CASTEL DEL MONTE

 


EPOPEE NORMANDE
des ducs aux rois de Sicile
...

Prenons l'histoire de ses conquérants de Normands à son début.

DU DUCHE DE NORMANDIE...

Tout commence avec Rollon. Pour apaiser ce pillard viking probablement originaire de Norvège, Charles le Simple, roi de l'embryon qui deviendra la France, lui céda l'ouest de son territoire, c'est-à-dire la Normandie, lors du traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911. Vassal indocile du roi franc et baptisé, il prit le nom de Robert Ier le Riche. 
Piètre converti, après maints démêlés avec les Francs, en 927 la Normandie passa à son fils, Guillaume Ier, dit Guillaume Longue Epée. Il gouverna au gré d'alliances changeantes jusqu'à son assassinat en 942. 
Les Normands même christianisés continuaient encore à pratiquer une forme de polygamie. Ceci permit à son fils naturel Richard Ier de Normandie, dit Richard Sans-Peur, de lui succéder. Tout en continuant d'accueillir des pillards danois, il reconnaît Hugues Capet comme suzerain. et en épouse la soeur. 
C'est d'une concubine qu'il eut un fils qui lui succéda encore mineur en 966, sous le nom de Richard II de Normandie, dit Richard l'Irascible ou Richard le Bon. Ce quatrième duc de Normandie fut un bon administrateur de son territoire et favorisa la vie monastique. Cependant les pillards scandinaves sont occasionnellement encore accueillis en Normandie. 
Son jeune fils aîné, Richard III, eut à peine le temps de régner une année (1026-1027) avant de mourir empoisonné probablement par son cadet.
Celui-ci prit le pouvoir sous le nom de Robert Ier de Normandie, dit Robert le Libéral ou Robert le Magnifique. D'un tempérament violent, il fit pourtant le pèlerinage de Jérusalem, en passant par Rome et par Constantinople. Il mourut sur le chemin du retour en 1035.
Nous en arrivons au septième duc et pas le moindre, Guillaume le Conquérant, fils naturel de Robert (qui ne s'était pas marié) aussi connu sous les noms de Guillaume le Bâtard, Guillaume II de Normandie, et enfin, Guillaume Ier d’Angleterre puisqu'il en fit la conquête en 1066. Il règle sa succession en partageant son héritage entre deux de ses fils. 
A sa mort en 1087, Robert II de Normandie dit Courteheuse devint duc de Normandie tandis que le royaume d'Angleterre revint à Guillaume II d'Angleterre, dit Guillaume le Roux. Des épisodes de conflits opposèrent les deux frères jusqu'au départ de Robert à la Première Croisade en 1096, passant par le sud de l'Italie tenu par le Normand Roger Borsa où il trouvera son épouse Sybille de Conversano, fille du comte normand Godefroi de Conversano et petite-nièce de Robert Guiscard. Après son retour, Robert entra en conflit avec son jeune frère, Henri Beaucler devenu Henri Ier d'Angleterre à la mort de Guillaume. En 1106 il fut vaincu par ce dernier et emprisonné en Angleterre où il mourut en 1134.
Ainsi s'éteignit  cette lignée des ducs normands au profit des rois-ducs Plantagenêts jusqu'à la conquête de la Normandie par la France en 1204.

...AU ROYAUME DE SICILE

Dès le début du XIe siècle déjà, des Normands partiront s’illustrer et chercher fortune par petits groupes en Espagne, combattant les Maures aux côtés des rois chrétiens, mais surtout en Méditerranée, en Italie du Sud et en Sicile, jusqu’à Byzance et en Asie mineure, et enfin, en Terre Sainte, à l’époque des croisades. 
Le "Chemin des Français" ou plutôt devrait-on dire le "Chemin des Normands"  qui se rendaient en pèlerinage voire en croisade vers la Terre Sainte, se terminait au Monte Sant'Angelo, dans le massif du Gargano (1055 m.), un promontoire qui s'avance dans la Mer Adriatique. De là, ils partaient vers Jérusalem, en passant par Constantinople (Byzance). C'est ainsi que cette région des Pouilles a pu constituer un point d'ancrage pour les Normands toujours en quête de nouveaux espaces à conquérir pour installer leurs nombreuses familles.

On estime il y eut un flux constant de départs du duché de Normandie vers l’Italie du Sud, flux évalué à quelques centaines de Normands par an pendant un siècle environ. Cette conquête fut menée sur une longue durée, de plusieurs générations, par de petits seigneurs normands de rang modeste incapables de donner des terres à leur famille nombreuse, et ne fut ni dirigée ni même inspirée par le duc de Normandie. Sans plan de conquête, ils surent saisir les occasions favorables pour s'imposer. 

