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Nous sommes récupérés à l'aéroport Indira Gandhi
par un chauffeur chargé de notre transfert.
En cours de route, les 40 kilomètres qui séparent l'aéroport de la ville, nous sommes appelés par
Sohan qui sera
notre nouveau guide ici, à Delhi, afin de convenir du rendez-vous du lendemain.
Il est fixé à 10H seulement. N'est-ce pas bien tard ?
Nous retrouvons l'hôtel Pluto's Inn **(*)
sur le un boulevard Aruna Asaf Ali Marg où nous avions logé lors de notre arrivée à
Delhi il y a un peu plus d'une semaine. Nuit plus tranquille que lors de la première nuit... Accueil aussi froid
que le premier jour mais cela n'a pas été mieux à Agra et à Orchha...
Lors de notre précédent voyage
en 2009,
à l'issue d'un tour au Rajasthan, nous n'avions pu découvrir que très
partiellement cette ville (Tombeau d'Humayun, mausolée de Gandhi (Raj Gath)
et l'arc de triomphe (India Gate), c'est pourquoi nous avons aujourd'hui un
programme complémentaire.
Nous espérons que la visite de Delhi ne sera pas affectée par les troubles
sociaux engendrés par les paysans de la sous-caste Jat de l'état d'Haryana, au
nord de Delhi, qui en cette mi février 2016 ont coupé le canal Munak assurant
60% de l'approvisionnement en eau de Delhi comme on a pu le voir ces derniers
jours dans les bulletins d'informations télévisées.
Sous le terme générique de Delhi, il faut entendre "territoire de la Capitale nationale de Delhi" qui regroupe 5 municipalités et comptant 17 millions d'habitants. L'une d'elles est New Delhi, la capitale politique de l'Union indienne qui ne compte que 250 000 habitants tandis que l'agglomération considérée plus globalement compte au total 25 millions d'habitants, ce qui en fait la deuxième plus grande du monde.
Mercredi 10 février
En attendant le départ, coup d'oeil sur l'avenue toujours aussi peu engageante. Des ouvriers sont en train d'installer des chapelets de guirlandes d'oeillets d'inde devant l'hôtel, en forme d'arc de triomphe car un banquet de mariage va certainement y être organisé.
A 10h, Sohan et le chauffeur viennent nous prendre à l'hôtel.
Logés au sud
de la ville, nous allons devoir la traverser pour gagner Old Delhi, tout à fait
au nord de la ville, afin de commencer les visites. Nous passons dans les
quartiers centraux de New Delhi où l'on peu apercevoir les bâtiments de
différents ministères. Nous apercevons sur notre gauche l'India Gate, "la Porte
de l'Inde" édifié en 1921 à la mémoire des 82 000 soldats de l'armée indienne
morts pendant la période 1914-21 lors la Première Guerre mondiale sur divers
champs de bataille, notamment en France. Puis nous passons en bordure du Parc Shanti Vana où se trouve édifié le
Raj Ghat, le mémorial du Mahatma Gandhi, marquant le site
de sa crémation en 1948.
Il
est plus de 11H lorsque nous arrivons dans le quartier complètement embouteillé du bazar
(Meena et Urdu bazar) et de la grande
mosquée.
Il faut verser un écot au gardien des chaussures avant de passer le portail nord
de la mosquée...
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La mosquée de Shahjahânabâd ou mosquée (Masjid) du vendredi (Jama) de Delhi, est la plus grande d'Inde. En effet, elle peut accueillir 25 000 personnes sur le parvis. Elle a été construite entre 1650 et 1656 sous le règne de l'empereur moghol Shâh Jahân. Elle est revêtue de grès rouge. Sur un plan moghol, elle se compose d'une grande cour pavée sur laquelle donnent trois hautes portes, une sur chaque côté. La salle de prière ou haram (61x27,50 mètres) s'ouvre par une façade avec un portail en forme d'arc (iwan ou pishtak) entouré de fines colonnettes et surmonté de chatris. Elle est entourée de deux minarets élancés (40 mètres), également surmontés de chatris, et surmontée par trois dômes bulbeux à hauts tambours. Les trois premiers étages des minarets sont en grès rouge, le quatrième en marbre et le cinquième en grès. À l'intérieur, alors que le minbar est plutôt petit, le mihrab est imposant.
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A cette heure, les fidèles et les touristes sont peu nombreux. En revanche, les
graines semées dans la cour attirent les pigeons et il faut donc faire attention
aux "tirs" des pigeons qui lâchent leur fiente. Du bord de la cour, à 500 mètres
de là, on aperçoit bien le Fort Rouge, construction contemporaine de la mosquée.
Au pied de la mosquée, sur les marches menant au portail est, des Indiens sont
allongés prenant tranquillement le soleil.
En 2006, deux explosions ont blessé treize
personnes (sur les 1000 fidèles réunis) dans la mosquée lors d'un attentat et en
2010 des tireurs sur une moto ont ouvert le feu sur un bus stationné près de la
mosquée blessant deux touristes.
Après un peu plus d'une demi-heure de visite, petite marche à pied et courte
visite dans le bazar notamment dans les rues Patel Gali et dans Dariba Kalan
qui aboutit sur Chandni CHowk, l'axe central de la ville moghole mais nous
n'irons pas jusque là car il faudrait au moins consacrer une demi-journée à
parcourir ce bazar. Le grand bazar fut établi en 1648 par la princesse Jahanara
Begum Sahib, la fille de Shah Jahan.
Dans ces rues il y a profusions d'étals
de fruits et légumes, cuisines de trottoir pour manger sur le pouce, artisanats divers
(matelas), tenues et accessoires pour les mariage... Au-dessus de la rue, un inextricable réseau de fils électriques masque presque le ciel et
sert aux singes équilibristes pour se déplacer rapidement, ni vus ni connus.
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Il
est un peu de midi lorsque nous repartons en voiture vers le centre de la ville
notamment en bordure du Parc Shanti Vana où se trouve édifié le
Raj Ghat, le mémorial du Mahatma Gandhi, marquant le site
de sa crémation en 1948.
