes) mais qui se distingue surtout par le fait d'avoir un étage
habitable puisqu'il fait 14 mètres de haut et que sa maçonnerie est montée au
mortier. En effet, c'est un trullo relativement récent, de la première moitié du XVIIIe siècle. Il a été
constitué à partir d'un premier trulli du début du XVIIe pour le compte du
prêtre Cataldo Perta (le bâtiment était alors nommé Corte di Papa Cataldo). Il a
servi de chapelle, boutique, monastère, reliquaire (des Saints Cosme et Damien,
patrons de la ville) avant d'être acheté en 1861 par le riche fermier Giuseppe
Sumerano qui en fit son habitation. La famille en est toujours propriétaire et
le trullo surnommé "Souverain" (Sovrano) a été
aménagé en musée (pour les touristes individuel, le plein tarif est de
1,50€) afin de montrer comment se habitants l'occupaient au XIXe siècle.
On y découvre une grande
pièce, la chambre des maîtres, la salle à manger, les cuisines (principale et
annexe), le garde-manger et, à l'étage, la chambres des invités. A l'arrière du
trullo, un passe dans un joli petit jardin.
Nous refaisons à pied le chemin inverse pour rejoindre par la Via Bamenzano l'esplanade Largo Martellotta que surplombe les rues montantes du Rione Monti, toutes bordées de trulli souvent remaniés et transformés en boutiques de souvenirs et commerces de produits régionaux (huile d'olive, nougats, amandes, liqueur de limoncello, vins, céramiques).
Nous remontons sur une bonne longueur la très pittoresque (et
marchande) Via Monte San Michele. Ce quartier qui couvre 6
hectares compte 1030 trulli (ou 1200 selon Caterina, plus généreuse cette fois) et il est antérieur à celui du Rione Aia Picolla.
Les trulli que l'on peut voir datent en majorité des XVIIIe, XIXe et XXe
siècles car, le quartier s'est encore densifié au début du XXe siècle avant de
subir une désaffection à la fin du même siècle, avant le classement par
l'Unesco.
Parvenus à mi-hauteur, on a une vue sur une
mer de toits coniques surmontés de pinacles. Ces pinacles de formes diverses
(disque, boule, cône, vasque, étoile) ont à la fois un rôle décoratif, servent
de signature au maçon et en font poids assuraient la stabilité des dernières
assises circulaires de pierres. On peut aussi apercevoir quelques uns des
symboles chrétiens qui sont parfois badigeonnés à la chaux sur certaines
toitures que certains voient chrétiens (croix, cœur transpercé, ostensoir, croix à l'arbre,
colombe figurant le Saint-Esprit, croissant de lune avec croix) et d'autres
païens (roue solaire symbolisant Vénus, croix ansée autrement dit de
l'ânkh (hiéroglyphe égyptien), le chandelier juif à 7 branches (menorah) ou l'oeil
Oudjat dans un triangle (symbole du dieu faucon Horus dans l'ancienne Egypte, dans le
christianisme ou la Franc-Maçonnerie).
Mais nous
n'aurons pas le temps de monter au sommet de la colline pour voir l'église San
Antonio, pastiche géant de trullo bâti en 1926.
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Nous quittons notre guide après cette journée riche en découverte. Après avoir jouer à enquiquiner des mamies conductrices, Claude nous conduit en une vingtaine de minutes vers Castellana Grotte, à une dizaine de kilomètres plus au nord. Nous allons y loger à l'hôtel Semiramide 4*.
Salle
de banquets de mariage un peu kitsch, belle vaisselle mais menu quelconque:
pâtes au basilic et aux champignons, let pané servi avec des morceaux
d'une sorte de quiche, escalope de porc en sauce avec des pommes de terre
rôties... Rosaria la guide et Jean le Vendéen mettent de l'ambiance et
esquissent quelques pas de danse. Pour se racheter de n'avoir pas servi le menu
que Rosaria nous avait annoncé, le chef de salle nous offre des alcools maison
arrangés (macération de fruits).
Il
est 20H30, la dessus nous mettons une bonne nuit de sommeil...
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