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Il est 8H et après ses
acrobaties matinales de barre fixe dans le bus, Claude nous emmène pour un petit
trajet d'une soixantaine de kilomètres par le chemin des écoliers.
Sans visiter les fameuses grottes de Castellana, visite non prévue au programme.
Ce matin, un grand soleil est de la partie mais avec des températures
raisonnables (22°).
Nous quittons donc Castellana. par une petite route d'où nous apercevons des trulli au milieu des champs, des vergers (cerisiers), des oliveraies, des champs de blé moissonnés où sont encore restées les bottes de paille cylindriques et aussi des champs de panneaux solaires. Bientôt nous sommes à l'entrée de Gioia del Colle, face à l'imposant bâtiment industriel en cours de restauration, l'ancien moulin et fabrique de pâtes "Mulino a Cilindri e Pastificio".
En raison de travaux, Claude va encore être amené à improviser un itinéraire très champêtre par une route qui devient sinueuse et surtout franchement étroite, ne permettant pas à des véhicules autres que des Fiat 500 de se croiser, d'autant qu'il est bordée de murs de pierres sèches. Un petit air de Connemara si ce n'est un ciel plus lumineux, la présence coquelicots et l'absence de moutons. Jeu de marche arrière pour croiser un tracteur puis bientôt un camion citerne.
Nous sommes maintenant dans la région de Basilicate. Paysage de champs
moissonnés, de vaches au pâturage, d'éolienne en construction, de champs
de panneaux photovoltaïques, d'ancienne citerne....
Paysage vallonné et vert à
l'approche de Matera. Puis ce sont des rochers déchiquetés en forme de dents qui
nous accueillent sur la route pentue qui monte à Matera. Nous nous stationnons
sur un parking au pied de l'immeuble moderne et blanc du Palais de Justice.
Le site de Matera se situe sur un plateau calcaire entaillé par la rivière Gravina. Sur les bords de cette vallée encaissée des grottes ont déjà servi d'abri au Néolithique. Grecs et Romains avaient construit sur le plateau. Les troubles du début du Moyen Age conduisent les moines byzantins à se réfugier dans les grottes. Pendant la domination normande, la ville connaît une période de prospérité, on y construit le château et les remparts. La population s'accroît et occupe les grottes situées en dehors des remparts dans les sassi ("rochers", "pierres" en italien), deux amphithéâtre naturels, le Sasso Caveoso et le Sasso Barisano. C'est un habitat semi troglodytique dans la mesure où la partie excavée est prolongée par une construction en façade. Souvent les habitations se superposent en partie formant des gradins.
A partir du XVIe siècle et de l'occupation catalano-aragonaise, la ville ne possède plus le même rayonnement et
les Sassi
abritent une population de plus en plus démunie.
La population misérable de cette ville émigre en masse durant un siècle, du
milieu de XIXe jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. Des familles avec
jusqu'à une demi douzaine d'enfants s'entassaient dans une unique pièce servant
de salle à manger, de chambre à coucher et d'atelier. Ce pauvre refuge n'avait
ni l'eau courante, ni l'évacuation des eaux usées. Matera, chef-lieu
administratif de province, a été rendue tristement célèbre dans le monde
entier comme capitale de la misère par le livre de Carlo Levi "Le Christ
s'est arrêté à Eboli" publié en 1945.
En 1952, le gouvernement italien adopte la
"Loi Gasperi" (du nom du Président du Conseil Alcide De Gasperi) décidant
le relogement de la population des sassi dans des constructions neuves. Certains
habitants s'y sont maintenus mais quelque 15 000 à 20 000
autres ont
abandonné leur sasso au cours de la vingtaine d'années jusqu'à la fin des années
1970. En 1964, le site se prêtait encore parfaitement au tournage du film
"L'Evangile selon Saint Matthieu " de Pasolini.
En 1986, l'Etat a lancé un
programme de réhabilitation avec des aides européennes et des contraintes
architecturales fortes de sorte que les habitations des sassi les mieux situées deviennent
l'apanage des bobos. Quelque 3000 habitants sont installés maintenant dans
les sassi.
Les sassi ont été classés au Patrimoine Mondial de l'UNESCO
en 1993, ce qui leur a encore redonné de la valeur.
Il est 9H45 lorsque nous arrivons sur la longue place biscornue appelée
Piazza Plebiscito après l'unification de l'Italie et rebaptisée Piazza
Vittorio Veneto, après la guerre 14-18. En attendant notre guide, nous avons
le temps de faire un premier tour de la place.