A 12H45, Sohan
nous conduit visiter le temple plus grand temple shik (sikh signifie "disciple")
de Delhi, le Gurudwara Bangla
Sahib (sur Ashoka Road), bâti à la fin du XVIIIème siècle. Tout de marbre
blanc, coiffé d’un dôme doré et agrémenté d’un vaste bassin pour les ablutions
des fidèles, il fut bâti au 18ème siècle en souvenir de la visite du huitième
Gourou Harkrishan, en 1664.
Un visite très originale et instructive...
Le temple est un lieu ouvert à tous.
SIKHS ET SIKHISME
En Inde, on estime la communauté Sikh à quelque 20 millions de personnes, soit à peine 1,7% de la population indienne.
Le sikhisme (sikh signifie "disciple") est une religion monothéiste fondée dans le nord de l'Inde à la fin du XVe siècle par le Gurû Nanak, né près de Lahore, dans l'actuel Pakistan. Avant de forger sa doctrine, il a voyagé à travers l'Inde, les pays voisins de religion bouddhiste et a parcouru le monde musulman. Il voudrait lutter contre les guerres et discriminations, telles les castes, qui ont souvent une origine religieuse. La doctrine du sikhisme se fonde sur les enseignements spirituels des Dix Gurûs. La majorité des convertis au sikhisme est issue de la caste des Jats, l’élite rurale du Pendjab, et une minorité de convertis sont des Dalits (intouchables).
La foi sikhe se réfère au "Nom Vrai" (Satnam) éternellement "Un", Dieu souverain et omnipotent, à la fois transcendant et immanent, créateur et destructeur, intemporel et partout présent. Les sikhs ne croient pas en l'adoration des idoles, dans les rituels ou les superstitions.
Le Sikhisme est une religion égalitaire, fondée sur l’absence de discrimination basée sur le genre ou la caste. Or, en Inde, les noms de famille réfèrent à la caste, la religion, la région d’appartenance, le métier. Pour éviter ce marquage, les Sikhs utilisent comme "middle name" le nom Singh qui signifie "Lion" pour les hommes et Kaur pour les femmes, ce qui signifie "Princesse".
Mais attention, pas plus que le turban ne fait le sikh, le nom Singh est porté par des Indiens qui ne sont pas sikh mais peuvent par exemple appartenir à la caste hindoue kshatriya des nobles et des guerriers.Durant le XVIIIe siècle, les Sikhs firent l'objet de répressions et de persécutions de la part des autorités dans un contexte de fanatisme exacerbé. Ils durent faire des sacrifices extrêmes pour protéger et préserver leur foi et leur identité. Les Sikhs profitèrent du délitement de l'Empire Moghol pour établir leur propre royaume qu'ils achevèrent de constituer sous le Maharaja Ranjît Singh (1780-1839). L'empire sikh dura un demi-siècle et fut annexé par les anglais en 1849 cependant l’armée britannique indienne est réorganisée en 1890 sur la base de « races martiales », en particulier les Jats sikhs.
Dans le sikhisme comme dans beaucoup de religions qui prônent la tolérance, souvent les fidèles offensés n'en restent pas moins de simples humains qui n'accordent pas le pardon et ripostent par la violence. Le 5 juin 1984, le Temple d'Or d'Amritsar, haut lieu du sikhisme, fut le théâtre d'une opération militaire ordonnée par le Premier ministre indien, Indira Gandhi, dans le but de déloger les indépendantistes sikhs (mouvement apparu dans les années 1970) qui s'y étaient retranchés. Ce massacre fit officiellement 587 morts dont 493 sikhs (100 femmes et 75 enfants) et334 blessés. Précisons que ce temple incendié durant l'opération, a été reconstruit. La violation de leur lieu saint fut considérée comme une insulte majeure par certains sikhs, ce qui conduisit à l'assassinat d'Indira Gandhi quatre mois plus tard par ses propres gardes du corps sikhs, les sikhs étant très présents dans l'armée. En réaction à cet assassinat, des émeutes anti-sikhs frappent l'Inde, et plus spécifiquement la région de Delhi, faisant 2000 morts, et voire même 3000...Quelques mots sur ce qui rend les Sikhs bien visibles, notamment ceux qui se conforment à la Khalsa.
Le Khālsā (mot d'origine persane qui signifie "pur"), est le nom, initialement donné par Gurû Gobind Singh, à l'ordre chevaleresque des Sikhs qu'il créa en 1699. Par extension, le mot désigne chaque membre de cet ordre, chaque Sikh (homme ou femme) qui a été" baptisé" ou initié en recevant l'Amrit.
Les Sikhs initiés (sikhs amritdaris), doivent suivre la règle des "5 K":
- Kesh: avoir les cheveux longs et la barbe qu'ils ne coupent pas car ce sont des cadeaux de Dieu (mais ils doivent les peigner deux fois par jour),
- Kangha: avoir un peigne dans les cheveux en permanence
- Kachera: porter un pantalon permettant de monter à cheval sans être gêné dans ses mouvements (le dhoti des Hindous s'y prête mal) ) et un turban (pagri)
- Kawra: porter un bracelet en fer symbolisant l'unité (boucle sans fin)
- Kirpan: porter un poignard recourbé représentant la valeur du courage en mémoire des persécutions subies.
Les sikhs non initiés ne portent pas tous ces attributs.
Le Turban sikh appelé pagri mesure entre 4,30 et 7 mètres de long. Il est généralement en coton de texture fine. Au dessous de celui-ci, un sikh porte généralement, un keski, (une pièce de tissu d’environ un mètre) qu'ils conservent par exemple pour aller à la piscine ou faire du sport. Les femmes amritdharies portent le keski recouvert d’une chuni, une écharpe. La couleur du turban (souvent bleu foncé, safran ou blanc) n‘a pas de signification particulière mais le rouge ou le magenta sont souvent préférés pour un mariage et le blanc lors de funérailles. La signification religieuse du turban se double aussi d’une signification culturelle. Après la mort d’un chef de famille, le fils aîné reçoit un turban qui symbolise la responsabilité et la dignité d’un chef de famille. A l’occasion d’un mariage, les parents du couple échangent des turbans comme symbole de leur respect et estime mutuelle.