Tancrède de Hauteville, petit seigneur normand (de Hauteville-la-Guichard à une vingtaine de kilomètres de Coutances) auquel on prête parfois une ascendance ducale avait eu au moins une douzaine de fils de ses deux épouses. 
A partir de 1035 arrivèrent en Italie du sud cinq frères Hauteville, avec notamment Robert Guiscard et son jeune frère Roger Bosso (futur Roger Ier de Sicile). Après le schisme de 1054 entre Rome et Byzance (c'est l'origine de la religion orthodoxe), le pape favorisa la présence des Normands en Italie du sud qui était aux mains des Byzantins, et s'en fit des alliés. En 1059, le pape Nicolas II reconnut Robert de Hauteville, dit Robert Guiscard, comme souverain de ce territoire.
Après avoir pris l'Italie méridionale (1040-1071), de là, nantis d'un statut princier, ils partirent à la conquête de la Sicile (1061-1091) et de Malte (1090) sous domination musulmane.

Le frère de Robert Guiscard, Roger Bosso, le grand comte Roger de Hauteville (futur Roger Ier), mena une conquête de 30 ans de 1061 à 1091, s'emparant de Messine en 1061, Catane en 1071, Palerme en 1072. 
Son fils, de comte devint premier roi de Sicile en 1130 sous le nom de Roger II, pratiquement au même moment où un autre célèbre Normand devenait roi d'Angleterre comme on l'a indiqué plus haut..
En 1154, lui succéda Guillaume, son quatrième fils, sous le nom de Guillaume Ier de Sicile, dit Guillaume le Mauvais qui vivait à la mode arabe. Il est remplacé en 1166 par son fils, Guillaume II de Sicile dit Guillaume le Bon. Il mourut à 35 ans, sans héritier. Le royaume devait revenir à sa tante Constance de Hauteville, fille posthume de Roger II de Sicile, qu'il fit sortir du couvent à l'âge de 30 ans afin qu'elle épouse le cruel et sévère prince impérial Henri IV de  Hohenstaufen, fils de l'empereur romain germanique Frédéric Barberousse... A 40 ans, elle put enfanter un héritier, le futur Frédéric II de Souabe et roi de Sicile, auquel on doit le peu banal château de Castel del Monte...

Ainsi, par alliance, en 1189, le royaume de Sicile échut à l'une des familles les plus puissantes de la partie rhénane du Saint Empire romain germanique...

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Etape prédédente: SAN GIOVANNI ROTONDO
Etape suivante: ALBEROBELLO

Jeudi 29 mai

Petit trajet d'environ 120 km par le chemin des écoliers jusqu'à l'autoroute A14 à Cerignola soit près de 2 heures de trajet.

Nous quittons San Giovanni pour redescendre vers la plaine côtière de Manfredonia (du nom d'un roi de Sicile du XIIe siècle, fils illégitime de Frédéric II) qui était encore une zone de marécages à malaria il y a un siècle... On peut d'ailleurs voire des canaux, non pas d'irrigation mais de drainage. Des cultures de plein champ voisinent avec des cultures sous serres. On voit également d'anciennes maisons construites par l'O.N.C. qui avait contribué à la mise en valeur de ces terres.

Nous quittons l'autoroute que nous n'avons empruntée que sur une quarantaine de kilomètres
La région des Pouilles, frontière entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, a joué ces dernières années un rôle majeur dans les trafics liés à l'immigration clandestine, au travail clandestin et à la prostitution. Cette dernière est visible même sur les petites routes de campagne comme on pourra le constater en voyant des jeunes femmes ou des travestis postés près de carrefour.
Nous nous dirigeons maintenant  vers le sud en direction du Parco nazionale dell'Alta Murgia. Mais nous nous arrêterons à l'orée de cette zone boisée où une colline de 550 mètres d'altitude attire le regard par l'étrange château qui la couronne. La couleur claire de ses pierres tranche avec la frondaison sombre des conifères qui l'entourent.

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 Bref historique: Frédéric II et le symbolisme...

Notre jeune guide Caterina nous attend. Elle assurera parfaitement son rôle et nous aurons le plaisir de l'avoir à nouveau comme guide pour notre étape suivante à Alberobello.

Ce château fut bâti au XIIIe siècle par Frédéric II de Sicile et par ailleurs empereur du  Saint-Empire romain germanique de 1220 à 1250 sous le nom de Frédéric II de Hohenstaufen. Souverain éclairé pour son temps, polyglotte et mécène, il avait été éduqué par un  précepteur musulman) à Palerme. Il tenta d'établir la paix entre les Croisés et les Arabes. Il s'habillait à l'orientale,  s'entourait de savants du monde entier, s'intéressait aux mathématiques, à la médecine (dissection), aux  sciences (astronomie)  et aux beaux-arts,  édifiait des châteaux dont il traçait parfois les plans. Cela pourrait expliquer que ce château témoigne d'un mélange d'influences stylistiques très diverses: antique, arabe, roman, cistercien, gothique, classique.

