| ||||
| ||||
|
Départ
matinal de l'hôtel à 7H30 car nous devons nous rendre à la gare assez éloignée
afin de prendre le train de 8H. Il fait bien frais ce matin sur les quais de la
gare où les touristes occidentaux sont noyés parmi les Indiens. Arrivés en
avance, nous assistons au nettoyage avec une pompe à haute pression des voies
souillées d'étrons et autres déchets qui attirent les rats. Le train arrive
juste à l'heure. Suprême luxe, nous avons le privilège de monter en "classe CC" avec
climatisation (superflue en ce matin frais), service de rafraîchissement et d'une
collation et places réservées... Du moins des places réservées si celles qui
vous sont destinées n'ont pas été usurpées par une famille d'Indiens montés dans
le train dans une gare précédente.
Mahipal n'a pas voulu faire déménager les
squatteurs et il nous a tant bien que mal recasés dans des places encore
inoccupées (pour ma part, il m'a encore fallu changer de place à deux reprise).
Lors du passage du contrôleur, il a fallu lui expliquer ces manœuvres de
substitution...
L'itinéraire nous a fait passer par les petites villes comme Dholpur sur les rives de la rivière Chambal (un affluent de rive droite de la Yamuna) avec une plaine tourmentée et profondément ravinée. Puis ayant changé d'Etat à mi-parcours, c'est Morena dans le Madhya Pradesh. Spectacles habituel de la vie villageoise: petits ateliers de mécanique et de pneus, marchés aux légumes, écoliers sur la route ou dans les cours d'écoles... On peut apercevoir aussi des enfants au crane rasé. Ce n'est pas le résultat d'une chimiothérapie mais d'une tradition.
LES CRÂNES RASÉSLa tête des enfants est sacrée en Inde et plus généralement en Asie comme on l'a déjà vu. On ne la touche pas.
A cela, en Inde s'ajoute une autre tradition.
Les enfants indiens, garçons comme filles (pour ces dernières, on peut parfois lire que l'interprétation n'est pas religieuse mais par coquetterie pour stimuler la repousse), sont soumis à leur première tonte vers l’âge de 3 ans (ou 5 ans?), lorsque l'enfant commence à s'alimenter seul et à se libérer de la dépendance de sa mère. Toute leur chevelure est alors rasée. C’est le Chudakarana (ou Mundana), une des cérémonies de l’hindouisme, l’un de 16 rites sacrés des Védas, vieux de plus de 4 millénaires. On les débarrasse des cheveux qui les lient à leurs vies antérieures car les cheveux sont associés à des mémoires karmiques indésirables.
Le père et la mère s’assoient autour du feu et tandis que la tête du bébé est rasée. Le père récite quelques mantras (des prières) en offrant les cheveux coupés comme aux dieux. Comme tous les rites de passage de l’hindouisme, il est de bonne augure de donner au temple une offrande et d’exécuter un rite avec le feu en ce jour spécial pour son enfant. La tête rasée est enduite de pâte de bois de santal. Parfois ne mèche de cheveux est laissée sur le sommet du crâne, appelée shikha ou chuda, pour protéger le crâne et ainsi l’être de la mort.
Hormis le passage de l'enfance, certains se rasent en signe de renoncement avant de s'engager sur une voie spirituelle... A l'instar de la pratique des moines bouddhistes qui remonte par ailleurs en fait à des coutumes hindouistes. D'autres le font en signe de deuil comme on le verra à Bénarès. Ainsi l'homme (généralement le fils aîné) qui va devoir allumer le bûcher funéraire se rase-t-il la tête, ne laissant subsister qu'une petite queue de cheval de la circonférence de l'occiput sensée passer au travers d'une bague...
A Tirupati ainsi que dans les dix plus grands temples des quatre Etats du sud de l'Inde (Karnataka, Tamil Nadu, Kerala, Andhra Pradesh), les hommes et femmes de tous âges vont offrir leurs cheveux au Dieu Viswarupa Sarvadarsanam ou à Shiva, Vishnou ou Muragan en échange d'une vie plus confortable, d'une santé meilleure ou de l'arrivée d'un enfant. Cheveux qui sont vendus pour confectionner des perruques...