Si quelqu’un commet un acte impardonnable, il arrive qu’il pose son turban aux pieds de l’offensé en signe d’humiliation. Déranger, faire tomber ou enlever le turban de la tête de quelqu’un est une insulte grave, un manque de respect total. Les sikhs ont souvent dû lutter pour obtenir le droit de porter le turban en toute circonstance et d’avoir leur photo d’identité prise en portant le turban.
Attention, tout indien enturbanné n'est pas un sikh. Au Rajasthan, le type de turban utilisé était à l'origine porté par les fermiers et bergers vivant dans une région à dominante désertique pour se protéger la tête.Quelques sikhs célèbres:
- Bhagat Singh (1907-1931) combattant nationaliste indien,
- Giani Zail Singh (1916-1994) qui fut président de l'Inde de 1982 à 1987,
- Montek Singh Ahluwalia, économiste indien né en 1943, directeur adjoint du Commissariat au Plan indien après avoirt travaillé à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international,
- et surtout Manmohan Singh né dans l'actuel Pakistan en 1932, économiste et un homme politique, membre du Congrès national indien et devenu Premier ministre de 2004 à 2014.
Pour être reconnu comme un temple sikh officiel, il faut que le Gurudwara
arbore le drapeau orange, contienne le livre sacré et soit
en mesure d'offrir gîte et nourriture. En effet, en sortant, il est possible d'aller
manger au Langar (cantine communautaire gratuite créée à l'origine pour
lutter contre la séparation des castes). Ce concept a été lancé au XVIe
siècle par le Guru Nanak, le premier guru sikh, puis répandu par le Guru Angad.
Le même rituel alimentaire des repas servis gratuitement se produit dans
les gurdwaras (temples) sikhs partout sur la planète.
Mais commençons par le commencement. Pour y entrer, il faut se déchausser et se couvrir la tête.
Mis à notre disposition, on utilise un fichu orange
que
l'on noue pour en faire une sorte de bonnet ou de semblant de turban. Nous
commençons la visite par la salle principale du temple qui contient le Guru Granth
Sahib sous un dais. Les sikhs se prosternent devant le livre sacré
et déposent
un don d'argent (sachant qu'ils consacrent normalement 10% de leurs revenus au
Gurdwara) avant de s'asseoir par terre pour prier.
Après cela Sohan nous conduit vers les cuisines près desquelles des personnes s'affèrent
aux corvées de pluches tandis qu'une foule de centaines de personnes attend patiemment
l'ouverture de la "cantine gratuite" ou langar.
Tous les jours, 10 000 (on trouve aussi le nombre de 100 000 !) repas sont servis gratuitement au Temple
d'Or, appelé Harmandir Sahib, situé dans la ville d'Amritsar, au nord-ouest de
l'État du Pendjab. Ici à Dehli, les langars des gurdwârâ les plus importants
servent plus de 50 000 repas quotidiens. Des donateurs fournissent les
moyens en matériels et denrées tandis que des bénévoles assurent la préparation,
le service, la vaisselle et le nettoyage.
Les hommes et les femmes sikhs doivent redonner à la communauté et,
par exemple, se
porter volontaires pour aider à la préparation des repas.
L'idéologie sous-jacente aux cuisines communautaires appelées pangot,
instaurées par le guru Arjan, un des dix prophètes fondateurs du sikhisme, est
de promouvoir le devoir de charité et l'égalité entre tous: pauvres et rois
s'assoient et mangent au sol, comme des égaux. Tout le monde est bienvenu, sans
distinction de confession. Ce n'est donc pas un service directement
destiné aux plus pauvres. Nourrir son prochain est un geste
religieux.
La
nourriture est végétarienne car elle permet à tous de manger sans distinction,
avec un menu est classique, invariable: thalis, naan, riz au curry,
lentilles… Le végétarisme est une norme culturelle dans le sikhisme
prônée
dans le "Livre Saint" des sikhs, le Guru Granth Sahib. Nous ne nous
laisserons pas tenter d'autant que pour ma part j'imagine que le dosage en
épices serait inapproprié. Les cuisines que nous traversons sont impressionnantes, avec une machine
qui cuit à la chaîne les galettes chapatis que de petites mains ont étalées au
préalable sur une table voisine. Plus loin, c'est une batterie d'une
demi-douzaine de grosses marmites et cuivre et d'autres cocotes. Une autre
batterie, de woks cette fois, sert à cuire des lentilles (les dahls). De seaux
métalliques de 10 litres sont remplis, près pour la distribution.
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La porte du vaste réfectoire propre et clair s'ouvre. Des centaines de convives entrent silencieusement dans une discipline impeccable et s'assoient sur des nattes, par doubles rangées en se tournant le dos, jambes croisés et plateau calé entre les pieds ou posé devant ses genoux. Des sikhs circulent au milieu des rangs pour remplir les plateaux. Extraordinaire...
Nous quittons le temple vers 13H15. Si nous n'avons pas profité de l'hospitalité sikh, le spectacle de ce repas nous a néanmoins ouvert l'appétit.
Mais nous
allons encore patienter un peu car
Sohan nous fait passer devant le temple
hindou Lakshmi Narayan ou Birla Mandir, à 500 mètres de là. C'est le premier de
la série de temples construits dans diverses régions de l'Inde par des membres
de la riche famille d'industriels Birla. Il est consacré au dieu Vishnu et à son
épouse Lakshmi. Il a été inauguré en 1939 par le Mahatma Gandhi qui a demandé
qu'il soit ouvert aux gens de toutes les castes. Le temple à trois étages,
dans les couleurs ocre jaune et pourpre, est construit dans le style Nagara
des temples hindous du nord de l'Inde.
Arrêt photo de quelques minutes...