L'édifice commencé en 1240 n'était sans doute pas tout à fait terminé lors de la mort du souverain, en 1250. Sans douves et donc sans pont-levis, on ne peut lui attribuer un rôle défensif. De même, les escaliers en colimaçon qui occupent les tours tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, ce qui s'opposerait au maniement des armes par les défenseurs du château qui auraient dû être gaucher. On en ignore donc l'usage mais il est certain qu'il témoigne de la passion pour le science de l'époque
La forme globale pourrait évoquer une couronne et la cour intérieure un puits de connaissance. La répétition du chiffre 8 avait sûrement une valeur symbolique. Le 8 est le symbole de l'infini. Le 8 octobre (alors huitième mois de l'année), un rayon de soleil traverse une pièce de part en part et s'en va éclairer un bas-relief sur le mur opposé de la cour. Plus simplement, on voit que chaque côté de l'octogone marque les directions cardinales et intermédiaires. Un numérologie, on peut aussi voir que 1250, année de la mort du roi, correspond au chiffre 8 (1+2+5+0=8). Caterina raconte l'anecdote du devin qui avait annoncé à Frédéric II qu'il mourrait dans une ville au nom de fleur. Pour éviter que la prédiction se réalise, le roi évita donc de se rendre à Florence. Mais en 1250, il se trouva à Fiorentino (près de San Severo, dans la province de Foggia). Or Fiorentino, c'est la petite fleur (fiore) et la prédiction se réalisa.

Largement en ruines, ce château fut acheté par l'Etat italien en 1876, il a été restauré entre 1928 et 1936.
Ce monument est classé patrimoine mondial de l'UNESCO
depuis 1996.

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 Description du château  

L'entrée principale est orientée plein est, c'est-à-dire dans l'axe exact du lever de soleil lors des équinoxes (à ces dates, à midi, l'ombre recouvre exactement la cour). Quant aux deux lions qui surmontent les colonnes placées de part et d'autre de cette entrée, ils  ont le regard dirigé vers les levers de soleil lors des solstices.

 

 

Le château est construit sur un plan octogonal avec un diamètre de 52 mètres, chacun des huit angles de l'octogone étant occupé une tour, elle-même octogonale. Ces tours encadrent une cour intérieure en forme d'octogone un peu irrégulier, dont les côtés mesurent environ 7 mètres pour un diamètre de près de 18 mètres. Sous la cour, une citerne recueille les eaux pluviales tandis qu'une fontaine octogonale occupait le centre.  Les tours sont hautes de 24 et accueillent des pièces sur deux étages.

En raison de ce dessin, les pièces situées entre chaque tour sont de forme trapézoïdale, le carré central étant surmonté d'une voûte d'arêtes dont les arcs sont purement décoratifs (certains ont disparu et la voûte subsiste).  L'intersection des nervures est marquée par  des clés de voûte  dépassant de l'intrados  différentes dans chaque pièce. Une corniche et des demi-colonnes sont adossées aux murs extérieurs.  Les pièces communiquent entre elles directement. Des ouvertures donnent sur l'extérieur et pour certaines sur la cour intérieure. Côté cour, trois portes s'y ouvrent au rez-de-chaussée et surtout trois portes richement décorées à l'étage devaient aboutir sur une galerie de bois aujourd'hui disparue, placée en encorbellement, afin de permettre de circuler sans avoir à traverser plusieurs pièces.
Le premier niveau est plus sobre dans sa décoration et dans l'éclairage des pièces par le mur extérieur, avec une fenêtre simple alors que l'étage est pourvu de fenêtre à meneaux, avec deux vantaux (et même une à deux meneaux et donc à trois ventaux).

La riche décoration d'origine a pratiquement disparu (pillage) depuis son abandon au XVIIe siècle: revêtements de marbre et pavages en mosaïque de style arabe  ainsi que les cheminées. En effet, l'édifice servit au cours des siècles de prison, d'abri de berger, de repaire de brigands... Même ainsi dépouillées, les salles vides restent belles. Les accessoires étaient en marbre blanc et en brèche coralline (un conglomérat calcaire avec des fragments de couleur banc-jaunâtre mélangés à un ciment rosâtre). Les encadrements de portes sont le plus souvent en porphyre.

       

 
Maintenant, sous un ciel devenu bien gris, toujours route au sud, vers Alberobello...

 


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