A propos de cheveux, il faut savoir que les hommes musulmans de retour d'un pèlerinage à La Mecque se teignent souvent les cheveux et la barbe au henné.
Les 120 kilomètres nous
séparant de Gwalior ont été
parcourus en une heure et demie comme prévu.
Gwalior compte près de 2 millions d'habitants, capitale du district de Gwalior,
c'était la capitale de la région historique de Gird (XIe siècle). La ville est
cernée par trois grandes zones industrielles qui contribueraient très
certainement au fait que cette ville soit aujourd'hui la seconde plus polluée au
monde, après Zabol en Iran (suivie en troisième position par la ville indienne
Allahabad située en Uttar Pradesh), détrônant Delhi qui était encore en tête du
classement en 2014 (passée maintenant au neuvième ou onzième rang).
La citadelle, située au nord-est de l'enceinte extérieure, est une belle bâtisse
de pierre jaune, ornée de carreaux de terre vernissées d'influence chinoise, avec
des décors animaliers (canards, tigres, éléphants, crocodiles...). Le palais Man Mandir a été construit par Rao Man Singh (du clan rajpoute des Tomar)
à la
fin du XVe siècle puis agrandi jusqu'au XVIIe par les empereurs moghols Jahângîr
et Shâh Jahân avant que l'empereur Aurangzeb ne le transforme en prison
politique. Cela ne lui porta pas chance car lui et son frère Mourad y furent
emprisonnés puis exécutés. Le palais comporte deux cours aux décors de grès magnifiquement
ciselés et bien conservés et s'élève sur quatre niveaux dont deux enterrés que l'on a pu
visiter à la lueur d'une lampe de poche. L'empereur Babur décrivait le
palais comme “la perle parmi les forteresses des hindous”.
Un astucieux système de transmission acoustique permettait de communiquer
entre les pièces à des étages différents.
En face de la forteresse le musée archéologique que nous visitons rapidement présente de nombreuses statues
intéressantes provenant d'édifices hindous et jains mais on ne peut pas y
prendre de photos.
En faisant un parcours d'un kilomètre, nous passons près d'une école privée et du temple moderne des sikhs, le Bandichor Gurdwana construit il y a une quarantaine d'années et dédié au 6e gourou des Sikhs, Hargobind (XVIIe siècle) devenu allié des Moghols après les avoir combattus.
La citadelle, le temple Teli-ka Mandir (XIe s.)
Toujours sur le plateau, nous poursuivons la visite par le Teli-ka Mandir, le
temple de la corporation des marchands d'huile, les "teli", qui date du
XIe siècle a connu une rénovation au XIXe siècle. Probablement dédié à Sûrya à l'origine, il est devenu par la suite un temple jain avant de revenir au
culte hindou qui l'a consacré à Vishnu avant de devenir un temple de Shiva au
XVe siècle. Il est désaffecté actuellement. L'édifice très élancé est peu orné, tant
à l'extérieur qu'à l'intérieur. Dans le parc alentour, on peut voir des statues
de tirthankaras.
La citadelle, les anciens temples jains Sas Bahu (XIe s.)
En redescendant vers la
ville par la route passant sous la porte Urwahi, petit arrêt aux grottes jains
avec leurs statues de Tirthankaras dénudés réalisées au XVe siècle. La plus
imposante, celle d'Adinath le premier maître du jaïnisme, mesure 17 mètres de haut, ce qui en fait la plus grande statue
existant en Inde du nord (le record se trouve en Inde du sud, à Shravanabelgola, avec une statue de 18 mètres qui remonte au Xe siècle).
| ||||
JAINS ET JAINISME
Le jaïnisme connaît ses débuts en Inde dès le Xe siècle avant notre ère mais
c'est avec Mahâvîra, "Le Grand Héros", 24e et dernier Tirthankara jaïn
(599-527 avant l'ère chrétienne), que le jaïnisme connaît une expansion
significative, au même moment que le bouddhisme.