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Pour aller déjeuner au restaurant The Waves, il faut aller dans les quartiers au sud de New Delhi, au-delà du périphérique Mahatma Gandhi, soit à une douzaine de kilomètres de distance ou une demi-heure du centre. Nous passons près de la cathédrale catholique du Sacré Coeur (1930) et repassons devant le temple sikh Gurudwara Bangla Sahib puis devant le Shangri-la Eros Hotel. Peu après, c'est le parc bordant le Raj Path où l'on peut voir les fonctionnaires se dorer sur les pelouses (il est 13H30). Puis nous empruntons sur une bonne partie l'avenue Sri Aurobindo (nom d'un des leaders du mouvement pour l'indépendance de l'Inde, philosophe, poète et écrivain spiritualiste qui a développé une approche nouvelle du yoga) tandis qu'un camion d'incendie des pompiers nous dépasse sirène hurlante. C'est l'occasion de voir que le centre de Delhi est (relativement) propre et que beaucoup de véhicules roulent au gaz pour limiter la pollution, même les autos rickshaws, et ils arborent le logo CNG (Compressed Natural Gas). Delhi n'est plus la ville la plus pollué du monde comme en 2014 mais arrive aujourd'hui au neuvième (d'autres sources disent onzième) rang. Outre l'utilisation du gaz comme carburant, la circulation alternée est imposée et des industries polluantes ont été écartées de la ville (vers l'Haryana voisin). Autre action encore, l'obligation de modifier le système de combustion des fours à briques dans l'ouest de l'Uttar Pradesh voisin.
Nous passons devant l'Ashram Sri Aurobindo, une institution animée par un guru où des élèves séjournent pour suivre les enseignements d'un maître. Tout près de là, nous voici enfin au restaurant The Waves. Il est 14H passées. Le restaurant est bondé mais agréable. En tout cas cela nous change des salles à manger des hôtels et de leurs buffets. Nous avons déjeuné dans le sud de la ville car le restaurant est proche de notre prochaine visite, 2 kilomètres soit quelques minutes...
Au sud de DELHI: le temple du Lotus (rappel) et le complexe du Qutb Minar
Puisque nous gagnons le sud de Delhi, c'est l'occasion
de raccrocher une indente au sujet du Temple du Lotus que nous avons aperçu au
début du circuit, en quittant Delhi pour Agra.
Arrivant au sud de Delhi, il faut voir la magnifique
architecture du Temple du Lotus implanté au milieu d'un parc dans le faubourg Bahapur. C'est le
temple-mère du culte Baha'i ouvert à toutes les croyances. C'est une oeuvre de
l’architecte iranien Fariborz Sahba réalisée entre 1980 et 1986 et qui a reçu de
nombreux prix. Elle fait penser un peu à l'Opéra de Sydney. L'édifice consacré
au "Dieu Un, à l’Unité de la Religion et de l’Humanité" se présente sous la forme
de 27 pétales disposés sur 9 côtés (chiffre symbolique important pour la
foi bahá’ie), recouverts de marbre. Une salle vide, où aucun rituel n'est
accompli, sert à la méditation personnelle.
Le bahaïsme ou baha’isme a été fondé en 1863 par le Persan Mīrzā Husayn-Alī
Nūrī. Cette religion monothéiste de filiation abrahamique prétend réunir les
croyances découlant de cette même origine. Cette religion réunirait 7 millions
de fidèles répartis dans 189 pays et affiliés à 8 maisons d’adoration
principales dont celle-ci. Le centre spirituel et administratif est situé à
Haïfa et Acre, en Israël.
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Le complexe archéologique du Qutb Minar situé à Mehrauli est inscrit au
Patrimoine Mondial de l'Humanité de l'UNESCO
depuis 1993 (l'entrée coûte 250INR).
C'est avec le minaret qu'à commencer la construction du
complexe. Nous y reviendrons.
A 15H15 notre visite commence sans suivre a chronologie mais la simple logique
du parcours.
Tout d'abord, au nord du site, s'élève le Ala-i-Minar. La construction
de ce minaret avait
été entreprise par Alauddin Khilji, après qu'il eut fait doubler la taille de la
mosquée Quwwat ul-Islam voisine. Cette tour devait être deux fois plus élevée
(soit environ 150 mètres) et plus grosse que le Qutb Minar pour être en bonne
proportion avec la mosquée agrandie. La construction a toutefois été abandonnée
lorsque le noyau de moellons grossiers a atteint 24,5 mètres de haut, après la
mort de Ala-ud-din en 1316. Le chantier n'a jamais repris par ses successeurs de
la dynastie Tughlûq.
Passant à l'ouest du site, nous visitons le mausolée du sultan Iltutmish, le
second sultan de Delhi (règne de 1211 à 1236), construit en 1235. La chambre
centrale de 9m², à trompes, suggère l'existence d'un dôme qui a dû s'effondrer.
Le cénotaphe principal, en marbre blanc, est placé sur une plate-forme surélevée
au centre de la chambre. La façade est ornée de sculpture ainsi que les murs
intérieurs. La niche de prière (mihrab) en marbre est également ornée de
calligraphies de versets du Coran. Le monument amalgame de motifs hindous à
l'architecture islamique. La tombe à laquelle on n'accède pas, se trouve en
dessous, au bout de 20 marches.
Nous arrivons aux vestiges de la mosquée proprement dite. La Quwwat-ul-Islam
("Puissance de l'Islam") mosquée également connue sous le nom de mosquée Qutub ou Grande Mosquée de Delhi.
Elle a été construite en 1193 par Qutb-ud-din
Aibak, fondateur de la dynastie des Mamelouk ou dynastie des Esclaves, sur les
ruines du Lâl Kot, le Fort Rouge de la ville de Dhilî (construit par le Râi
Pithora vers 1180), pour marquer sa victoire sur Rajputs. Ce fut la première
mosquée construite à Delhi après la conquête islamique de l'Inde et l'exemple le
plus ancien d'architecture Ghurid subsistante. La mosquée a été construite avec
des matériaux récupérés après la destruction de vingt-sept temples hindous et
jaïns. Les personnages qui ornaient les colonnes ont été martelés en vertu d'un iconoclasme
motivé tant par la politique que par la religion. On retrouve
encore des représentations féminines au déhanché bien connu. La mosquée est
construite sur une cour pavée mesurant 43x32 mètres, entourée de colonnades
abritant une galerie-cloître ajoutée par Iltutmish entre 1210 et 1220.
Sur le côté ouest de la mosquée se dresse le "Pilier de Fer", un pylône
de plus de 6 tonnes remontant au tout début du Ve siècle et érigé par le raja gupta Chandragupta II en
l'honneur de Vishnu. Haut de 7,20 mètres, composé de 98% de fer, il a résisté
depuis 1600 ans à la corrosion due au climat de mousson et aux tentatives de
destruction. Il porte une inscription sanskrite en script Brahmi.