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La
bordant au sud, c'est la "Fontaine Ferdinand" restaurée par le roi Ferdinand II de Bourbon
en 1832. Située au pied de la colline du château, elle recueillait l'eau de la colline. Après la Seconde Guerre mondiale,
n'ayant plus cette fonction
d'approvisionnement, elle fut transférée dans les jardins municipaux avant de
retrouver sa place ici, en avril 2009.
Sur le côté ouest de la place se dresse le Palais de l'Annonciation, un édifice du XVIIIe siècle construit sur les vestiges d'une tour et de fossés. Il a d'abord accueilli le premier monastère dominicain, avant de servir de Palais de Justice en 1865 puis d'école. Aujourd'hui, le bâtiment qui domine la place centrale héberge la médiathèque et la bibliothèque provinciale et une salle de cinéma.
Sur le même coté et un peu plus haut, on arrive au Palais du Gouvernement (Palazzo del Governo) qui occupe un angle de rue et abrite les services de la préfecture aménagés dans l'ancien Couvent Saint Dominique voisin de l'église du même nom et construits à partir de 1230 dans le style roman des Pouilles. Sur la façade de l'église on peut voir une très belle rosace encadrée par quatre statues. La rosace est supportée par un Atlante tandis que l'Archange Michel occupe la partie supérieure. Au centre de la rosace on a représenté un chien tenant une torche dans la gueule ("la flamme de la Foi"), le symbole des Dominicains. L'édifice a été remanié en 1774 avec notamment la construction d'un dôme hémisphérique à caissons.
Les travaux effectués sur la place en 1992 ont mis à jour l'hypogée situé sous la place principale, révélant une véritable ville souterraine soutenue par des arcades avec notamment une ancienne citerne d'une capacité de 5000 m³, appelée Palombaro lungo, les vestiges d'une tour, des caves ou encore l'église bénédictine du Saint Esprit du IXe siècle qui conduit par un passage au Sasso Barisano... Au dessus de cette crypte, à la suite de l'église Saint Dominique, l'église de l'Esprit Saint (Spirito Santo) a été construite à la fin du XVIIe siècle, remarquable par son clocher-mur ou clocher-peigne à deux cloches entouré d'une balustrade soutenue par des accessible par un escalier extérieur. Depuis 1946, elle a été renommée Chiesa Mater Donini.
Nous terminons notre tour de reconnaissance en allant sous les arcades du
côté est de la place, arcades qui donnent accès au "Belvedere
Liuggi Guerricchio" offrant une vue imprenable, plongeant directement
sur le Sasso Caveoso tandis que la vue vient butter sur l'éperon qui sépare
les deux sassi, éperon sur lequel est bâtie la cathédrale (Duomo) qui
date de la fin du XIIIe et facilement reconnaissable par son unique haute tour à
gauche de la façade.
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Sur
une placette, se dresse non pas la façade d'une église mais celle du Palazzo del Sedile
("Palais du Siège") un peu délabré qui sert de Conservatoire de musique Egidio Romualdo Duni. Construit en 1540, le Conseil
municipal s'y réunissait jusqu'en 1944. L'entrée se fait par le grand arc central encadré de
deux tours rococo à la base desquelles sont placées les statues de Sant'Eustachio
et de la Madonna della Bruna (Sainte Irène), les saints patrons de la ville.
Rapide coup d'oeil sur la place voisine et l'église Saint François d' Assise
(nous y passerons en remontant).
Retour sur la place du Sedile avec un petit arrêt dans une boutique où l'on peut
voir des céramiques originales, les fameux sifflets appelés "cucu"
(coucou), une flûte globulaire à un trou, en forme de coq en terre cuite avec un
émaillage polychrome. Jadis il servait à éloigne les mauvais esprits puis on
l'offrit aux jeunes mariés comme symbole de fertilité. C'est devenu un gadget
pour enfants et touristes depuis les années 1950.
D'ici, on aperçoit sur notre gauche la haute et austère muraille du Couvent de Saint-Augustin
situé dans le Sasso Barisano et construit en 1593 (sur
l'ancienne crypte de San Giuliano datant du XIIe siècle).
Nous quittons la place par une rue en escalier passant sous le porche "Gradoni municipio"
situé à gauche du Palazzo.