Les jaïna croient en la réincarnation. La seule manière
d'échapper à la douleur est pour le jîva (l'âme) de se libérer des
transmigrations (samsara) successives auxquelles l'âme est
soumise et de parvenir ainsi au bonheur parfait éternel (nirvana). La
libération ou moksha s'obtient grâce aux différents moyens
définis comme les Trois Joyaux: la vision juste, la connaissance juste et la
conduite juste.
Le disciple jaïn doit méditer et pratiquer les quatre vertus suivantes
qui sont à la base des cinq grands vœux: Les
deux sectes principales du jaïnisme trouvent leur origine dans des évènements
qui se sont produits environ 200 ans après la mort de Mahâvîra.
Le schisme se produisit lorsque les chefs spirituels quittèrent le nord
de l'Inde pour fuir une famine en gagnant le sud du pays. Pendant
cette absence du chef spirituel, les Jains du nord renoncèrent à
la nudité, l'une des règles du jainisme originel.
Mahavira, appelé aussi Jina qui, comme le Bouddha, parcourut
la vallée du Gange.
Comme les Bouddhistes, les Jaïns rejettent
le système des castes et la domination des prêtres brahmanes. Ils
renient l'origine
divine et l'autorité des Veda et vénèrent certains saints,
les tirthankaras (''passeurs de gué''), prêcheurs de la doctrine et plus
modèles que dieux.
Le respect absolu de la vie fait que les jains les plus orthodoxes sont plus
que végétaliens, en refusant la consommation de racines (pommes de terre,
carottes...) car les cueillir, c'est tuer la plante. Les jains accompagnent
la recherche du salut spirituel d'un respect absolu de toute vie d'où leur
alimentation végétarienne et même végétalienne.
En pratiquant la doctrine de la non-violence, ils portent le respect de la vie
animale à ses plus extrêmes limites. Dans certaines sectes, ils
portent un tissu devant la bouche pour éviter que les insectes n'y pénètrent
et une brosse pour nettoyer l'endroit où ils s'assoient, pour ne pas déranger
ou écraser toute créature vivante.
À travers l'Ahimsâ, la non-violence, est enseigné le pardon. A travers
d'un mantra, le jain peut demander pardon et effacer ses péchés
c'est-à-dire brûler son mauvais karma pour atteindre l'éveil, le moksha.
La cérémonie du pardon se nomme Kshamapana et elle a lieu une fois dans
l'année lors d'un festival.
- Maitrî : l'Amitié pour tous les êtres vivants.
- Pramoda : la Joie de voir des êtres plus avancés que soi sur la
voie de la libération (Moksha) du cycle des réincarnations.
- Kârunya : la Compassion pour les créatures qui sont malheureuses.
- Mâdhyasthya : la Tolérance (ou Indifférence, se tenir au centre
comme le Purusha) envers ceux qui sont discourtois ou qui se
conduisent mal.
Les cinq vœux majeurs des jaïns sont
- Le vœu de non-violence: ahimsâ. C'est la "non-volonté de faire
souffrir les créatures", la "fraternité, compassion, charité universelle" ou
"le respect impérieux de toute vie". Un peu à la façon de St François-d'Assise.
- Le vœu de sincérité: satya. En termes simples, c'est ne pas dire
de paroles qui font du tort, mais le sens est beaucoup plus large.
- Le vœu d'honnêteté, de refus du vol: asteya. Voler, c'est prendre
ce qui n'est pas donné. Les jaïns disent qu'il ne faut prendre que ce que
l'on nous a donné.
- Le vœu de chasteté: brahmacharya. Le manque de chasteté est une
faute qui peut prendre des formes diverses. Pour les laïcs, le couple jaïn
doit pratiquer la fidélité absolue à son conjoint. Pour les ascètes (moines
et nonnes), le vœu de pureté signifie le célibat absolu et l'absence de
toute pratique sexuelle.
- Le vœu de non-attachement aux choses du monde, ou non-possessivité:
aparigraha. L'attachement aux choses du monde consiste à ne pas désirer
plus que ce dont on a besoin. Ainsi, l'accumulation de choses, même
nécessaires, l'émerveillement devant la richesse des autres, l'avidité...