Egalement, du côté ouest où se trouvait le mihrab subsiste les quatre
des cinq arcs d'un mur-écran. Le pilier de Fer s'encadre parfaitement
dans l'alignement de l'arc principal.
La visite du site est troublée par le fréquent survol par des avions de lignes car l'aéroport est tout proche (moins de 10 kilomètres).
Le clou de la visite est évidemment le Qutb Minar
("Tour de la
victoire"). C'est
le minaret indien le plus haut et le troisième du
monde
(après ceux d'Alger avec 265 mères et celui de Casablanca avec 210
mètres). Le Qûtb Minâr mesure
72,50 mètres de haut
(80 à l'origine) et
comporte un escalier de 379 marches mais l'accès en est interdit (suite à un
mouvement de panique mortel survenu en 1981 et à des suicides). Le diamètre de
la base est de 14,3 mètres tandis que celui du dernier étage est de 2,7 mètres.
Les trois premiers niveaux cannelés sont en grès rouge
tandis que les
niveaux supérieurs sont en marbre avec des anneaux de grès rouge.
Des versets
du Coran sont calligraphiés sur les cannelures. Il faut admirer les balcons
ouvragés supportés par des encorbellements
muqarnas, autrement dit "en
forme de nids d'abeilles".
Nous terminons par le portail principal Ala-i-Darwaza situé à l'angle sud-est de la mosquée Quwwat-ul-Islam. Il a été construit en 1311 par le second sultan Khilji de Delhi, Ala-ud-din Khilji. Le Ala-i Darwaza est le premier exemple d'architecture comportant de vrais arcs en ogive et vrais dômes en Inde. Le dôme est décorée de rouge grès et blanc incrusté décorations en marbre. Près de là est édifié le petit mausolée de l'Imam Zamin.
Après une heure et demie de visite, nous quittons le site à 16H30. De la voiture
on aperçoit le dôme du mausolée Bhool Bhulaiya construit au XVIe siècle
pour Muhammad Akbar Adham Khan, un général de l'armée d'Akbar.
Nous remontons vers le nord puisque le restaurant est dans cette direction.
Pour nos éventuels derniers achats,
Sohan a prévu un passage dans un emporium privé, Mughal Jewels &
Crafts sur l'avenue Sri Aurobindo. Nous y sommes à 17H et y passons
trois quarts d'heure avant de nous diriger pour dîner vers le restaurant RDX, situé juste à
l'extérieur du
périphérique Mahatma Gandhi. Après avoir tâtonné un peu nous le trouvons à
l'arrière dune place un peu fouillis. Dernier dîner et
Sohan prend congé nous
laissant aux bons soins du chauffeur pou nous reconduire à l'aéroport.
Heureusement que la marge horaire était large. L'aéroport Indira Gandhi n'est distant que d'un quinzaine de kilomètres mais le trafic est dense et surtout on ne pouvait pas prévoir une crevaison. Par dessus le marché, le chauffeur a eu les plus grandes difficultés pour débloquer la roue de secours, ce qui lui a pris un quart d'heure rien que pour l'extraire et une bonne suée tandis que, ne nous sentant pas trop en sécurité dans la voiture mal stationnée, nous avons jugé plus prudent de gagner le trottoir pendant ce temps-là.
"Pas de problème" comme on dit souvent ici. Avant 21H nous étions dans
l'aéroport et nous avions plus de trois heures d'attente avant d'embarquer
puisque le décollage n'avait lieu qu'à 1H30 du lendemain...
Jeudi 11 février
1H30. Décollage du Boeing 770-330 d'Air France assurant le vol AF225 à
destination de Paris, un tranquille vol de nuit d'une durée d'un peu plus de 9
heures et une arrivée à l'aéroport
Charles de Gaulle un peu avancée, à 6H00.
Ne reste plus qu'à attendre patiemment un TGV pour la Bretagne...
PETITES CONSIDERATIONS
PHILOSOPHICO-ETHNOLOGIQUES AU TERME DE CE VOYAGE...
De nos petites expériences de voyages
express, c'est l'un des deux ou trois voyages qui nous ont le plus confrontés à un
décalage culturel. Pourtant il s'agit de pays bien différents...
De notre récent voyage au Japon, on a retiré l'impression d'avoir nager à
la surface d'un océan face à un iceberg dont on ne percevait que la partie
émergée (10%), tout en pressentant combien de subtilités enfouies nous
échappaient. Un Japon tout en discrétion et retenue. Illusion !
Sa façade occidentalisée et lisse n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Ici en Inde (et dans une moindre mesure on l'a aussi ressenti en
Indonésie), on est aussitôt plongé sous la surface et on reçoit en pleine
figure toute une masse de faits, de vécu... Au-delà d'un flot de couleurs,
d'odeurs, de bruits et de contradictions (nonchalance et agitation, tolérance et
violence...), on se trouve tout aussi démuni d'une compréhension globale face
une inextricable complexité des relations interconfessionnelles et
intercommunautaires, des pratiques au sein même d'un hindouisme au panthéon
protéiforme, de la hiérarchie sociale mêlant castes et jatis...
En une semaine, ce petit bout de chemin en INDE nous aura plongés au fond des
grandes spéculations philosophiques qui hantent l'humanité depuis toujours:
POUVOIR, AMOUR, SEXE, MORT...
; puis une ruelle tortueuse remplie de commerce (Vishwanath Gali) qui mène au sanctuaire principal de la ville, le Vishwanat Temple, construit il y a 1000 ans, archi surveillé par l'armée par peur d'attentats.
À proximité du Ghat se trouve le Jantar Mantar, un observatoire construit en 1737 par le Maharaja Jai Singh II de Jaipur
Je viens à vous comme un enfant à sa mère.
Je viens comme un orphelin pour vous, humide avec amour.
Je viens sans refuge pour vous, dispensateur de repos sacré.
Je viens d'un homme tombé à vous, uplifter de tous.
Je viens défait par la maladie à vous, le médecin parfait.