En parcourant le labyrinthe des ruelles, porches et escaliers, on voit immédiatement que les habitations comportant le plus d'extension hors grotte
et les mieux exposés sont aussi ceux qui apparaissent occupés et sont bien restaurés car leurs habitants peuvent
plus facilement y trouver le confort attendu de nos jours. Nous continuons
à descendre par des rues pavées et parfois en escalier aménagés, comme on pourra
le voir, pour la circulation occasionnelle de véhicules avec des pâtés de ciment
adossés aux bordures afin de permettre leur franchissement. De belles demeures
voisinent avec des placettes à l'habitat plus vétuste.
Bientôt la vue se ferme par
le rocher du Monterrone surmonté d'une croix métallique et percé de grottes
et d'églises rupestres. En se retournant vers la
ville haute, on aperçoit les clochers de la Cathédrale (sur la droite), de
l'église Saint François d'Assise (au centre) et de l'église du Purgatoire (à gauche).
Nous arrivons bientôt au
bord du ravin de la Gravina, sur le parvis de l'église des Saints Pierre et
Paul (San Pietro Caveoso). Sa construction remonte à 1218. Le bâtiment a subi des modifications et
des rénovations au cours des siècles notamment au XVIIe avec l'ajout de la
façade et la construction de la tour de style baroque.
De la place, d'un côté on a une très belle vue sur l'autre côté du ravin percé
de nombreuses grottes que les touristes en plus long séjour dans la ville sont
en train de visiter. De l'autre côté, se dresse le bloc rocheux du Monterrone
qui domine la partie basse du Sasso Caveoso et est occupé par les églises
de Santa Maria de Idris et San Giovanni (en crypte dont l'accès se fait par
un tunnel creusé dans la roche).
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Nous allons maintenant visiter la Casa Grotta di Vico Solitario, une ancienne
demeure aménagée en musée. La visite est précédée d'une présentation
audiovisuelle. La grotte exposée au sud-est a été réduite et remaniée en 1948
lorsque a été construit le mur de soutènement de l'éperon rocheux de l'église de
la Madonna de Idris. Les 55,50m² qu'elle couvre sont pour 70% en grotte et le
reste en extension maçonnée. Dans les différentes pièces de la grotte, on peut
voir la cuisine, et une grande salle servant tout à la fois d'écurie avec
l'outillage agricole, de salle à manger, de chambre (le berceau du bébé était
posé sur une commode pour gagner de la place)...
Pour remonter, Angela nous conduit par un itinéraire moins pentu. En remontant tranquillement on peut observer des détails comme c'est étranges anneaux de pierre faisant saillie d'un mur ou les fossiles de coquillages parfaitement conservés apparaissant dans la pierre calcaire utilisée pour les construction. Le soleil au zénith sèche les vêtements suspendus à des fils au-dessus des rues ou au long des façades.
La
Calata Domenico Ridola débouche au coin de la Piazza Giovanni Pascoli d'où
on a une superbe vue sur les sassi depuis un belvédère.
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La place se prolonge par
la large rue Domenico Ridola rendue piétonnière. Nous passons devant la
longue façade d'un autre musée, Museo Nazionale Domenico Ridola,
installé dans l'ancien Couvent des Clarisses (Santa Chiara) construit entre
1668 et 1702 et qui avait eu un usage d'hôpital. Puis elle servit d'habitation
et enfin d'entrepôt où le sénateur Domenico Ridola, passionné d’archéologie, y
stockait ses collections avant d'en faire don à l'Etat.
Lui fait suite l'étonnante
Église du Purgatoire, construite entre 1726 et 1747 dans le style baroque
tardif, avec une une façade décorée sur le thème de la mort et de la rédemption
des âmes. Le portail en bois est divisé en 36 carrés
montrant dans la partie supérieure les crânes de prélats (coiffé de mitre
ou de tiare) et des rois et dans la partie basse ceux de
gens ordinaires. Sur la façade une inscription dit à peu près ceci "Le
triomphe de la mort et la fugacité de la vie". Le côté sinistre est
encore accru par le relief présentant des squelettes et un personnage qui brûle
dans les flammes. Toujours à l'extérieur, de chaque côté de l'entrée, deux
petits piliers de pierre sont également couronnés de crânes. L'intérieur est en
forme de croix grecque surmontée d'une coupole octogonale peinte. Le maître-autel abrite les reliques des
saints Jean de Matera, Calixte et Prospère.