Chez l'ascète (sadhu), cela se traduit par la non-propriété et le
renoncement pur et simple
A l'austérité
ascétique de leur vie s'oppose la luxuriance de leurs édifices religieux.
Ne représentant que 0,4% de la population, ils sont surtout présents
dans l'ouest de l'Inde (Rajasthan et Gujurat). Avec seulement 4,4 millions de croyants,
le jaïnisme est la plus petite des 10 religions principales du monde, mais
en Inde, les jaïns sont surreprésentés dans les secteurs économique
et politique.
Gandhi est un hindou mais né dans une famille ouverte
aux autres communautés religieuses, qu'elles soient jaïne, musulmane,
ou parsie. Il a été profondément influencé par la
façon de vivre jaïne, paisible et respectueuse de la vie, et il en
a fait une partie intégrante de sa propre philosophie. Son premier maître
spirituel (Gurû) a été un ascète jaïn, Shrimad
Rajchandra.
Le svastika est un symbole du
jaïnisme. Les points bleus entre les branches du svastika représentent les
quatre mondes: en haut à gauche, le monde des hommes, en haut à droite, le
monde des dieux, en bas à gauche, le monde des animaux et des plantes, enfin en
bas à droite, le monde des démons.
La visite de Gwalior terminée, une longue route nous attend pour rejoindre Orchha où nous devons déjeuner.
Du coup, pas le temps de visiter le palais Jai Vilas du maharaja de Gwalior. Dommage! C'est un vaste palais d'inspiration italienne aux riches collections et avec des gadget comme un train miniature pour transporter alcools et cigares autour d'une table dans la salle d'apparat également dotée d'impressionnants lustres (plus de trois tonnes) en cristal de Baccarat et portant 157 lumières. A Delhi, notre guide local y fera allusion en pensant que nous avions visité ce palais...LES MEFAITS DES BRIQUETERIES
La production artisanale de briques est un désastre écologique.
Pour limiter la pollution à New Delhi, il a été exigé que les briqueteries voisines situées dans l'Uttar Pradesh modifient leur système de combustion mais cela ne règle pas les autres problèmes posés par cette activité.
Les briqueteries se trouvent dans les zones les plus peuplées, c'est-à-dire dans la plaine Indo-Gangétique, zone fertile, véritable grenier à céréales du pays. Or, pour fabriquer les briques on utilise la couche limoneuse et donc fertile en mettant à nu un sol stérile. Par ailleurs, d'importantes surfaces sont occupées par des plantations d'eucalyptus utilisés comme combustible pour les fours. Ces arbres ont le double inconvénients d'absorber beaucoup d'eau et de stériliser les sols (comme les conifères).
L'Inde étant le "berceau de la canne à sucre", on croise des tracteurs tirant
des remorques chargées de canne récoltée pour être livrée à des ateliers
artisanaux qui produisent traditionnellement le "jaggery" ou "gur", un
sucre non raffiné obtenu par concentration du jus entier de canne à feu nu,
ainsi que le "khansari", un autre sucre artisanal produit selon le même procédé,
mais avec cristallisation. Encore une fois, dommage que l'on ne puisse s'arrêter
pour faire une visite. Le paysage est souvent plus sec que celui que l'on
voyait entre Delhi et Agra. Près des hameaux ou des maisons de paysans isolées
on peut voir systématiquement des tas bien arrangés de bouses séchées, un précieux combustible
qui permet d'épargner le bois. A voir les immenses affiches électorales, il
reste du chemin à faire vers la parité.
Nous traversons bientôt la ville Jhansi située au bout d'un appendice territorial de l'Uttar Pradesh qui s'insinue dans le Madhya Pradesh. C'est une cité d'un peu plus d'un demi-million d'habitants. Nous n'en visiterons pas le Fort construit en 1613 par le maharaja d'Orchha, un lieu important lors de la révolte des Cipayes de 1857. Aussitôt nous voici à nouveau en Madhya Pradesh et n'avons plus qu'une quinzaine de kilomètres pour arriver à Orchha...