Je viens, mon cœur sec avec la soif, pour vous, l'océan de vin doux.
Faites de moi ce que vous voudrez.
chaque matin au lever du soleil et surtout chaque soir à la tombée de la nuit,
la cérémonie de l'aarti puja rend hommage à la déesse Ganga, mère de tous les
hindous.
Entre 18h et 19h, en fonction de la période de l'année, la Maine Gath est le
lieu principal où officient les brahmans.
C'est un moment de communion pour les hindous qui voient une représentation du
paradis dans cette cérémonie.
Tous les codes ne nous sont pas révélés pour comprendre cette ferveur mystique
mais c'est assurément une chose qu'il faut voir au moins une fois si vous venez
à Varanasi.
Chaque jour, au coucher du soleil cette cérémonie se répète dans Ghâts Dasaswamedh
et Man Mandir Varanasi .
La cérémonie se veut très solennelle, elle rassemble de nombreux fidèles qui
viennent à pied ou en bateau. Pendant le rituel, où la fumée, le feu et l'eau
sont les protagonistes, on entend des chansons résonner au rythme des cloches et
des tambours, puis ils brûlent le bois de santal, et commencent à repartir les
offrandes qui sont destinées au Gange sacré.
Enfin, lorsque le soleil se couche, fatigué d'avoir brûlé des heures durant, les ghats se remplissent et la Arti (cette cérémonie du feu que l'on avait tant apprécié à Hardiwar) peut débuter : face au Gange, plusieurs Brahmanes allument les mèches imbibées de camphre et font tourner les plateaux de cérémonies sur eux-mêmes puis les font circuler dans la foule de dévots. Ainsi, chacun peut profiter de la bénédiction des divinités, en approchant ses mains des flammes avant de les porter à son front.
Tous les sens sont sollicités lors de cette cérémonie. Outre le spectacle qui émerveille les yeux et l'odeur d'encens qui chatouille le nez, la musique a une place essentielle dans le rituel. Les chants hindous diffusés dans les haut-parleurs sont dédiés aux divinités, ils les glorifient et attirent leur attention, donnant toutes les chances de libération aux pujaris. Les dieux remerciés, le spectacle prend fin et la ville peut commencer à s'endormir paisiblement.
Mourir à Varanasi
Ils sont portés par les familles sur des brancards, enveloppés dans des tissus dorés pour les vieillards, rouges pour les femmes ou blancs pour les hommes, tissus dont les restes non calcinés brillent sur les marches du ghât.
Pourtant un des ghats est toujours actif, là-bas dans l'obscurité, c'est celui des crémations, le Manikarnika Ghât. Il fonctionne 24h/24 et semble être le ghat le plus sacré de Varanasi. Et pour cause, selon la croyance hindoue, qui meurt à Varanasi atteint directement lamoksha : le corps brûlé échappe au cycle des renaissances et les cinq éléments dont il est composé (la Terre, l'Eau, le Feu, l'Air et l'Ether - la force vitale -) se confondent avec le feu du bûcher, puis avec celui du soleil, pour enfin ne faire plus qu'un avec le Brahmane, l'Absolu. Cela constituerait selon le Shatapatha-brahmana (texte écrit par Yâjñavalkya, théoricien de la réincarnation) la troisième naissance de l'homme. La première est celle issue de l'union des parents et la deuxième se fait par le mariage.
Cette troisième naissance débute par un cortège funéraire : enveloppé de tissu, recouvert de papiers dorés et de colliers de fleurs, le corps est porté à travers la ville (c'est toujours étrange de voir passer un cadavre pendant que l'on boit tranquillement un chai dans les ruelles!) jusqu'au ghat de crémation où il est déposé sur le bûcher après avoir été lavé une dernière fois dans l'eau divine. La tradition veut que les femmes et les enfants n'assistent pas à la cérémonie, les pleurs pourraient déranger le rituel, plutôt banalisé dans l'hindouisme, contrairement à l'aspect tragique de la mort dans nos cultures.
A peine le corps brûlé, les membres de la famille s'en vont avec en tête l'assurance d'avoir laissé le défunt dans un paisible voyage pour le Nirvana. Pas le temps de détourner le regard qu'un autre corps prend place. La mort n'attend pas à Varanasi. Ou si, elle attend mais avec impatience. C'est l'effet que donnent ces mouroirs autour du ghat, remplis de vieillards, presque pressés de vivre leurs dernières heures dans la ville de Shiva. Le Nirvana est un bien précieux.
Mais la crémation n'est pas le lot de tous les hindous. Pour les saints, les femmes enceintes et les enfants, la sépulture se fait dans les eaux du Gange, témoignant de leur place sacrée dans la hiérarchie religieuse. Une image qui fait toujours un peu peur lorsque un bruit sourd tape contre la barque!
Une journée à Varanasi
À l'aube, laissez-vous rêver pendant la ballade en barque et découvrez comment s'éveille l'une des villes les plus anciennement habitées du monde (Varanasi daterait du VIIe siècle av. J-C. environ). Silence reposant et couleurs mystiques titillent notre imagination et donnent l'impression de flotter sur le Gange. Ici, des sadhus et des croyants s'adonnent à la purification dans l'eau sacrée. Là, les petits yogis, tout de rose vêtus, effectuent avec zèle les asanas (postures de yogas) que leur maître énonce énergiquement dans le micro.
La ballade mystique continue : un troupeau de buffles imposants traverse d'une rive à l'autre, des femmes lavent leur linge. Un vendeur flottant vous propose des coupelles de fleurs pour effectuer une puja dans le Gange. Impossible de refuser, l'ambiance donne plus qu'envie de remercier Shiva et ses compères de ces scènes magiques, que l'on ne peut voir qu'ici.
Mais où sommes-nous exactement ? La question revient souvent dans nos têtes tant
le temps semble s'arrêter et les images si improbables.
A coups de mantras et d'offrandes, les croyants ne semblent jamais lassés de se
donner aux dieux qui leur permettront de réaliser correctement leur Dharma (odre
universel, morale hindoue) et de s'assurer un bon karma.
SOMMAIRE INDEX
Attention ! Certaines photos peuvent choquer !
...