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Nous voici revenu près de
la fontaine, à l'extrémité de la vaste place Vittorio Veneto.
Il est exactement midi. Angela nous quitte et nous avons un petit quart d'heure
de quartier libre avant de nous enfoncer dans une ruelle toute proche, Vico San
Giuseppe, pour aller déjeuner.
La
terrasse panoramique du restaurant Il Terrazino offre une vue superbe sur
le Sasso Caveoso. Je profite de cette heure où le personnel est très occupé
pour suivre Rosaria et Claude dans les caves qui s'enfoncent très loin et très
profondément sur deux niveaux creusés dans le rocher. Le vin ne peut qu'y passer
du bon temps mais on ne se permet quand même pas une dégustation.
Au menu : pâtes fraîches à la tomate et au basilic, assiette de viande
comportant côtelette de porc, steak, saucisse avec garniture de frites. Pour
finir, glace aux trois chocolats.
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Nous quittons le restaurant à 13H15 pour retrouver notre car par les rues Ascanio Persio et Don Giovanni Minzoni, en passant devant l'immeuble de la Chambre de Commerce, d'Industrie et de l'Artisanat.
Nous
quittons la ville à 14H et, sous un ciel redevenant de plus en plus gris,
un long et ennuyeux trajet de 250 kilomètres que nous mettrons un peu plus de 4
heures à parcourir car il nous faut traverser la région Basilicate d'est en
ouest puis, après Potenza, remonter la moitié de la Campanie en direction de
Naples. Tout cela ponctué d'averses, de tunnels et viaducs, de chantiers
de travaux avec leurs déviations.
Petite pluie maintenant qui gâche la vue sur les collines couronnées de
villages: sur la droite Montecaglioso avec son clocher et sur la gauche
Miglionico avec son château fort carré. Nous rejoignons la voie expresse E847 qui
remonte la vallée du fleuve Agri, long de 135km qui se jette en Mer
Ionienne, dans le Golfe de Tarente.
Bientôt les dents acérées des Apennins se dressent à l'horizon, noyées dans la
grisaille. Nous passons dans la périphérie sud de la ville de Potenza (70 000
habitants), chef-lieu de la province du même nom. Une dizaine de kilomètres
plus loin, sur la droite, nous apercevons la colline de Picerno coiffée par son
église et son château. Après Vietri di Potenza, on passe en Campanie et on
rejoint bientôt l'autoroute A3 et la vallée du Tanagro.
Ce trajet sans visite et dans la grisaille est égaillé par les gauloiseries de
Claude et de Jean. Ajoutons-y des histoires plus relevées de Michel et les
chansons de l'épouse de Jean que l'on a surnommée "Edith" à cause de son
répertoire...
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Enfin
c'est Eboli, la plaine côtière, les marbriers de Battipaglia et de Pontecagnano,
la Mer Tyrrhénienne avec le Golfe de Salerne, puis le massif qui se
prolonge par la péninsule de Sorrente. Nous voyons maintenant le Golfe de
Naples, le Vésuve et à ses pieds Pompéi.
Nous traversons Castellammare di Stabia
pour rejoindre notre hôtel qui sera notre "port d'attache" pendant 3 nuits.
Rosaria apprécie également de retrouver son foyer pendant ces quelques
soirées...
Il est plus de 18H15. Castellammare est une ville de
65 000 habitants, bâtie sur les ruines de l'antique Stabiae. C'était un
lieu de villégiature et de thermalisme apprécié des Romains qui avaient
conquise la petite cité grecque en 340 avant J-C. La ville fut détruite lors de
l'éruption du Vésuve en l'an 79. La première partie du nom composé donné à la
ville, fait référence à un château.
L'hôtel dei Congressi se trouve au sud de la ville, au pied des collines boisées avec des établissements thermaux (site connu depuis l'Antiquité), avec de l'autre côté vue sur le Golfe de Naples et le Vésuve.
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C'est un hôtel un peu
vieillot dont les 4 étoiles ont pâli. Sur ces cinq niveaux, il dispose de 92
chambres, de 4 suites et de plusieurs salles pour des conférences et des
banquets. Le mobilier des chambres en bois sculpté et marqueterie est à la
fois pompeux et vintage.
Des chambres, les vues sont intéressantes: au sud vers les collines boisées des
Monts Lattari, au nord vers le Vésuve et la baie de Naples.
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