La mort pour les Indiens
L'arrivée du mort
La préparation du bûcher
La crémation
...
La mort pour les Indiens...
...
"... Autour des bûchers, nous voyons beaucoup d'Indiens, recroquevillés, avec
leurs inévitables guenilles. Aucun ne pleure, aucun n'est triste, aucun ne se
préoccupe d'attiser le feu : tout le monde semble simplement attendre que le
bûcher s'éteigne, sans impatience, sans le moindre sentiment de douleur, ou de
peine, ou de curiosité..."
L'odeur de l'Inde, Pier Paolo Pasolini
...
Dans le religion hindoue, mourir c'est se libérer de l'état où nous sommes
actuellement pour passer à un état meilleur. Pour cette raison, le sens de la
mort est si peu dramatique pour les Hindous, qu'ils souhaitent finir leurs jours
au bord du Gange, et veulent après être incinérés, que leurs cendres se mêlent à
l'eau du fleuve sacré.
Loin de constituer un tabou, la vie et la mort s'entremêlent étroitement tout au
long de l'existence.
Sans destruction, il ne saurait y avoir de création.
La mort est donc omniprésente dans le quotidien de tous les Hindous.
Bodhgaya (Bihar)
Varanasi (Uttar Pradesh)
Il faut s'attendre à y être confronté à chaque coin de rue...
...
"... Lorsque soudain, au détour d'une rue, un lépreux nous touche de ses
moignons gazés, ou que, sur le trottoir, un vieillard agonise dans
l'indifférence générale, nous nous trouvons brutalement confrontés à l'innimmable
: la mort, cette mort à laquelle nous sommes, nous autres Occidentaux, si mal
préparé..."
Fous de l'Inde, Régis Airault
...
La crémation selon les Hindous permet de libérer l'âme des morts.
Le lieux de crémation sont innombrables. On en trouve sur les rives de toutes
les rivières sacrées de l'Inde. Et comme toutes les rivières sont sacrées...
Mais certains lieux ont une importance particulière...
Le Mani Karnika ghat à Varanasi est le site le plus sacré de tout le
sous-continent. Y être incinéré signifie pour le défunt la fin du cycle des
réincarnations. L'accession directe au Nirvana. Nuits et jours les cadavres ne
cessent de s'y consumer sur des dizaines de bûchers.
...
L'arrivée du mort...
...
En bus, accompagnés de toute leurs familles, ou bien en rickshaw, accompagnés de
leurs plus proche parent, les morts arrivent en permanence sur les lieux sacrés
où se déroulent les crémations.
Le cadavre est traditionnellement attaché sur un brancard en bambou et
transporté par quatre personnes.
"Ram nam satia eh"
Le nom de Rama est sacré !
Tous ceux qui portent et accompagnent le défunt scandent sans cesse ces paroles
sacrées. L'arrivée sur les ghats peut être très discrète... Parfois, le défilé
qui accompagne le défunt est important et c'est l'occasion de chant, de musique
et de danse.
Les femmes n'assistent pas à la crémation. Il est dit que les larmes des femmes
seraient un obstacle à la Libération...
Le plus proche parent du défunt (le fils aîné, le frère, le mari...) commence
par se faire raser la tête. Il ne garde de sa chevelure qu'une petite touffe à
l'arrière du crâne. La touffe doit passer au travers d'un anneau.
...
La préparation du bûcher...
...
Le bois est devenu une denrée rare et chère... que l'on fait venir par bateaux
de l'amont du fleuve.
De la découpe à la vente du bois en passant par la pesée, le bûcher funéraire
nécessite une attention toute particulière.
La balance fait la fortune
des vendeurs de bois -
Varanasi (U.P.)
200 kilos de bois minimum sont nécessaires pour assurer la combustion complète
d'un corps. Sachant que le kilo de bois se négocie aux environs de 60 roupies le
kilo... Le prix d'une incinération n'est pas à la portée de tout le monde...
... On raconte que les plus grosses fortunes de Varanasi sont les marchands de
bois...
...
La crémation...
...
Tous les Indiens n'ont pas droit au bûcher...
Seuls ceux qui sont décédés d'une mort naturelle "normale" peuvent prétendre à
l'incinération. Les enfants de moins de 10 ans, les défunts victimes de la
variole ou de la lèpre, ainsi que les saddhus et les femmes enceintes ne peuvent
pas atteindre à la Libération par le biais de l'incinération.
Ceux qui sont morts suite à un accident, une maladie, un meurtre n'ont également
pas le droit de brûler le long du fleuve... leurs cadavres ira directement
rejoindre les eaux sacrés. Leur mort brutale ne peut être que le fruit d'un
mauvais karma... Aussi le salut par la crémation leur est-il refusé.
Les saddhus, déjà assurés d'atteindre à la Libération, n'ont donc pas besoin du
feu purificateur et salvateur. Une fois lestés, ils sont immergés, assis dans la
position du lotus, directement dans les eaux sacrées du gange.
Parfois, c'est un cadavre décapité qui descend le fleuve...
Varanasi (U.P.)
Le défunt est généralement enveloppé dans un linceul de couleur. Rouge s'il
s'agit d'une jeune femme, orange s'il s'agit d'une personne âgée et blanc s'il
s'agit d'un jeune homme.
La cérémonie en elle-même se déroule selon un rituel sacré.
Le cadavre est transporté jusqu'aux abords du fleuve sur le brancard en bambou.
On immerge le corps à plusieurs reprises. On le dépose ensuite sur la berge où
on lui versera de l'eau du Gange dans la bouche.
Puis on dresse le bûcher funéraire, sur lequel viendra reposer le défunt. Le
fils aîné (à défaut le plus proche parent), préalablement rasé et vêtu d'un
simple dothi blanc, ira cherché le feu sacré. Il tournera ensuite autour du
bûcher un nombre variable de fois avant d'y mettre le feu.
Pendant la crémation, les "doms" affectés au bûcher veillent à entretenir le feu
et rassemblent les morceaux au centre du foyer. Ils manient pour cela les
grandes perches en bambou qui servaient de brancard au défunt. C'est également
avec ces perches qu'il brise le crâne du mort afin de faciliter l'élévation de
l'esprit...
A la fin de la crémation, la plupart des restes sont balancés dans le Fleuve. La
place est sommairement nettoyée. Le fils aîné remplit alors une vasque en terre
cuite d'eau du Gange. Il est le dernier. Tous les autres sont déjà partis. Il
tourne le dos au lieu de la crémation et balance le pot par dessus son épaule.
C'est l'ultime geste d'adieu. Le fils, sans se retourner, peut maintenant
s'éloigner. Il a effectué son devoir.
Il reste également la possibilité de passer par l'incinérateur électrique...
C'est beaucoup moins cher... Mais beaucoup en ignore même jusqu'à l'existence et
puis... cela ne va pas avec la tradition...
...
L'incinérateur électrique, Harischandra Ghat,
...
???
Entre 1898 et 1917, le
premier égout pour l’évacuation des eaux usées domestiques est
construit. Surnommé transewer, il traverse la ville en arc de cercle du sud vers
le nord pour
rejoindre la Varuna puis le Gange, en aval de la ville (Carte 5). Conçu pour une
population de
200 000 habitants, il constitue aujourd’hui encore l’armature principale du
réseau, tandis que
la population de Varanasi atteint 1,2 million d’habitants en 2001
. Par pompage électrique,
l’objectif est de rediriger les eaux usées
arrivant sur le tronçon du Gange où ont lieu les usages religieux jusqu’au
transewer au travers
de canalisations non gravitaires155, lequel débouche sur le Gange en aval de la
ville [UPJN,
2007]. , entre 1986 et 1993, la
réhabilitation des cinq pompes électriques construites dans les années 1970, la
construction
d’une nouvelle station de pompage
’un égout principal qui
traverserait la ville en arc de cercle du sud vers le nord pour rejoindre la
Varuna puis le
Gange, en aval de la ville
l’égout
principal construit à l’époque anglaise soit aux canaux à ciel ouvert ou aux
rivières Assi et
Varuna, de sorte que le premier est rapidement surchargé et que les seconds
contiennent à la
fois des eaux usées domestiques et pluviales
Malgré toute la pollution qui règne ici, ce n’est pas un hasard si Bénarès, qui doit son nom de Varanasi, aux deux rivières, la Varuna et l'Assi qui se jettent dans le Gange, porte aussi le nom de Kashi, la cité de Lumière.
Nous arrivons sur le bord du Gange, nous pouvons observer les ablutions de ces
hindous, se lavant dans le Gange, buvant son eau; plus loin lavant les
vêtements, pour ensuite en fin de vie avoir la "chance" d'y voir ces cendres
déversées.
Le spectacle est impressionnant. Le guide du Routard nous dit qu'on n'en sort
pas indemne. Pas faux! Il est difficile pour nous, occidentaux, d'arriver à être
persuader que cette eau est pure! Nous avons la connaissance qui nous rappelle à
100% que cette eau est polluée plus que de raisons, et qu'elle est loin d'être
pure! Mais face à ces pèlerins, qui nous rappellent à 2000% que leur foi est
leur plus grande connaissance, et que pour eux cette eau est une purification
réelle nous fait douter quelques secondes et arriverait presque à nous tenter de
toucher cette eau... voire la boire. Mais non!
Nous nous intégrons à ces hindous, nous mêlant à eux durant leur procession.
Des bébés prennent leur premier bain dans le Gange. Des femmes boivent à 3
reprises l'eau. Des hommes se lavent par-ci, par-là, partout...
Il faut le voir pour de vrai pour y croire, pour ressentir le choc ressenti.
C'est un mélange d'étonnement, de joie, de vie, de mort, de pureté des actes, de
déchets, de couleurs, de personnes, d'odeurs, de sentiments, d’émerveillement,
de beauté... tout se mélange. On a l'impression de tout comprendre. Mais non...
Une chanson de ma jeunesse me revient...
"sur les eaux du Gange, les fumées
s'évaporent,
étrange mélange de vie et de mort.
Immuable beauté d'une enfant qui
s'endort,
le nez percé d'un anneau d'or..."
(the Charts (ancien groupe de
Calogero)).
Pourquoi tant d'indiens vont-ils à Varanasi?
60 000 pélerins par jour viennent effectuer leurs ablutions rituelles dans le
Gange. Parce que mourir à Varanasi est un grand privilège pour les Hindous; c'est
en finir une bonne fois avec le cycle des réincarnations. Il est facile d'y voir
de nombreuses personnes âgées, venir ici pour finir leurs jours. Un ghat est
dédié aux bûchers funéraires. Les corps sont enveloppés dans des linges blancs
et attendent d'être brûlés sur le bûcher de bois.
Pour les plus pauvres, ne pouvant s'offrir le bois nécessaire à la crémation, un
crématorium électrique a été construit un peu plus loin...
Il faut savoir que le fleuve est vénéré comme une déesse vivante et on lui
attribue un pouvoir purificateur illimité.
Les textes sacrés de l'hindouisme disent que des bains quotidiens dans le fleuve
préparent l'âme pour le dernier voyage.
Ok, jusque là j'ai compris. On incinère les corps, et comme l'an passé, nous
pouvons voir qu'ils jettent les cendres (ou presque) dans le fleuve, la
rivière, ou au mieux : Le Gange. Sauf qu'il y a une information importante à
connaitre : seuls les personnes mortes d'une mort "normale" ont le droit d'être
incinérées!
On nous explique alors que les enfants de moins de 10 ans, les malades de la
lèpre ou variole, les femmes décédées en étant enceinte, les sadduhs ne peuvent
pas atteindre la libération par l'incinération : ils sont jetés en position du
lotus, tout entier dans le Gange... ARGHHHHHH j'ai bien fait de ne pas la
toucher cette eau!!!!!
Pour la petite histoire c'est parce qu'une mort brutale est signe de mauvais
karma qu'on ne peut avoir le salut par le bûcher. Et pour les Saddhus? Et bien
car ils sont assurés d'atteindre la libération, et n'ont donc pas besoin de ce
feu salvateur...
(pour les courageux, certaines photos sont visibles en tapant "cadavre dans le
Gange" sur votre moteur de recherche - session image). Âmes sensibles s'abstenir.